Kevin Koch : « Tigo Sénégal ne craint pas un nouveau concurrent »
À la tête du deuxième opérateur sénégalais, ce Canadien de 41 ans a trop à faire entre ses démêlés avec l’État et les carences de la Senelec pour s’inquiéter de l’ouverture du marché à un quatrième acteur. En attendant, il peaufine ses offres.
Kevin Koch : Nous ciblons les classes populaires, les jeunes qui sortent du lycée et qui vont avoir leur premier emploi, et les personnes les plus défavorisées.
Votre offre Tigo Lebalma [emprunt de crédit téléphonique, NDLR] s’inscrit-elle dans cette stratégie ?
Oui. Les gens achètent le crédit via des cartes prépayées pour leur besoin de la journée. S’il y a un imprévu le soir, Lebalma permet de leur donner un coup de main jusqu’au lendemain en faisant une demande de préchargement de crédit quand celui-ci est épuisé. Environ 100 000 clients utilisent cette offre chaque jour. Moins de 2 % ne remboursent pas le crédit, mais si un jour ce taux atteint 3 %, nous arrêterons l’offre, car ce ne serait plus assez rentable.
Le Sénégal est-il un fort contributeur à la croissance de Tigo ?
Nous ne considérons pas que l’environnement économique du pays est sain, à cause du décret de nationalisation que l’État a publié en 2008. Nous serons fixé sur l’issue de cette procédure dans un an. Pour l’instant, nous faisons le minimum : moins de 20 % de nos revenus vont dans l’investissement au Sénégal.
Donc pas de nouveaux investissements prévus pour le moment, comme la clé 3G, déjà disponible chez Orange et Expresso ?
Tant qu’une décision judiciaire ne sera pas prise, nous n’investirons pas dans ce domaine : pour équiper nos 600 antennes à travers le pays pour la 3G, nous estimons le coût entre 40 milliards et 50 milliards de F CFA [de 61 millions à 76 millions d’euros]. Et même si nous aimerions la lancer, cela reste compliqué, à cause de notre problème de licence : nous avons reçu une concession pour vingt ans en 1998 sur la 2G seulement. Mais nous sommes prêts à payer pour une licence 3G.
Avec Yoban’tel, Tigo et Société générale se sont lancés en juillet 2010 dans le paiement par mobile. Quel est votre bilan ?
Ce n’est pas un gros business. Même pour le kényan Safaricom, qui est le plus connu en mobile banking, cela représente à peine 10 % du chiffre d’affaires. En fait, c’est surtout une manière de vendre d’autres services. Par exemple, au Ghana, nos utilisateurs peuvent payer leurs factures via leur téléphone, ou encore souscrire à des assurances vie et des assurances vieillesse.
Tigo Sénégal en bref
Filiale du luxembourgeois Millicom, Tigo est présent dans six pays d’Amérique latine et sept pays d’Afrique (Sénégal, Tchad, Rwanda, Ghana, RD Congo, Tanzanie, Maurice)
Deuxième opérateur sénégalais (parts de marché 2010) :
28,2 % Tigo
10,8 % Expresso
61 % Sonatel Orange
2,6 millions d’abonnés
360 salariés (chiffres Sénégal 2010)
Qu’en est-il de votre participation au Fonds de service universel [FSU], auquel les opérateurs donnent une partie de leur chiffre d’affaires pour élargir la couverture du réseau dans les régions isolées ?
Nous ne savons pas encore ce qu’il en est exactement, car une nouvelle loi est passée en février. Tout ce que l’on sait, c’est que 95 % de ce fonds ira à la Senelec [Société nationale d’électricité du Sénégal]. Nous ne savons rien sur les 5 % restants. Nous budgétons 3 % de notre chiffre d’affaires des appels des clients Tigo vers les autres opérateurs téléphoniques pour le FSU. Même si je ne suis pas trop favorable à ce que 95 % du FSU revienne à la Senelec, la réalité est que, sans électricité, il n’y a pas de télécoms. Et les problèmes de la Senelec nous coûtent très cher.
Pensez-vous qu’il y a de la place sur le marché sénégalais pour un quatrième opérateur ?
C’est un fait, il y en aura un. L’appel d’offres pourrait même être lancé en septembre. Mais le quatrième opérateur aura-t-il un plus gros succès que le troisième ? Car au bout de deux ans, les résultats d’Expresso sont décevants… Dans tous les cas, nous ne craignons pas un nouveau concurrent.
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