Bourses africaines : l’avis des « gourous »

À l’heure où le continent s’avère de plus en plus attractif pour les investisseurs boursiers, que pensent les gourous de l’investissement mondial des places financières africaines ?

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 7 décembre 2010 Lecture : 4 minutes.

De plus en plus, l’idée selon laquelle l’Afrique serait désormais un continent potentiellement attractif pour les investisseurs boursiers se répand dans les milieux financiers. Antoine Van Agtmael, autre gourou des « marchés émergents » et inventeur de l’expression elle-même il y a quelques décennies, partage cet enthousiasme : « L’Afrique, malgré ses problèmes, est un lieu formidable pour investir », explique le patron et fondateur d’Emerging Markets Management, une société américaine qui gère une quinzaine de milliards de dollars. « L’Afrique change… Elle a du pétrole, du sucre et tous types de denrées alimentaires que le reste du monde convoite. »

Mark Mobius : « Les marchés <span class=africains les plus liquides attireront les flux d'investissement les plus importants. » © D.R." title="Mark Mobius : « Les marchés africains les plus liquides attireront les flux d'investissement les plus importants. » © D.R." class="caption" width="350" />

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Nick Price, qui gère 5 milliards de dollars sur les marchés émergents chez l’américain Fidelity International, met en avant un autre avantage : « La croissance a été supérieure à 5 % pendant plusieurs années et les niveaux de valorisation sur les marchés africains restent faibles. En tout cas, bien inférieurs à ceux qu’on trouve par exemple au Brésil en ce moment. »

MANQUE DE LIQUIDITÉ

Dans les portefeuilles des gérants internationaux, l’Afrique du Sud fait désormais jeu égal avec la Russie ou l’Inde. L’Égypte est là. Le Nigeria pointe le bout de son nez, le Maroc aussi . Mais le problème numéro un des marchés africains, souligné par tous les gérants, est la liquidité. La grande majorité des Bourses du continent ne voit en effet s’échanger qu’une poignée de millions de dollars de titres chaque jour : trop peu pour satisfaire l’appétit des grands fonds d’investissement. « La liquidité est une préoccupation clé pour la plupart des investisseurs, souligne Mark Mobius. En conséquence, les marchés africains les plus liquides attireront les flux d’investissement les plus importants. Bien que les marchés de certains pays africains se développent plutôt rapidement, nous pensons qu’ils ont encore beaucoup de chemin à parcourir avant que leur potentiel ne soit pleinement réalisé. »

Une intuition que confirme Nick Price : « La plupart des marchés africains sont très “illiquides”, explique-t-il. Comme nous n’investissons pas dans des sociétés ayant moins de 1 milliard de dollars de capitalisation, cela exclut des marchés comme le Ghana, qui présente pourtant de grandes opportunités. » Exit, du coup, les trois quarts des places africaines, d’Abidjan à Dar es-Salaam en passant par Gaborone ou Kampala… Pour atteindre ces marchés, Mark Mobius évoque toutefois une possibilité adoptée par un nombre croissant de gérants : « En attendant que ces Bourses soient suffisamment profondes, les investissements de private equity [dans des entreprises non cotées, NDLR] sont un canal alternatif d’investissement étranger. »

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Autre méthode : investir dans des sociétés actives en Afrique mais cotées sur des marchés occidentaux, comme l’opérateur minier ouest-africain Randgold, ou dans des groupes panafricains cotés en Afrique du Sud… « Cela permet d’avoir en portefeuille des sociétés qui ont un cœur défensif et de bonnes pratiques de gestion, avec, à la marge, une exposition sur des marchés plus petits », explique Vincent Strauss, directeur général de la société de gestion française Comgest, impliqué de longue date sur les marchés émergents. « Ainsi, MTN est très actif au Nigeria et au Ghana. »

Nick Price : « La plupart des marchés africains sont très illiquides. »

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JOHANNESBURG RASSURE

Le groupe de téléphonie sud-africain fait logiquement partie des multinationales africaines appréciées par les grands gérants actifs sur les marchés émergents. Mais il y en a d’autres, comme la chaîne de supermarchés Shoprite, les minières AngloGold Ashanti, Impala Platinum ou Harmony Gold. Et, hors d’Afrique du Sud, les groupes de téléphonie Orascom Telecom et Maroc Télécom, cotés respectivement en Égypte et au Maroc, bénéficient aussi d’un intérêt croissant. Mais attention : « Plus vous descendez dans l’échelle du développement, moins vous êtes protégé et plus le risque macroéconomique est important », prévient Vincent Strauss, qui gère avec ses équipes une quinzaine de milliards de dollars avec une grande réputation de prudence. « Il faut un minimum d’organisation et de structure juridique pour avoir de la croissance, ajoute-t-il. » Selon lui, les sociétés sud-africaines offrent moins de risques macroéconomiques et un cadre juridique plus adéquat pour des gérants occidentaux. « La Bourse de Johannesburg a des règles alignées sur celles de la Bourse de Londres, tient à souligner Nick Price. Et les standards de comptabilité en Afrique du Sud sont les mêmes que ceux qui se pratiquent en Occident. » De quoi rassurer, a priori, des investisseurs qui, lassés des habituels et surévalués Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine), cherchent aujourd’hui de plus en plus loin les gisements de croissance potentielle.

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