Congo-Brazza : Denis Sassou Nguesso et la nouvelle République

Monsieur le Président, privilégiez les politiques sociales.

Denis Sassou Nguesso, le président du Congo-Brazzaville. © Baudouin Mouanda/J.A.

Denis Sassou Nguesso, le président du Congo-Brazzaville. © Baudouin Mouanda/J.A.

Lucien-Pambou
  • Lucien Pambou

    Professeur de sciences économiques et politiques, rédacteur associé de la revue Géopolitique africaine.

Publié le 14 mars 2016 Lecture : 4 minutes.

Le 20 mars 2016 Denis Sassou Nguesso a toutes les chances de se succéder à lui-même en tant que Président de la République du Congo compte-tenu de la sociologie électorale, du nombre de candidats, de leurs projets de société, des stratégies de division au sein de la plateforme de l’opposition FROCAD (Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique) – IDC (Initiative pour la démocratie au Congo). Le Président Sassou peut gagner dès le premier tour face à l’émiettement de l’opposition.

Une fois la victoire acquise, le peuple congolais attend que les priorités inscrites dans la nouvelle constitution (décentralisation, parité homme/femme, prise en compte du handicap, rôle de la jeunesse) soient respectées par le nouveau Président élu. Monsieur le Président, ces priorités doivent être inscrites dans votre agenda sous la dénomination « politiques sociales ». Vous êtes le Premier Président développeur des infrastructures au Congo Brazzaville. C’est un fait incontesté car visible, palpable et réel. Il faut maintenant développer les politiques sociales pour compléter votre stratégie d’industrialisation du Congo qui a commencé par l’édification des infrastructures. Votre tâche ne sera pas facile car il vous faut construire des politiques sociales face à une mondialisation qui est de plus en plus prégnante et qui vous oblige à faire des choix courageux face à une montagne de problèmes importants afin de réduire la fracture sociale entre les différentes classes sociales congolaises.

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Monsieur le Président, vous nommerez un Ministre qui doit établir un bilan, même approximatif, des problématiques liées à la pauvreté, à la précarité, au chômage, à la nature des emplois, aux déficiences de la solidarité dans notre pays. C’est une tâche difficile qui nécessite une méthode en matière de stratégie statistique, d’analyse des situations et de mise en place d’une conférence sociale au cours de laquelle les réflexions menées sur le terrain doivent se traduire par des actions concrètes. L’Afrique subsaharienne est souvent considérée comme un continent marginal. Le continent africain est la région du monde la plus pauvre. Sa production moyenne par habitant à la fin des années 90 est inférieure à ce qu’elle était en 1960. Sa part dans le commerce mondial a reculé. Au niveau social, l’Afrique présente une situation catastrophique avec 250 millions de personnes qui n’ont pas accès au service de santé, 140 millions d’analphabètes et 2 millions d’enfants, selon le rapport de la Banque mondiale, qui meurent chaque année avant leur premier anniversaire. Ces chiffres ne cessent d’augmenter malgré la volonté réelle des États africains de lutter contre la pauvreté.

Il est urgent d’élaborer des politiques réalistes et efficaces de l’emploi des jeunes mais aussi de la société entière

Monsieur le Président, il vous faudra arbitrer entre trois visions : technocratique, « assistantielle» et caritative. Ces trois visions doivent être incluses dans vos politiques sociales afin d’en tirer une approche pragmatique. La vision technocratique de la pauvreté établit un lien entre la croissance et l’éradication de la pauvreté grâce à la croissance économique. Il faut donc, dans ce cas, attirer le maximum d’investisseurs au Congo qui doivent implanter des entreprises et contribuer à la formation professionnelle des Congolais. La vision « assistancielle » participe de la stratégie pour la réduction de la pauvreté mise en place par le FMI et la Banque mondiale. Il faut que le Congo mette en place ses politiques de lutte contre la pauvreté en décrivant de façon méthodique un diagnostic de la pauvreté avec l’identification des obstacles au recul de la pauvreté et à la croissance, des objectifs, des indicateurs (taux annuel de croissance et de scolarisation) et des systèmes de suivi fondés sur le diagnostic de la pauvreté, ainsi que des mesures prioritaires que le Congo doit prendre en fonction des limites imposées par ces marges de manœuvre budgétaires. Ces éléments d’approches sont importants pour établir les filets de protection et de solidarité dans le domaine de l’approche « assistantielle » et caritative.

Pour la jeunesse, celle-ci est menacée par l’absence d’emploi et donc le chômage. Cette jeunesse est guettée par la marginalisation économique et sociale. Les « économiquement faibles » peuvent être rejetés à la misère et à la survie. Les jeunes marginaux potentiellement actifs et ainsi rejetés par la production et la société développent un sentiment de frustration et de « laissés pour compte » qui trouve son exutoire dans la recrudescence de la délinquance, la dépravation des mœurs et le désordre social. Il est donc urgent d’élaborer des politiques réalistes et efficaces de l’emploi des jeunes mais aussi de la société entière.

Monsieur le Président, mettez en place une stratégie de concertation et de validation concrète sur le terrain des consultations des populations grâce à une approche statistique et originale à élaborer qui doit faire appel à tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale du Congo. La prise en compte dans cette stratégie du secteur informel et de la toute petite entreprise ne doit pas être négligée.

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Monsieur le Président, il ne s’agit pas ici d’une injonction mais de quelques observations d’un citoyen qui réfléchit à la vie politique de son pays et qui estime que votre victoire à l’élection présidentielle doit favoriser la mise en place de politiques sociales au même niveau que celles des infrastructures que vous avez développées pour un Congo émergent.

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