Algérie : un métro nommé Djazaïr
Fin de l’interminable chantier ! Attendues depuis vingt-huit ans, les rames algéroises sont enfin entrées en exploitation, le 1er novembre. L’occasion d’analyser en cinq points ce qui attend les usagers.
Après vingt-huit ans d’attente depuis la première annonce du projet, les Algérois ont enfin leur métro, inauguré le 31 octobre par le président Bouteflika. « Jusqu’au dernier moment, les gens étaient incrédules ! Quand ils ont réalisé que le métro fonctionnait, ils se sont précipités en masse pour le découvrir », se félicite Pascal Garret, directeur général de RATP El-Djazaïr, qui gère désormais le deuxième métro africain, après celui du Caire, inauguré en 1984. Le 1er novembre, jour de la fête nationale, 80 000 curieux sont venus expérimenter ce nouveau mode de transport, prenant d’assaut l’unique ligne, qui suit la courbe de la baie d’Alger entre la Grande Poste et Hai el-Badr. Mais quels sont les enjeux économiques derrière les rames flambant neuves ? Réponses en cinq points.
1 – Qui est aux commandes ?
C’est RATP El-Djazaïr, filiale algérienne de RATP Dev, la branche internationale de la Régie autonome des transports parisiens (RATP, 600 millions d’euros de chiffre d’affaires attendu en 2011), qui prend en charge l’exploitation du métro, un contrat de 130 millions d’euros sur huit ans. Ses 450 ingénieurs et conducteurs (dont dix expatriés français) sont depuis le 1er novembre aux commandes. Mais, si l’exploitation a démarré, tout n’est pas terminé pour les équipes du groupement Siemens-Vinci-CAF chargé de la construction, lesquelles comptaient plus de 2 000 personnes au plus fort des travaux. « Nous avons encore une trentaine d’expatriés qui travaillent à résoudre les derniers points techniques, explique le directeur du consortium, Julien Rouveroux, de Siemens. Par la suite, nous garderons des équipes pour assurer les deux ans de garantie. » Le tout sous la surveillance vigilante de Khaled Sadji, chef de projet de l’Entreprise du métro d’Alger (EMA), la société publique chargée des projets de transports urbains.
2 – Quel coût ?
Une chose est sûre : le métro d’Alger aurait pu coûter moins cher. Au final, l’investissement total est estimé à 1 milliard d’euros (dont 380 millions pour le groupement Siemens-Vinci-CAF), en incluant des frais liés aux retards, payés sous forme de pénalités par l’EMA. Ce prix paraît à première vue raisonnable par rapport à d’autres métros, comme la ligne 2 à Lille (France), inaugurée en 2000 et qui a coûté 886 millions d’euros. Mais il ne comprend pas les coûts des chantiers antérieurs au contrat signé en 2005, estimés à plus de 2 milliards d’euros sur lefigaro.fr… Bref, le montant total ne sera pas amorti avant plusieurs décennies d’utilisation.
3 – Quel modèle d’exploitation ?
C’est l’État qui porte les risques financiers pour la période d’exploitation : « Pendant les deux premières années, RATP El-Djazaïr sera payé en fonction de ses coûts, explique Pascal Garret. Notre chiffre d’affaires ne dépendra pas de la fréquentation, mais du nombre de rames que nous ferons rouler. » Le ministère des Transports va donc gérer les prix des billets et bénéficier des recettes. « Nous tablons sur 30 millions de passagers en 2012, puis 50 millions. Le métro traverse des quartiers très denses et dessert la Grande Poste, un point central où il est difficile de se garer. Cet objectif est atteignable », juge Pascal Garret. Reste à savoir si le prix du ticket, annoncé à 50 dinars (0,50 euro) par Amar Tou, le ministre des Transports, ne sera pas jugé trop élevé par les Algérois.
4- Le métro est-il techniquement au point ?
Avant l’inauguration, la presse algérienne, citant une source chez Siemens, évoquait une inauguration trop rapide, ne laissant pas le temps de réaliser tous les contrôles nécessaires. Une accusation que Julien Rouveroux juge diffamatoire : « Toutes les installations ont été testées dans les règles de l’art, y compris les plus récentes et exigeantes telles celles élaborées après l’incendie du tunnel du Mont-Blanc [entre la France et l’Italie en 1999, NDLR] ». « Des équipes venues de Paris ont été mobilisées pour réaliser les essais dans les temps », complète Jean-Marc Janaillac, président du directoire de RATP Dev, pour qui la mise en exploitation de ce métro semi-automatique s’est passée sans accrocs.
5 – Quelles sont les prochaines étapes ?
Au lendemain de l’inauguration, l’EMA a lancé un appel d’offres pour les trois tronçons de la fin de la première ligne (de Hai el-Badr à El-Harrach, de Hai el-Badr à Aïn Naadja et de la Grande Poste à la place des Martyrs). Siemens est d’ores et déjà candidat : « Après ce premier succès, il est logique que nous nous positionnions », estime Julien Rouveroux, qui indique toutefois que son entreprise formerait un autre groupement, sans Vinci cette fois. Autre challenge : la réalisation de la jonction entre le métro et le tramway ; pilotée par l’EMA, Alstom et l’Entreprise de transport urbain et suburbain d’Alger (Etusa), elle devrait être achevée dans huit mois.
Mais les entreprises du secteur sont aussi intéressées par l’alléchant marché algérien de onze tramways. Siemens, RATP Dev ou encore Alstom, qui réalise aussi les tramways de Constantine et d’Oran, sont bien décidés à en profiter. Plus largement, le métro d’Alger doit leur servir de vitrine commerciale en Afrique du Nord pour tous les projets de transports urbains ferroviaires, de Casablanca au Caire.
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