Maroc : nuages sur le plan Azur

Superficies revues à la baisse, gel de certains programmes… une partie de l’immobilier marocain est rattrapée par la conjoncture. Victime aussi, parfois, de son excès de luxe. Pourtant, le secteur rebondit déjà, avec des projets mieux adaptés au marché, qui s’assainit et se diversifie.

Publié le 2 juin 2009 Lecture : 4 minutes.

C’est officiel : le plan Azur ne tiendra pas ses délais. Sans être une véritable surprise, l’annonce faite à la fin d’avril par Mohamed Boussaïd, le ministre marocain du Tourisme, a au moins eu le mérite d’accorder – enfin – le discours des autorités avec ce que l’on savait depuis longtemps. Non, les six stations touristiques promises pour 2010 ne seront pas toutes livrées à temps. Il faut plutôt compter sur 2016. Non, les 85 000 lits supplémentaires ne seront sûrement pas non plus au rendez-vous. On table aujourd’hui sur un chiffre plus modeste. Peut-être 35 000…

Un simple ralentissement

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Comment expliquer un tel redimensionnement, alors que ce plan, censé doper le tourisme à travers le développement de stations balnéaires – à grand renfort de villas, de golfs, de marinas et d’hôtels de luxe -, existe tout de même depuis 2001 ? Premier élément de réponse : la crise internationale est passée par là. La plupart des grands opérateurs internationaux, à qui ces projets étaient confiés, ont vu leur capacité d’autofinancement fondre comme neige au soleil. En décembre 2007, déjà, après avoir essuyé des pertes considérables en Espagne, le promoteur ibérique Fadesa avait cédé 50 % de sa filiale marocaine au groupe Addoha et, par là même, les travaux de Saïdia. Résultat des courses : la première station du plan a pris un an de retard et ne sera livrée que cet été.

Depuis, la défection des investisseurs étrangers s’est accélérée… Le néerlandais Colbert Orco a cédé ses parts dans les projets de Mogador, à Essaouira, et de Port Lixus, à Larache, suivi par le belge Thomas & Piron. Enfin, en avril, l’État a décidé de résilier la convention qui le liait au fonds d’investissement américain Colony Capital pour la station de Taghazout, à Agadir. Motif : le non-respect des engagements. Confronté à d’importantes difficultés de financement, le groupe n’a pas réussi à lever de fonds supplémentaires auprès des banques marocaines.

Les groupes nationaux à la rescousse

Cependant, la crise n’explique pas tout. La multiplicité des actionnaires et des acteurs au sein des projets a aussi souvent posé des problèmes. Ainsi, la mésentente entre Thomas & Piron et Colbert Orco, tous deux partenaires dans Mogador et Port Lixus, était un secret de polichinelle : « Quand il a fallu augmenter le capital de Mogador, Orco a fait de la résistance, confie un cadre de Risma, le fonds d’investissement franco-marocain détenu en partie par Accor et qui pilote Mogador. Cela a provoqué une situation de blocage qui a mis l’ensemble du projet à l’arrêt. » Et quand le néerlandais a décidé de céder toutes ses parts dans Port Lixus au marocain Alliances, contre l’avis de son partenaire belge, ce dernier a dû revoir sa stratégie.

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« Après l’acquisition des parts d’Orco par Alliances, notre projet industriel sur place était passablement modifié, confirme Christian Vande Craen, le responsable opérationnel du développement international du groupe. Nous nous retrouvions avec un partenaire local qui opérait dans le même rayon d’action que le nôtre. Cela risquait de poser des problèmes pour la suite, et nous avons préféré nous retirer. Deux opérateurs industriels sur un même projet, pour nous, c’est trop. Nous privilégions les partenariats complémentaires. Mais cela ne veut pas dire que nous tirons un trait sur le Maroc. Ce marché nous intéresse toujours. »

Seule la station Mazagan, à El-Jadida, échappe aux défections des groupes étrangers. Malgré un retard de deux ans, le consortium mené par le groupe sud-africain Kerzner International, aux côtés de la CDG et de la Somed, s’active pour tenir l’engagement d’une ouverture en octobre prochain. « Nous avons pris du retard à cause des terrains qui n’étaient pas titrés, précise Marie-Béatrice Lallemand, directrice générale de Kerzner au Maroc. Mais à présent, le projet est sur les rails. » Secret de la réussite de Kerzner : un projet dimensionné, à faible composante résidentielle et, surtout, avec un seul capitaine à la barre. Kerzner suit le projet Mazagan de A à Z, en tant qu’investisseur, développeur, constructeur et opérateur. 

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Pour tous les autres projets – excepté Taghazout, dont l’avenir paraît de plus en plus incertain -, les groupes marocains ont pris le relais : Addoha et Alliances en tête. « C’est une très bonne chose, analyse Karim Beqqali, le directeur de l’antenne de CB Richard Ellis au Maroc, leader du conseil en immobilier. Ils sont moins touchés par les effets de la crise mondiale et davantage investis dans la stratégie gouvernementale. » En effet, en raison de l’enjeu national, le politique n’est jamais bien loin.

Une nouvelle donne, avec plus de choix pour les acheteurs

Si l’arrivée des groupes marocains a changé la donne, tous ces projets trouveront-ils des acheteurs ? « On nous a vite collé une étiquette de chevalier blanc, c’est assez flatteur. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes un groupe privé avec des impératifs de rendements, précise Karim Belmaachi, directeur général d’Alliances. Nous avons repris en main la station de Port Lixus, car nous sommes convaincus de son succès. Il ne faut pas attendre la sortie de crise pour recommencer à construire. Au contraire, il faut continuer les travaux pour être prêt lors de la reprise. » Une reprise qu’il entrevoit en 2010, pour la livraison des premières villas de Port Lixus. Entre-temps, le promoteur aura eu le temps de repositionner le projet, avec des produits moins chers et plus adaptés au marché.

« Le plan Azur est un excellent plan, explique Jean-Robert Reznic, l’ancien président du directoire de Risma (Accor Maroc). L’erreur, c’est d’avoir visé exclusivement le très haut de gamme. Or la réussite d’un plan comme celui-là ne peut passer que par la mixité des produits. C’est le mélange qui fait l’harmonie et la réussite d’un projet. Du reste, tout le monde ne peut pas s’offrir des résidences secondaires à 800 000 euros ! »

Projets surdimensionnés, délais intenables compte tenu de la taille des stations, mauvais choix des partenaires… la conjoncture économique internationale aura finalement été l’occasion de débarrasser le plan Azur des quelques freins et excès d’ambition qui entravaient sa bonne marche. 

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