Cap-Vert : une démocratie exemplaire
Le 20 mars 2016, près de 300 000 Capverdiens éliront les 72 députés de l’Assemblée nationale. L’archipel lusophone, membre de la Cedeao, est régulièrement classé en tête des indices de développement, bien que la sécheresse y soit endémique. Comment expliquer cette success story ?
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Didier Niewiadowski
Didier Niewiadowski est un Juriste français. Il a été en service durant 38 ans au ministère de la Coopération et à celui des Affaires étrangères.
Publié le 18 mars 2016 Lecture : 3 minutes.
Les ethnies n’existent pas au Cap-Vert, contrairement à la Guinée Bissau, pays frère dont il s’est opportunément détaché, en 1980. Le sentiment national est très fort, à peine modulé par les identités insulaires et l’expatriation. Outre le métissage, l’importante diaspora, presque équivalente à la population de l’archipel, soit environ 500 000 citoyens, est attentive au développement harmonieux du pays. Les femmes jouent un rôle éminent dans l’économie et la politique. Elles occupent de nombreux postes ministériels régaliens et sont très actives dans les affaires.
Une gouvernance démocratique avec de véritables partis politiques
Le système politique est proche d’un régime parlementaire. Bien qu’élu au suffrage universel direct, le président de la République n’est pas le chef du gouvernement. Cette fonction est assurée par le leader de la majorité parlementaire. La vie politique est structurée autour de deux grands partis politiques : le Parti africain pour l’indépendance du Cap-Vert (PAICV) et le Mouvement pour la démocratie (MPD). Un troisième parti, l’Union capverdienne indépendante et démocratique (UCID), se réclamant de la démocratie chrétienne, est surtout implanté sur l‘île de Sao Vicente où il a ses deux seuls députés.
Le PAICV et le MPD sont structurés sur tout le territoire national. Ils n’entrent pas en sommeil après les élections et ne concentrent pas leurs activités dans la capitale. Les partis capverdiens ne sont pas des clubs de supporters car ils ont une idéologie bien marquée. Elle est enrichie par des think tanks, alimentés par des intellectuels de la diaspora.
L’aggiornamento du PAICV
Issu de la scission du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGV), le PAICV est membre de l’internationale socialiste. Il est proche des partis sociaux-démocrates du Portugal et du Brésil. La vieille garde, jadis marxiste, représentée par l’actuel président de l’assemblée nationale, Basilio Mosso Ramos, et quelques ministres, laisse inéluctablement la place à la jeune génération, connectée aux réseaux sociaux et plus sensible aux défis de la mondialisation.
La jeune présidente du PAICV, Janira Hopffer Almada, a entrepris, depuis son élection en 2014, la rénovation et le rajeunissement de son parti. L’actuel Premier ministre, José Maria Neves, en fonction depuis 2001, a bien compris cette indispensable mutation. Il souhaite se présenter à l’élection présidentielle de septembre 2016. Il trouvera probablement sur sa route Jorge Carlos Fonseca (MPD) qui peut accomplir un second mandat de cinq ans, comme l’ont fait, avant lui, tous ses prédécesseurs : Aristides Perreira (PAICV de 1980-1991), Mascarenhas Monteiro (MPD de 1991-2001), Pedro Pires (PAICV de 2001-2011). Le changement opéré au sein du PAICV sera-t-il suffisant pour convaincre les électeurs ? Janira Hopffer Almada a-t-elle déjà l’étoffe d’un Premier ministre ? Le MPD n’offre-t-il pas de plus solides garanties pour gouverner ? Les réponses seront données par les électeurs du 20 mars 2016.
Le MPD prêt à gouverner
À l’origine parti pro-occidental et moins africaniste que le PAICV, le MPD est plus attaché au libéralisme économique et au renforcement des liens avec l’Union européenne et surtout les États-Unis d’Amérique, notamment dans le cadre de l’African growth and opportunity act (AGOA). Depuis près de 10 ans, le MPD a entrepris la reconquête du pouvoir, perdu en 2001. Grâce à ses succès aux élections municipales, il a renforcé son enracinement local. En 2012, le MPD a remporté 14 des 22 villes et en particulier la capitale Praia. En février 2011, Jorge Carlos Fonceca, a été facilement élu Président de la république avec 54,09% des voix succédant ainsi au combattante Pedro Pires, élu en 2001, avec seulement 19 voix sur le leader historique du MPD, Carlos Veiga.
Le 20 mars 2016, le MPD devrait profiter de l’usure du pouvoir du PAICV. La crise économique, les problèmes énergétiques, les graves défaillances enregistrées dans les transports maritimes et aériens et l’opacité de certains investissements touristiques pèseront dans le choix des électeurs. Une nouvelle alternance pourrait permettre au maire de Praia, Ulisses Correia e Silva, de devenir le cinquième premier ministre, depuis l’indépendance, en 1975, et illustrer ce que doit être la vraie démocratie.
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