Rwanda : big bang à Kigali dans l’urbanisme

Afin de faire face au doublement de la population de la capitale rwandaise d’ici à 2020 et de la rendre plus attractive pour les investisseurs, l’État et la municipalité ont adopté un plan directeur ambitieux. Et ne reculent devant rien pour le mettre en œuvre.

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 7 septembre 2011 Lecture : 5 minutes.

Çà et là, de grands chantiers rendent déjà ce changement visible. Comme celui du Kigali Convention Center, un complexe d’un coût de 200 millions d’euros qui devrait regrouper dès 2012 une salle de conférences de 2 600 places, un centre commercial, un hôtel de près de 300 chambres (opéré par The Rezidor Hotel Group, basé à Bruxelles), un musée et des bureaux. Dans le quartier des affaires, la Kigali City Tower, en construction, semble encore bien isolée. Plus pour longtemps. « D’ici à quatre ans, une vingtaine d’immeubles de 15 à 30 étages seront construits dans le central business district », explique le maire, Fidèle Ndayisaba, qui a pris ses fonctions en mars. « Et je ne parle que des projets déjà approuvés… »

Des maisons par centaines. Avec le retour de la diaspora et l’apparition d’une classe aisée, la demande en logements augmente aussi. Le plan directeur de Kigali prévoit la construction prochaine d’appartements de grand standing dans la zone hôtelière et incite à construire en hauteur dans certains quartiers. La Générale de l’immobilier (Génimmo) vient ainsi d’acquérir une parcelle auprès de la ville de Kigali pour construire l’Appartement Hôtel, d’un coût estimé à 10,3 millions d’euros. Mais ce n’est pas le créneau que la société souhaite privilégier. « La plupart des Rwandais préfèrent les petites maisons individuelles, confie un de ses responsables. En appartement, on est obligé de cuire à l’électrique : les gens n’en ont pas l’habitude et c’est extrêmement coûteux. » Du coup, la société prévoit de se lancer dans la construction de lotissements de 100 à 200 maisons individuelles, ce qui devrait lui permettre de les vendre à des prix très compétitifs. « Nos études de marché nous montrent que la demande est là pour ce genre de biens », poursuit le promoteur. Sa seule crainte n’est pas que les maisons ne se vendent pas, mais que ses concurrents commencent à profiter du boom avant lui. P.B.

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« Rationnaliser l’espace »

S’il peut être aussi sûr de la hauteur des futurs bâtiments, c’est que les promoteurs n’ont pas le choix : la ville a adopté en 2008 un plan directeur qui doit organiser son développement jusqu’à l’horizon 2050. Celui-ci découpe Kigali en zones, au sein desquelles l’ensemble des immeubles devra répondre à certains critères. Dans le futur quartier hôtelier, tout proche du centre d’affaires, la hauteur minimale a ainsi été fixée à 8 étages. Le but ? « Rationaliser l’espace en densifiant la ville », répond le maire. Du coup, la modélisation 3D du futur visage de Kigali donne le tournis : immeubles élancés, espaces verts bordés par des cours d’eau, quartiers commerçants survolés par des passerelles piétonnes…

Les petites échoppes qui prospèrent autour du rond-point du centre-ville devront donc laisser place à des constructions plus ambitieuses. Leurs propriétaires actuels, s’ils ne veulent pas s’impliquer dans un nouveau projet, seront expropriés moyennant dédommagement. « La plupart des commerçants sont enthousiastes, affirme Fidèle Ndayisaba. Ils se mettent en commun pour atteindre la surface minimum requise, et nous les accompagnons. »

Mais il arrive que cela se passe moins bien, comme dans certains quartiers résidentiels. Invités à s’exprimer sur ce thème lors d’un forum de l’Institut de recherche et de dialogue pour la paix, en mars, des habitants de Kigali ont ainsi estimé que « les intérêts des expropriés ne sont pas pris en compte, surtout en ce qui concerne leur relogement » – les locataires ne se voient pas proposer de solution -, ou encore que la valeur donnée aux terrains ne correspond pas au prix du marché. « Ce n’est pas toujours facile, concède Fidèle Ndayisaba. Il faut les préparer psychologiquement, les convaincre. Mais c’est pour le bien commun : cela crée une activité économique dont ils sont aussi bénéficiaires. »

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Lac artificiel

C’est aussi pour favoriser la croissance que la municipalité, qui prévoit de recevoir de plus en plus d’étrangers, veut créer un quartier des loisirs sur le mont Rebero, qui surplombe la ville. Le 12 août, elle a conclu un accord avec des investisseurs pour la cession de trois parcelles. Celles-ci accueilleront la Kigali Tower (un projet de 8,7 millions d’euros mené par Kigali Real Estate), l’Appartement Hôtel (10,3 millions d’euros, Génimmo) et le Chic Shopping Complex (28,4 millions d’euros, Chic Champion Investment Corporation).

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« Je n’hésiterai pas à aller sous une tente pour permettre de lancer les travaux au plus vite. » Fidèle Ndayisaba, Maire de Kigali

Plus ambitieux encore : la création d’un lac artificiel est à l’étude pour accueillir des activités nautiques. Mais l’Office rwandais de gestion de l’environnement est déjà vent debout contre le projet. « Ce serait de l’eau stagnante, s’inquiète sa directrice, Rose Mukankomeje. Or les déchets sortent de partout et cette ville n’a pas de système de traitement des eaux usées ! Les concepteurs ont voulu nous mettre devant le fait accompli sans faire les études d’impact obligatoires. Nous nous y sommes donc opposés. »

Pas de quoi entamer la détermination de la mairie. Pour montrer l’exemple, elle a fait raser son ancien hôtel de ville pour construire un nouveau city hall. Réfugié au dernier étage d’un vieux bâtiment administratif adjacent, Fidèle Ndayisaba prévient : « Si le terrain sur lequel nous sommes installés intéresse quelqu’un, je n’hésiterai pas à aller sous une tente pour permettre de lancer les travaux au plus vite. »

Kigali : des mètres carrés très prisés. Le marché de l’immobilier – résidentiel et commercial – a le vent en poupe. Et les prix montent.Le nouveau maire de Kigali n’a qu’une obsession : construire pour faire face à une demande qui paraît insatiable. « En ce qui concerne les bureaux, les immeubles construits dans le centre-ville sont occupés à 100 %, indique Fidèle Ndayisaba. Et ceux qui sont en cours de construction sont déjà entièrement vendus. » À tel point que, selon les professionnels du secteur, les surfaces commerciales les mieux placées peuvent se louer jusqu’à 25 dollars (17,30 euros) par mois le mètre carré. « Les prix restent globalement raisonnables, estime toutefois le maire. L’inflation n’est pas beaucoup plus forte dans l’immobilier qu’ailleurs. » Elle est en tout cas suffisante pour attirer les investissements dans le secteur : selon le Rwanda Development Board, ceux-ci sont passés de 80 millions à 335 millions d’euros entre 2003 et 2009.

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