CPI – Fatou Bensouda : « Bemba reconnu coupable, un message fort adressé à tous les chefs militaires »

Après le verdict de la Cour pénale internationale (CPI) dans l’affaire Bemba, la procureure Fatou Bensouda a salué lundi une « décision historique » et un « message fort » adressé aux seigneurs de guerre à travers le monde. Interview.

Fatou Bensouda, procureure de la CPI, le 21 mars 2016 à La Haye. © CPI/Flickr

Fatou Bensouda, procureure de la CPI, le 21 mars 2016 à La Haye. © CPI/Flickr

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Publié le 21 mars 2016 Lecture : 3 minutes.

Joint au téléphone par Jeune Afrique quelques instants après le prononcé du verdict le 21 mars dans l’affaire Jean-Pierre Bemba devant la Cour pénale internationale (CPI), la procureure Fatou Bensouda s’est réjouie de la décision rendue par les juges, soulignant sa détermination à poursuivre son combat contre les auteurs et responsables de crimes graves, particulièrement les crimes sexuels et sexistes, à travers le monde.

Jeune Afrique : Quelle est votre réaction après le verdict de la CPI qui reconnaît Jean-Pierre Bemba coupable de crimes commis par ses troupes en Centrafrique entre octobre 2002 et mars 2003 ?

Les juges ont reconnu la souffrance des populations centrafricaines

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Fatou Bensouda : Cette décision est historique. Par ce verdict, les juges de la CPI ont affirmé que les crimes de meurtre, de viol et de pillage commis contre les civils ne doivent pas être impunis. Ils ont ainsi reconnu la souffrance de ces populations centrafricaines victimes de la campagne de terreur menée entre 2002 et 2003 par les troupes du Mouvement de libération du Congo (MLC) dont Jean-Pierre Bemba était le chef militaire.

C’est donc un message fort adressé à tous les chefs militaires à travers le monde : ils seront tenus responsables de crimes commis par leurs troupes s’ils ne prennent pas des mesures nécessaires pour les en empêcher.

Ce verdict renforce également notre engagement collectif à continuer à poursuivre les auteurs de ces crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Y compris les crimes sexuels, Bemba étant le premier à être reconnu pénalement responsable de viol devant la CPI. Dans les conflits armés, les viols sont utilisés comme de véritables armes de guerre. Les chefs militaires qui ne feront rien pour les empêcher seront tenus responsables de ces crimes.

Le verdict rendu dans cette affaire aura-t-elle une incidence sur celle, connexe, relative à la subornation des témoins ?

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Mon bureau a en effet engagé des poursuites contre Jean-Pierre Bemba et d’autres suspects dans une autre affaire connexe d’atteintes à l’administration de la justice. C’est une affaire à part qui se poursuit devant la CPI. Il n’y aura pas d’incidence après ce verdict rendu dans l’affaire principale.

Un verdict qui tombe près de huit ans après le début de la procédure devant la CPI… Cela ne traduit-elle pas la difficulté qu’a éprouvée votre bureau à rassembler des preuves contre Bemba ?

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Chaque procès est unique. Il est également sujet à des complexités liées à la nature de crimes, au nombre de témoins, à la portée de preuves documentaires (dans l’affaire Bemba, les juges ont admis 733 éléments de preuve dont 5 724 pages de preuves documentaires, NDRL)…

Nous nous devons d’être efficaces et méticuleux

Tenez, dans cette affaire, mon bureau a cité 40 témoins, la défense 34, sans compter les deux autres témoins appelés à la barre par les représentants légaux des victimes et un par les juges. Plus de 5 000 victimes ont été représentées ! La complexité de l’enquête sur le terrain crée ainsi des défis importants à relever. Nous nous devons d’être efficaces et méticuleux pour notamment protéger l’intégrité de la procédure.

Que répondez-vous à ceux soutiennent que ce procès contre Bemba est une affaire politique, aucune autorité centrafricaine de l’époque n’ayant été pour l’instant poursuivie ?

Durant le procès, des incidents similaires ont été relevés. Mais aujourd’hui, les juges ont établi, en dehors de tout doute raisonnable, que Jean-Pierre Bemba est bien responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis par les troupes du MLC contre les populations civiles en Centrafrique.

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