Belgique : le « roi des pirates somaliens » derrière les barreaux mais avec son butin

Le 14 mars, la justice belge a condamné le somalien Mohamed Abdi Hassan à 20 ans de prison. Mais en raison d’un oubli du ministère public, elle n’a pu confisquer le butin de 13 millions d’euros de celui que l’on surnomme « le roi des pirates somaliens ». Retour sur l’une des histoires de piraterie les plus rocambolesques.

Mohamed Abdi Hassan, plus connu sous le nom de « grande gueule ». © Capture d’écran vidéo/The Telegraph

Mohamed Abdi Hassan, plus connu sous le nom de « grande gueule ». © Capture d’écran vidéo/The Telegraph

Publié le 25 mars 2016 Lecture : 4 minutes.

2009, la Belgique victime pour la première fois de la piraterie

Fin des années 2000. À cette époque, la piraterie somalienne est à son apogée dans le Golfe d’Aden et dans l’océan Indien, et les prises d’otages sont un fléau pour le fret maritime international. Mohamed Abdi Hassan, qui se fait appeler « Afweyne » qui signifie « grande gueule » en somali, est alors l’un des principaux parrains du banditisme maritime dans la région, à la tête du gang King Pin.

Le 18 avril 2009, il détourne avec douze hommes le Pompéi et son équipage composé de dix hommes, à 150 kilomètres au nord des Seychelles. Ce n’est pas une petite prise, le navire de 1850 tonnes pour 65 mètres de long appartient aux sociétés belges d’export Derne et De Nul, spécialisées dans la construction d’îles artificielles, le transport et la pose de rochers pour protéger les pipelines.

Le Navire belge, le Pompéi. © Anonyme/AP/SIPA

Le Navire belge, le Pompéi. © Anonyme/AP/SIPA

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Pour la Belgique c’est une première, et un calvaire qui va s’éterniser. Les dix membres de l’équipage pris en otages – le capitaine néerlandais, deux Belges, trois Philippins et quatre Croates – vont être retenus plus de 71 jours. Ils seront libérés le 28 juin, après d’interminables négociations et l’obtention par les pirates d’une rançon, larguée par avion à proximité du navire, d’environ 2 millions de dollars.

Le grand détournement des enquêteurs belges

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais c’était sans compter sur l’audace des enquêteurs de la police fédérale belge en charge de l’affaire qui se refuse alors à toute arrestation en Somalie, pays en guerre. Après avoir identifié et fait extrader deux suspects, ils décident de tendre un piège à Afweyne que le parquet considère désormais comme la tête pensante du commando.

Ils entrent en contact par mail avec l’un de ses lieutenants, Mohamed Moalin-Aden (surnommé « Tiiceey »), ancien gouverneur de la province somalienne de l’Himan et Heeb (Centre). Ils se font passer pour des producteurs de cinéma souhaitant réaliser un long métrage sur Afweyne  – intitulé « I was a Pirate, rebuilding of the nation » – et sollicite ses services en tant que conseiller. Au départ, la cible est méfiante, elle sait ses déplacements risqués. Même si au mois de janvier elle a claironné à qui veut l’entendre qu’elle avait abandonné la piraterie pour désormais se consacrer à … la lutte contre la piraterie et l’exploitation des jeunes pour ce sombre dessein.

Mais la tentation est trop forte de voir porter aux nues ce destin extraordinaire. Afweyne accepte le rendez-vous, non sans contreparties. Un article du Nouvel observateur rapporte ainsi que le Somalien exige de l’argent, d’apparaître à l’écran et une place pour le match de foot France-Finlande au Stade de France.

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C’est de cette façon que le « roi de la piraterie », ainsi que son complice, s’est fait cueillir comme un bleu sur le tarmac bruxellois de Zaventem le 12 octobre 2013. Prouvant une fois de plus que la vanité est parfois plus dangereuse pour les grands bandits que les crimes qu’ils peuvent commettre.

13 millions d’euros, « sur un carton de bière si nécessaire »

Les deux hommes sont aussitôt mis en examen pour détournement, prise d’otages et participation à une organisation criminelle. En septembre 2015, les deux hommes sont jugés à Bruges. Pendant son réquisitoire, la procureure fédérale Marianne Cappelle dénonce alors la cupidité des deux hommes – « Afweyne est un gangster de la pire espèce. Tiiceey n’est peut-être pas violent, mais veut être riche à tout prix. » – avant de réclamer « 10 millions d’euros pour Afweyne et 3 millions pour Tiiceey de confiscation exceptionnelle. » Ce qui n’a pas manqué de faire réagir immédiatement la défense qui souligne qu’il n’est à aucun moment fait état d’une confiscation dans la réquisition écrite formulée par le ministère public. Léger malaise, avant que le procureur propose d’inscrire au plus vite les montants, « sur un carton de bière si nécessaire », en vue de la séance suivante, prévue pour janvier 2016. Ce qui ne sera jamais fait.

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Un oubli qui fait tâche dans un dossier pourtant rondement mené, puisque le 14 mars dernier les deux hommes sont condamnés à 20 ans et 5 ans de prison ferme, rapporte la presse belge. Mais la somme réclamée ne pourra plus être débattue. Et la probable opposition d’Afweyne  – qui n’était pas présent à l’audience – ne changera pas la donne, puisque la justice belge ne peut  infliger en opposition une peine supérieure à celle prononcée par défaut, et donc ne pourra lui ajouter une confiscation de biens. Seule un appel pourrait changer la donne. Selon la justice belge, Mohamad Abdi Hassan pourrait être à l’origine de 24 prises d’otages de navires et de leur équipage. Parmi ses prises supposées les plus notables, en 2008, à deux mois d’intervalle, celle d’un cargo ukrainien chargé d’armes de guerre et un pétrolier saoudien – le Syrius Star – de 318 000 tonnes et long de 318 mètres.

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