Togo : « e-village » ou la technologie au service de l’Administration territoriale
Annoncé le 11 mars en Conseil des ministres, le projet « e-village » vise à offrir des téléphones portables aux chefs des cantons et villages du Togo. Un projet bien accueilli par l’opinion même s’il suscite une certaine méfiance dans les rangs de l’opposition.
Mettre un téléphone portable, une carte SIM et un crédit de communication mensuel à disposition de plus de 4 000 chefs de cantons et de villages du Togo. Le projet « e-village » présenté le 11 mars 2016 en Conseil des ministres, doit permettre « de sécuriser le territoire, prévenir et gérer des risques », et servir d’outil de sondage à disposition de l’institut national de la statistique et des études économiques et démographiques (INSEED).
Un chef de village pourra ainsi donner des informations sur la vie de sa localité, le nombre des naissances, des décès, des mariages, le prix des denrées alimentaires sur le marché, le nombre de visiteurs étrangers… Des éléments qui vont permettre de suivre plus aisément l’évolution sociale du Togo éloigné des grands centres urbains. À terme, une messagerie vocale doit être développée pour faciliter la remontée des informations.
Les téléphones remis aux chefs de villages doivent également leur permettre de joindre rapidement l’échelon administratif supérieur en cas de sinistres ou d’urgences. Jusqu’ici ce contact était établi de façon disparate sur le territoire, selon les moyens du bord. Une situation qui engendre parfois des drames : incendies non-maîtrisés à temps, accouchements difficiles et maladies à soigner en urgence, comme pour l’épidémie de méningite qui frappe actuellement le nord du pays.
L’autre défi de taille auquel répond ce projet, dont la mise en oeuvre doit débuter au mois d’avril, est de sécuriser le territoire
L’autre défi – de taille – auquel répond ce projet dont la mise en oeuvre doit débuter au mois d’avril, est de « sécuriser le territoire », dans un contexte international marqué par les attaques terroristes au Burkina Faso, au Mali et plus récemment en Côte d’Ivoire. Les téléphones doivent permettre aux notables de signaler les cas suspects notamment dans les localités proches des frontières terrestres du pays.
Déployer le réseau mobile
« Le projet est une initiative à saluer tant qu’elle permet de sauver des vies, d’offrir à des milliers d’enfants un acte de naissance et d’améliorer la fourniture des services aux citoyens », explique Gerry Taama, président du Nouvel engagement des Togolais (NET), candidat malheureux à la présidentielle d’avril 2015. « Il faut maintenant déployer le réseau de téléphonie mobile sur l’ensemble du territoire et offrir par exemple des systèmes de recharge de batteries par énergie solaire aux populations », poursuit Gerry Taama, également fondateur de l’Observatoire africain de la défense et de la sécurité.
Certains opposants soupçonnent le pouvoir de préparer le terrain pour les élections locales à venir. Pour le professeur Aimé Gogué, député de l’opposition et candidat malheureux à la dernière présidentielle, le projet est bon dans son essence, surtout sur son aspect sécuritaire, « mais il peut être un moyen pour le pouvoir de surveiller encore plus les activités de l’opposition sur le terrain dans l’optique des élections à venir ».
Sondage préalable
Pour la ministre des Postes et de l’Économie numérique qui copilote le dossier avec son collègue de l’Administration territoriale, « un premier sondage sera réalisé pour déterminer les réseaux disponibles dans les localités ». Selon Cina Lawson, cela permettra d’offrir des cartes SIM (Togocel ou Moov) différentes selon la force du signal disponible. « Les coordonnées GPS des localités où les réseaux sont absents seront relevés pour permettre, dans le cadre du service universel des télécommunications, de déployer très rapidement le réseau », explique-t-elle. À l’heure actuelle, les deux opérateurs assurent couvrir au moins 70% du territoire, avec un taux de pénétration mobile de 93%.
Le coût du projet est estimé à un peu plus de 150 000 euros pour la première année
Togbui Victor Hola Kpodo Dra IV, chef du canton de Togblékopé (25 km au nord de Lomé) salue l’initiative et estime que « e-village » correspond à un besoin essentiel de ses homologues surtout des contrées reculées. « Il y a beaucoup de situations dramatiques que ces téléphones dotés de crédits de communication peuvent éviter ». Il souhaite néanmoins qu’un véritable suivi soit mis en place car « certains chefs doivent apprendre à utiliser les téléphones et surtout comprendre exactement ce qui leur est demandé de remonter comme informations. »
Le coût du projet est estimé à un peu plus de 150 000 euros pour la première année. La somme doit servir à acheter les terminaux, payer les crédits de communication et réaliser le travail d’identification des bénéficiaires. À partir de la deuxième année, le coût devra être ramené à 50 000 euros.
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