Télécoms : Moov sur la bonne trajectoire

Fini l’époque où Moov, la marque d’Atlantique Télécom, faisait figure de modeste challengeur en Afrique de l’Ouest. Le groupe voit ses parts de marché et sa rentabilité augmenter.

Julien_Clemencot

Publié le 18 octobre 2011 Lecture : 4 minutes.

Propriété à 100 % de l’émirati Etisalat, Atlantique Télécom ne cache plus ses ambitions. Candidat déclaré à une licence 3G (haut débit mobile) en Côte d’Ivoire, il serait aussi sur les rangs pour obtenir le précieux sésame au Gabon, au Bénin et même au Cameroun, où sa marque Moov n’est pas encore présente. Au total, l’investissement pour acquérir ces autorisations dépasserait les 45 millions d’euros. Atlantique Télécom aurait-il soudain la folie des grandeurs ? En dehors de la Côte d’Ivoire, ses opérations restent modestes et n’avaient pas, jusque-là, brillé par leur rentabilité.

« Les choses ont changé », explique une source interne. Selon Atlantique Télécom, sa base d’abonnés dépasse les 6 millions, et sa part de marché atteint 43 % au Togo, 31 % au Bénin, 22 % en Côte d’Ivoire et au Gabon, 18 % en Centrafrique et 14 % au Niger. « Majoritaire depuis 2008, Etisalat a engagé une restructuration dont on commence à ressentir les effets », confirme Nagi Abboud, directeur général. L’effort a d’abord concerné les ressources humaines, avec l’instauration d’une rotation des manageurs dans les différentes filiales. « L’objectif était de mieux répartir les compétences. Désormais, c’est par exemple le Niger qui sert de référence en informatique », indique Nagi Abboud.

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La réduction des coûts opérationnels figurait également au cœur du projet. « Il s’agit entre autres de profiter de la puissance d’achat du groupe pour optimiser nos acquisitions. Chaque année, Etisalat investit 2 milliards de dollars [1,5 milliard d’euros, NDLR] dans ses équipements. Si elle effectuait ses achats en solo, notre filiale centrafricaine n’obtiendrait certainement pas d’aussi bonnes conditions. » La rationalisation des dépenses des filiales est aussi passée par la création d’une centrale d’achat au niveau d’Atlantique Télécom.

Le cas Telecel Faso toujours en suspens

En conflit avec le groupe Planor depuis 2005 pour le contrôle de Telecel Faso, Atlantique Télécom ne désarme pas. Son directeur général, Nagi Abboud, l’affirme : « Etisalat a porté l’affaire devant les tribunaux internationaux et épuisera tous les recours pour faire valoir ses droits. La cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris a rendu en octobre 2010 une décision favorable à Atlantique Télécom, qui a demandé son exequatur au Burkina et attend que le tribunal de Ouagadougou se prononce sur ce point. » Le jeu en vaut la chandelle : Telecel Faso détiendrait presque 20 % du marché burkinabè. J.C.

Autre chantier d’importance : la mise en place d’une base de données regroupant l’ensemble des informations transmises par les filiales, afin d’ajuster leur pilotage. Ces indicateurs ont permis un profond lifting des offres. Avec succès, note Gandé Dagba, directeur commercial : « En 2011, nous devrions enregistrer 2,5 millions de nouveaux clients, contre 1 million d’habitude. Et l’an prochain, nous pensons faire encore mieux. » Selon Atlantique Télécom, tous les marchés auraient contribué dans la même proportion – avec une hausse du nombre d’abonnés de plus ou moins 40 % – aux bons résultats. La performance récompense les 150 millions d’euros investis depuis dix-huit mois pour étendre la couverture et la qualité des réseaux de Moov.

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Locomotive ivoirienne

Cette montée en puissance se traduit par l’amélioration de la profitabilité d’Atlantique Télécom. Sa marge Ebitda (indicateur proche de la marge brute d’exploitation) dépasse ainsi les 30 %. Certains marchés, comme le Gabon, la Centrafrique et le Niger, restent en retrait (entre 10 % et 15 %), tandis que la filiale ivoirienne, historiquement la plus performante, est aux avant-postes (près de 40 %, quand les leaders sont à 50 %). « Si, en nombre d’abonnés, nous nous situons en troisième position [3,7 millions], notre résultat net [13 % des revenus] nous place devant Orange et MTN », se réjouit Ahmed Mamadou Cissé, patron de Moov Côte d’Ivoire et directeur général adjoint d’Atlantique Télécom.

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Ces derniers mois, la réussite de Moov au pays des éléphants tient beaucoup aux déboires que connaissent ses concurrents. La qualité du réseau d’Orange, notamment, a été très affectée par les destructions d’équipements pendant la crise postélectorale. « En un an, nous avons recruté 800 000 abonnés, contre 400 000 habituellement », indique Ahmed Mamadou Cissé. Des clients que Moov met un point d’honneur à fidéliser. « Pendant toute une période, l’objectif était d’engranger un maximum d’abonnés. Notre politique a évolué. La fidélisation est devenue une priorité », insiste Gandé Dagba.

Reste que, pour bousculer les leaders Bharti, MTN ou Orange, Moov doit étoffer ses solutions technologiques. La marque est absente du paiement par mobile et de la 3G. « Être pionnier dans ces domaines n’était pas une priorité, avoue Gandé Dagba. Mais nous allons y venir. » Des évolutions pour lesquelles Atlantique Télécom pourra s’appuyer sur les compétences de sa maison mère, qui a annoncé fin septembre le lancement d’un réseau 4G à Abou Dhabi.

Mais la révolution la plus attendue concerne un tout autre domaine. Fort de ses bons résultats, le groupe devrait abandonner courant 2012 sa marque Moov au profit d’Etisalat ; pour ce faire, une agence de communication est en cours de recrutement. Un challenge de taille que les responsables d’Atlantique Télécom envisagent avec sérénité. Les abonnés partageront-ils cet enthousiasme ? On se souvient qu’en son temps Zain n’avait pas réussi à faire oublier la marque Celtel, créée par Mo Ibrahim.

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