Capital-investissement : royalement doté
Né en 2004 de l’union entre le holding du prince saoudien Al-Walid Ibn Talal et une société de gestion américaine, Kingdom Zephyr Africa Management dispose de près de 400 millions d’euros à investir. En partie en Afrique francophone.
Londres, New York, Shanghai, Dubaï, Abu Dhabi, Singapour, Francfort, Bruxelles : Kofi Bucknor et ses associés auront fait, en un an et demi, le tour des capitales financières du monde, dans les pays occidentaux comme dans les pays émergents. L’objectif du managing partner ghanéen de Kingdom Zephyr Africa Management (KZAM) : boucler un nouveau fonds de capital-investissement pour un total de 500 millions de dollars (environ 394 millions d’euros). Malgré la crise financière et économique internationale, l’opération s’est avérée un succès : PAIP II (pour Pan-African Investment Partners II) dispose désormais de 492 millions de dollars, soit quatre fois plus que son aîné, PAIP I.
Parmi les souscripteurs, venus d’horizons divers, figure le prestigieux fonds souverain singapourien Temasek. Ce dernier, dans ce qui reste aujourd’hui l’un de ses très rares investissements en Afrique, a injecté 75 millions de dollars dans PAIP II. Les équipes de KZAM en sont fières, tout en sachant que le choix de Temasek tient aussi à l’entregent du prince saoudien Al-Walid Ibn Talal, neveu du roi Abdallah. Actionnaire de la société de capital-investissement à hauteur de 50 %, via son holding personnel Kingdom Holding, l’homme d’affaires en est l’un des plus sûrs et fidèles soutiens : il a ainsi injecté à lui seul 165 millions de dollars dans le deuxième fonds.
Alliance au sommet
« En 2004, Kingdom Holding et Zephyr ont souhaité créer une société d’investissement commune pour lever et gérer un premier fonds, explique Kofi Bucknor, présent dans KZAM depuis le début. Kingdom Holding avait commencé ses propres investissements en Afrique dans les années 1990, dans la Sonatel [Sénégal], United Bank for Africa [UBA, Nigeria] ou Ecobank [Togo]. Zephyr avait également une expérience de l’Afrique, puisqu’il avait déjà géré des fonds sur cette zone, et, de façon plus générale, il connaissait bien les marchés émergents. » Une alliance au sommet s’est ainsi formée entre le riche homme d’affaires saoudien et la société de gestion américaine.
Les décisions d’investissement de KZAM dans des entreprises africaines, loin d’être du seul ressort du prince saoudien, sont le résultat des choix d’un comité d’investissement pluriel. « C’est vrai qu’il soutient la structure et que son nom est clairement associé au fonds, mais ce n’est pas son fonds personnel », souligne un capital-investisseur qui connaît bien la maison. PAIP II a d’ailleurs attiré bien d’autres investisseurs, comme la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale), qui a investi 40 millions de dollars, ou la Banque européenne d’investissement, qui a misé 32 millions d’euros.
Nigeria, Botswana, Maroc…
Avec huit investissements réalisés depuis sa naissance, pour un total d’environ 150 millions de dollars, KZAM fait aujourd’hui partie des plus anciennes équipes spécialisées sur l’Afrique, après les trois acteurs historiques que sont Actis, Emerging Capital Partners et Aureos Capital. Trois de ses investissements ont déjà été revendus : UBA, la banque panafricaine Ecobank et le groupe de téléphonie mobile Celtel (devenu Zain Africa). « Ces trois participations ont été cédées à des investisseurs stratégiques, souligne Kofi Bucknor. Notre cible de taux de rendement interne [qui indique la rentabilité annuelle de l’investissement, NDLR] était de 25 %, et nous l’avons largement dépassée. » Un beau début, certes, mais sans grande originalité. Tous les grands capital-investisseurs du continent ont été présents dans Celtel. Beaucoup l’ont été dans Ecobank. Et UBA reste, à plus d’un titre, l’une des plus sûres des banques nigérianes.
Toutefois, KZAM a réalisé cinq autres investissements bien plus originaux. Il a investi, fin 2004, 13,4 millions de dollars dans Letshego, une société de crédit à la consommation destinée principalement aux fonctionnaires et qui, depuis le Botswana, a rayonné de la Namibie à l’Ouganda. Il a également injecté 27 millions de dollars dans le capital du groupe d’assurance marocain CNIA Saada. Et sa principale opération s’est faite avec le promoteur immobilier Mixta Africa, basé en Espagne mais opérant du Sénégal à l’Égypte, à qui KZAM a apporté 45 millions d’euros via ses deux fonds. Enfin, ses deux derniers deals en date ont été passés avec le fournisseur sud-africain de matériaux lourds et d’infrastructures électriques BuildWorks, et avec le thonier ivoirien Thunnus Overseas Group.
Un portefeuille diversifié
Crédit conso, immobilier, assurance, matériaux, industrie de la pêche : en quelques années, KZAM a su diversifier son portefeuille et investir dans des secteurs plus novateurs que le classique « télécoms-mines-banques ». Il a su également se déployer en Afrique francophone. « Cette zone nous intéresse beaucoup car elle est sous-pénétrée par le private equity et les valorisations y sont donc plus intéressantes », explique Kofi Bucknor, francophile avéré, aussi à l’aise en anglais que dans la langue de Molière et qui connaît bien la Côte d’Ivoire pour avoir travaillé à la Banque africaine de développement. Il poursuit : « En Afrique francophone, certains pays disposent d’une classe moyenne croissante et d’une bonne structure industrielle. D’autres ont un potentiel minier et bancaire. »
Avec son nouveau fonds, KZAM, qui se définit comme un investisseur actif, impliqué dans la gouvernance des entreprises, devrait faire dans cette zone plusieurs investissements, sur les cinq à sept qu’il lui reste à mettre sur pied d’ici à trois ans environ. Un travail hypersélectif : sur une dizaine de dossiers regardés en permanence, un à deux seulement aboutiront, dans un délai de six à neuf mois, pour un investissement moyen d’une trentaine de millions de dollars et une prise de participation allant de 25 % à 40 % du capital.
L’une des clés du succès des équipes de capital-investissement est la qualité des hommes et des femmes qui y travaillent. Chez KZAM, Kofi Bucknor, banquier d’investissement réputé et d’expérience, s’appuie aujourd’hui sur une équipe d’une dizaine de professionnels. Panos Voutyritsas étudie et monte les opérations d’investissement. Seyi Owodunni gère le suivi des participations. Depuis Accra, au Ghana, siège opérationnel de KZAM, mais aussi depuis Londres et Johannesburg.
Le Marocain Saad Aouad est chargé de l’Afrique francophone depuis le départ, il y a quelques mois, de Sofiane Lahmar, l’un des principaux associés de KZAM. Une défection qui n’est pas la première… Runa Alam, financière d’origine bangladaise, a codirigé pendant cinq ans les fonds de KZAM avant d’être recrutée pour développer un nouveau venu sur la scène du capital-investissement panafricain : Development Partners International, où Sofiane Lahmar l’a rejointe récemment.
Enfin, après avoir servi quelque temps comme cogérant aux côtés de Runa Alam et de Kofi Bucknor, le Sud-Africain Mark Jennings a lui aussi garni les rangs de la concurrence, aujourd’hui en tant que directeur du private equity africain à la banque d’affaires Investec. Autant de coups durs pour la jeune équipe. Mais, désormais doté de près de 500 millions de dollars, KZAM n’a pas perdu le sourire. Loin s’en faut.
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