Après la crise, Ecobank à la relance
La banque panafricaine renoue avec les bonnes performances d’avant 2008 et accélère désormais son développement à l’international.
L’année 2010, placée sous le signe de la réorganisation d’Ecobank en trois pôles d’activité (particuliers, entreprises et banque d’investissement), a donc marqué la fin des temps difficiles pour le groupe créé au Togo en 1988. Son total de bilan a progressé de 16 % sur un an, pour atteindre 10,5 milliards de dollars, tandis que le résultat avant impôts a progressé de 67 %, à 169 millions de dollars.
Au crédit de ces bons résultats, « une plus grande maîtrise des coûts rendue possible par la fin de la phase d’expansion du réseau, et les premiers résultats d’une politique commerciale plus orientée vers la clientèle », explique Laurence Do Rego, directrice finance et risque. En fait, ETI récolte surtout les fruits de sa stratégie d’implantation dans tous les pays du Middle Africa, (Afrique de l’Ouest, Afrique centrale et Afrique de l’Est), préférant éviter la confrontation directe avec les établissements financiers plus grands et plus compétitifs des parties australe et septentrionale du continent, notamment d’Afrique du Sud et du Maroc.
Le groupe est ainsi passé d’une présence dans treize pays en 2005 à une trentaine de pays en 2010. Dernière acquisition en date : Premier Finance Group, au Zimbabwe, pour 10,5 millions de dollars, en septembre. À titre de comparaison, le sud-africain Standard Bank, numéro un du classement 2010 de Jeune Afrique sur les 200 premières banques africaines (avec un total de bilan de 180,6 milliards de dollars en 2009), n’est présent que dans treize pays. Quant au premier groupe marocain, Attijariwafa Bank (septième du classement 2010), à l’offensive au sud du Sahara, il est implanté dans une douzaine de pays. Mais en termes d’actifs totaux gérés, ETI se classe loin derrière ces deux groupes (21e rang).
Services novateurs
« Alors que le commerce interrégional est encore peu développé, le principal défi d’Ecobank sera de parvenir à tirer profit de son vaste réseau. Au regard de celui-ci, les transferts rapides d’argent et les services aux entreprises à vocation régionale seront des activités bien plus rentables », analyse Cyrille Nkontchou, gérant d’Enko Capital. De fait, la banque a entamé la consolidation et l’optimisation de son réseau et amorcé une politique commerciale plus agressive, avec le lancement de nouveaux produits. Ecobank figure parmi les premiers établissements du continent à avoir lancé la carte bancaire régionale, qui permet à ses clients d’effectuer des retraits dans tous les pays où le groupe est présent. Autre service novateur : le transfert rapide d’argent.
Pour financer cette phase de consolidation, la banque a mobilisé près de 780 millions de dollars sous forme d’émissions d’actions, de fonds propres et de dettes, entre 2008 et 2009. Elle devrait boucler en juin prochain une autre levée de 500 millions de dollars, notamment auprès d’institutions internationales de développement, de fonds souverains et d’investisseurs étrangers, pour étoffer le nombre de ses agences dans ses pays d’implantation.
Pour l’heure, c’est surtout la filiale ghanéenne qui tire les résultats vers le haut. Forte de 53 agences, Ecobank Ghana, quatrième établissement du pays, a généré environ 63 millions de dollars de bénéfice net en 2010, soit près de la moitié de celui d’ETI. Pour Laurence Do Rego, cela s’explique à la fois par « la bonne assimilation de la stratégie commerciale du groupe et par un marché porteur à travers une classe moyenne de plus en plus importante ».
En revanche le Nigeria, qui représente 27 % des actifs d’ETI, demeure déficitaire (- 15 millions de dollars en 2010). Mais début 2011, le groupe a cédé quelque 330 millions de dollars de créances douteuses à la structure de défaisance (l’entité juridique mise en place par les autorités pour apurer les entreprises du secteur) lancée fin 2010. Grâce à cette mesure, Ecobank Nigeria devrait renouer avec de bons résultats dès cette année.
Excepté en Côte d’Ivoire, où les effets de la crise postélectorale se font sentir, les performances dans les autres filiales s’améliorent. Ecobank Kenya, par exemple, qui a été renfloué de 15 millions de dollars au début de 2010, a réalisé l’an dernier un bénéfice net de 1,5 million de dollars, contre une perte nette de 9,3 millions en 2009. À l’instar du Kenya, le Congo, avec une progression du total de bilan de 400 % en 2010, le Mali (+ 22 %) et le Burkina Faso (+ 20 %) afficheront de bons résultats.
Une image altérée
Et ce n’est qu’un début. « L’essentiel de l’expansion d’Ecobank s’est fait au cours des cinq dernières années. Par conséquent, les nouvelles filiales ne participeront aux bénéfices du groupe que d’ici deux à trois ans », explique Cyrille Nkontchou. Dans une étude publiée en février, Exotix, une société d’intermédiation britannique, est optimiste en ce qui concerne l’avenir du groupe, car plusieurs de ses pays d’implantation connaîtront une forte croissance en 2011. Avec la production de pétrole, le Ghana devrait afficher une croissance de 9 %, le Nigeria de 7 %, le Kenya et l’Ouganda de 6 %.
Des prévisions favorables qui ont incité la banque à se forger des ambitions à l’international. Après avoir créé une filiale à Paris en 2009, elle vient d’ouvrir une représentation à Londres et attend des agréments pour la Chine, les Émirats arabes unis et les États-Unis. Objectif : être présent sur les principales places financières du monde pour drainer les capitaux étrangers vers l’Afrique. Mais pour compter à l’international, ETI devra réussir à modifier son image. « Pour la plupart des investisseurs étrangers, Ecobank est une banque nigériane affectée, comme ses consœurs, par la crise des créances douteuses qui a frappé Lagos », explique un intermédiaire boursier à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), à Abidjan.
Conséquence de cette image altérée : depuis 2008, le cours du groupe n’a cessé de baisser sur les Bourses ouest-africaines (Accra, Abidjan, Lagos). À la BRVM, l’action Ecobank se négociait à 0,07 euro au 1er avril, contre 0,17 euro lors de son introduction en 2006. Un niveau particulièrement bas qui pourrait susciter des envies. Selon certains analystes, le britannique HSBC serait intéressé. Et de source interne à la banque, les offres amicales des groupes étrangers ont toujours essuyé un refus de la direction. Grâce à sa stratégie, ETI espère désormais faire remonter le cours et garder son indépendance.
Arnold Ekpe : « Nous voulons drainer les capitaux vers l’Afrique »
Jeune Afrique : En 2009, ETI a entamé un développement à l’international avec l’ouverture d’une filiale à Paris, EBI SA. Quel bilan en tirez-vous ?
Arnold Ekpe : Nous enregistrons une évolution intéressante des activités de cette filiale [en 2010, le total de bilan a augmenté de 420 % sur un an, à 238 millions d’euros, NDLR]. Nos activités de financement du commerce avec l’Afrique, de change, de trésorerie, etc., progressent. Nous en sommes satisfaits et demeurons optimistes.
Comptez-vous dupliquer l’opération à Londres ?
À Londres, nous avons juste ouvert un bureau de représentation. Nous n’avons pas d’agrément pour y exercer une activité bancaire proprement dite. En fait, notre ambition est d’être présent sur les principales places financières internationales – Londres, Dubaï, Shanghai et New York.
A l’international, comment envisagez-vous de vous positionner par rapport à la concurrence ?
Nous intervenons sur trois activités principales. D’abord le financement du commerce, dans lequel nous travaillons avec des banques étrangères, notamment sur les transferts de paiements et le change. Ensuite la banque d’investissement, par laquelle nous aidons les entreprises africaines à lever des fonds pour le financement de leur développement et fournissons des conseils aux investisseurs qui veulent acheter ou vendre des entreprises en Afrique. Dans toutes ces activités à l’international, notre objectif est de drainer les capitaux vers le continent, parce que nous y sommes fortement présents, contrairement aux investisseurs occidentaux.
Comment expliquez-vous que des analystes et des investisseurs considèrent encore Ecobank comme une banque nigériane ?
Je ne saurais vous le dire. D’abord, notre maison mère est basée au Togo. On pourrait, à la rigueur, dire que nous sommes une banque togolaise, même si ce n’est pas le cas. Ensuite, le Nigeria représente près de 30 % de nos activités, donc plus de 70 % se déroulent en dehors du Nigeria. Nous ne sommes pas une banque nigériane, et les investisseurs étrangers le savent.
On vous reproche aussi de ne pas avoir un actionnaire de référence qui vous aide à lever facilement des fonds…
Lorsque vous prenez les grandes banques occidentales, pouvez-vous me dire qui sont leurs actionnaires de référence ? La question, à mon avis, n’est pas d’avoir un actionnaire de référence. La bonne question consiste à savoir ce que nous voulons faire d’Ecobank : un champion du secteur bancaire en Afrique. Pour y parvenir, les Africains doivent investir dans Ecobank pour en faire une grande banque capable de financer le développement du continent.
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