Banque populaire au Maroc, modeste à l’étranger
À la faveur du retrait de l’État, Banque populaire se réorganise. Mais alors que ses concurrents sont passés à la vitesse africaine, sa priorité reste la rentabilisation de ses filiales chérifiennes.
Par la taille, il est deuxième. Par la notoriété panafricaine, il n’arrive que troisième, loin derrière ses concurrents Attijariwafa Bank et BMCE Bank, déjà bien développés en dehors du royaume chérifien. Mais le groupe Banque populaire du Maroc se met désormais en ordre de marche. Les dix Banques populaires régionales (BPR) qui forment l’ossature de ce groupe mutualiste viennent ainsi de prendre le contrôle de son organe central, la Banque centrale populaire (BCP), cotée à la Bourse de Casablanca.
Le rachat de 20 % du capital auprès de l’État, pour 5,3 milliards de dirhams (environ 460 millions d’euros), leur permet d’inverser l’ordre hiérarchique au sein du conseil d’administration de la BCP : les BPR détiendront désormais 39,1 % du capital, contre environ 20 % pour l’État. Elles-mêmes détenues par 480 000 clients sociétaires, les banques régionales y gagnent enfin un véritable poids au sein de la BCP, tandis que le groupe, dans son ensemble, y trouve une organisation mieux structurée et plus logique.
« Les banques régionales pourront se concentrer sur leur cœur de métier, explique Ghita Benider, analyste chez BMCE Capital. La BCP, en tant qu’organe central, assure l’ensemble des services d’intérêt commun, la gestion de la trésorerie excédentaire ainsi que le refinancement des BPR. S’appuyant sur cette logique, la part des BPR dans le capital de la BCP devrait être amenée à s’accroître dans le temps. »
Mais d’aucuns évoquent une autre hypothèse, radicalement différente. « L’année dernière, la BCP a fusionné avec la BPR de Casablanca, explique un analyste qui requiert l’anonymat. À tout moment, elle peut racheter les autres BPR auprès des clients sociétaires. Dans ce cas-là, ce serait la fin du modèle mutualiste. L’hypothèse est rejetée par le management, mais elle reste du domaine du possible. »
Seule certitude à ce jour : avec le retrait progressif de l’État, le management du groupe – et notamment le président de son comité directeur, Mohamed Benchaaboun – a désormais toutes les cartes en mains pour s’atteler au développement de la banque. Avec quelques sérieux atouts. « Le groupe dispose de l’une des structures financières les plus solides de la place, avec un total de fonds propres de 27,1 milliards de dirhams », avance Hanane Rahali, analyste chez CFG Group.
Gestion prudente
Légèrement remise en cause par le rachat des parts de l’État, cette solidité financière sera renforcée par deux augmentations de capital d’ici à deux ans. La gestion du groupe, jugée plutôt prudente, lui permet d’espérer profiter à plein du développement de la banque et des métiers connexes au Maroc. Banque populaire compte en outre un réseau relativement dense, avec 950 agences et plus de 1 000 distributeurs, qui continuera de croître : 300 agences devraient ouvrir leurs portes au cours des trois prochaines années.
Mais le groupe reste confronté à plusieurs défis. Le principal tient à l’absence de relais de croissance en Afrique, où il n’a longtemps compté, en dehors du Maroc, que deux modestes filiales, en Centrafrique et en Guinée. « Le management dit guetter les opportunités en Afrique, mais affirme qu’il n’ira pas là où sont présentes les autres banques marocaines, souligne un analyste de la place de Casablanca. Il a pris beaucoup de retard dans le domaine et je ne le vois guère le rattraper. »
À preuve, pour s’installer en Mauritanie, le groupe a préféré s’associer avec Attijariwafa pour reprendre la petite filiale locale du français BNP Paribas. Une politique des petits pas qui donne à la concurrence une bonne longueur d’avance : chez BMCE, l’Afrique représente déjà un tiers du chiffre d’affaires et plus du quart des bénéfices en 2010, tandis que chez Attijariwafa, 22 % des bénéfices de l’année écoulée ont été réalisés en Tunisie et au sud du Sahara.
Un retard criant
En Europe, l’un des points forts du groupe, le leader historique auprès des Marocains expatriés fait face à la montée en puissance de la division européenne d’Attijariwafa, qui a décroché récemment un agrément pour opérer dans l’assistance au Maroc et à l’international. Un atout supplémentaire pour doper ses parts de marché auprès des Marocains résidant à l’étranger et tailler des croupières à la Banque populaire et notamment à sa filiale spécialisée, Maroc Assistance Internationale.
Contraint de subir cette concurrence en Europe, le groupe Banque populaire sait qu’il a aussi encore fort à faire à domicile. « La BCP privilégie davantage une croissance organique au Maroc », confirme Ghita Benider. Son principal objectif reste la rentabilisation de ses nombreuses filiales. La banque d’affaires (Upline), le crédit à la consommation (Vivalis), le crédit-bail (Maroc Leasing) ou encore le courtage d’assurance (Chaabi Courtage) pèsent peu dans les comptes du groupe malgré les ambitions affichées. Dans l’assurance, le retard est criant. À ce titre, la montée prévue à son capital d’un actionnaire institutionnel pourrait apporter quelques éléments de solution. Et débloquer enfin un potentiel qui paraît immense et qui explique en grande partie pourquoi le titre BCP reste plutôt apprécié des analystes financiers.
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