Maroc : moi, Ahmed, 22 ans, ultra du Raja et fier de l’être !
Le 19 mars, deux personnes ont trouvé la mort et 54 autres ont été blessés dans de graves affrontements qui ont eu lieu dans le stade de Casablanca. Dans ce témoignage coup de poing reccueilli par Jeune Afrique, un ultra du club Raja évoque la responsabilité de l’État dans le drame. « La population du foot a besoin d’être éduquée et ce n’est pas aux ultras de le faire « , tonne-t-il.
Il était 19H. La nuit commençait à tomber lorsque l’arbitre a sifflé la fin du match opposant le Raja au Chabab Rif d’El Hoceima. Les Verts avaient gagné 2 contre 1. Ce soir-là, il y avait entre 35 et 40 000 spectateurs au stade Mohammed V ; une foule en extase qui applaudissait, hurlait, commentait bruyamment le match. J’étais pas loin lorsque deux supporteurs rajaouis se sont accrochés verbalement. Rien d’anormal dans un stade de foot où chacun cherche à faire valoir son avis. Mais, le conflit a très vite dégénéré en drame avec des lances de pierres, qui jonchaient les gradins. Un premier clan s’est formé, puis un deuxième. C’était mes amis et les amis de mes amis contre mes ennemis ! Cinq minutes sont passées depuis le début des affrontements et aucun policier n’a pointé son nez. La situation était hors de contrôle. En tant qu’ultra du Raja, je ne pouvais rien faire. Plus tard, j’ai su que deux mineurs ont trouvé la mort, pris dans ce mouvement de foule, en plus d’une cinquantaine de blessés.
L’État veut faire des ultras les bouc-émissaires de sa propre défaillance
Depuis cet horrible incident, nous, ultras du Raja, sommes traités de tous les noms. Les autorités de Casablanca, nous ont fait porter la responsabilité de ce qui s’est passé et ont proclamé notre interdiction. Un peu de sérieux… Interdire qui et pourquoi ? Nous encadrons les déplacements des fans vers les stades, pas leurs comportements. Si vous savez ce qu’on endure pour dialoguer avec la population des « awbach » (littéralement déchets de la société), triste produit de la défaillance du système d’enseignement public, voué à la misère et à la pauvreté. On est acculé à faire le travail de l’école. Et ce n’est pas notre mission. C’est la mission de l’État qui veut faire des ultras les bouc-émissaires de sa propre défaillance. Pourquoi devrions-nous nous sentir responsables de ce qui s’est passé alors que les autorités chargées de la surveillance des stades laissent entrer des mineurs interdits d’accès par la loi ? Pourquoi trouvons-nous des amas de pierres sur les gradins, preuve que des supporters sont entrés avec, passant entre les mailles du filet sécuritaire ? S’il n’y avait pas ces pierres, jamais ce conflit n’aurait dégénéré en drame. Pourquoi ouvre-t-on complètement les portes du stade à la deuxième mi-temps, laissant entrer n’importe qui, transportant n’importe quoi ? Je ne parle même pas de la démission des parents des jeunes arrêtés par la police dans ces affrontements. Il y a actuellement des mineurs en cours de jugement, dont les parents ne se sont même pas présentés devant le tribunal pour s’enquérir de l’état de leurs enfants !
Si les gens savaient comment sont organisés les ultras, jamais ils ne se permettraient de les traiter de « sauvages »
Même les responsables du club du Raja, à qui nous rendons de grands et loyaux services en organisant les déplacements de son public, nous ont jetés comme une vieille chaussure. Ils sont bien contents quand on déroule ces tifos géants à la gloire du Raja ! Une fois ce genre de drames se produit, ils nous abattent. Je suis à la fois attristé et atterré par ce qui se passe. Si les gens savaient comment sont organisés les ultras et quelles valeurs les animent, jamais ils ne se permettraient de les traiter de « sauvages ». Un ultra est un soldat de l’ombre, animé par l’amour de son club et les valeurs du groupe : Fidélité, loyauté et pureté. J’insiste sur la pureté car c’est elle qui fait grandir en nous l’esprit sportif, la discipline et le respect de l’autre.
Moi, ultra du Raja, j’ai grandi avec les performances des grands noms de mon club et du football marocain : Mustapha Moustawdaâ et Hamid Nater. J’aime le jeu, le beau jeu et je ne comprends pas le langage de la violence.
La population du foot a besoin d’être éduquée. Et ce n’est pas aux ultras de le faire !
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