Carte interactive : ces statues qui font polémique au Maghreb

Critiquées, brûlées, dégradées, voire déboulonnées… Plusieurs statues algériennes et tunisiennes ont fait parler d’elles ces derniers mois, à leur détriment.

Une statue de Habib Bourguiba dans la ville de la Goulette, dont le retour à été annoncé au centre-ville de Tunis. © M.Rais/CC/Wikimedia Commons

Une statue de Habib Bourguiba dans la ville de la Goulette, dont le retour à été annoncé au centre-ville de Tunis. © M.Rais/CC/Wikimedia Commons

Publié le 1 avril 2016 Lecture : 3 minutes.

Les statues qui ont provoqué des remous récemment

En Tunisie et en Algérie, les statues ne laissent pas de marbre. À l’image de celle, par exemple, du premier président tunisien Habib Bourguiba, dont le retour annoncé début mars par le président actuel Béji Caïd Essebsi sur l’avenue éponyme de la capitale ne plaît pas à tout le monde. Si beaucoup s’en réjouissent, le coût de son transfert mais aussi sa symbolique font grincer les dents d’une partie de la population, qui n’a pas non plus apprécié l’installation d’un couscoussier géant à Kairouan en décembre 2015. Même débat à quelques kilomètres de là, à Aïn Mlila (Algérie), où la statue difforme d’un militant nationaliste a dû être retirée le 6 mars, ou encore à Tebessa, qui a vu brûler la statue d’un mouton il y a quelques semaines.

Si ce genre de polémique ne date pas d’hier, les dégradations et débats semblent s’être multipliés ces derniers mois au Maghreb. C’est pourquoi Jeune Afrique a choisi de revenir sur les principales affaires qui ont suscité (ou suscitent toujours) la polémique.

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Il y a les statues dont l’installation et l’existence même dérange, et il y a celles dont, au contraire, la démolition et/ou le remplacement passe mal. « Fascinante lutte de la chair contre la pierre » avait écrit Kamel Daoud, évoquant des « monstres en bronze, en ciment ou en pierre, plus proches du troll que du grec. »

Retrouvez sur la carte ci-dessous l’histoire de ces statues qui ont fait polémique en Tunisie et en Algérie depuis 2015. 

Comment expliquer ces réactions ?

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Derrière ces réactions et dégradations, des motivations politiques, esthétiques, religieuses ou financières sont avancées. « Ériger une statue dans l’espace public, tout comme le fait de la détruire constitue un acte éminemment symbolique et politique », explique Ahmed Zaouche, architecte tunisien et expert du patrimoine matériel du Maghreb. « Ces objets exceptionnels, majestueux, imposants, sont des moyens de domination et de marquage de l’espace public, une forme de mise en mémoire sélective. » Il rappelle aussi l’importance sociale, culturelle et urbaine de ces statues, qui peuvent permettre d’embellir et de « hiérarchiser » un endroit, de lui « conférer un ‘label’, de créer un événement ».

Saïd Belguidoum, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille spécialisé en sociologie urbaine de l’Algérie, se réjouit quant à lui de l’émergence d’un débat public autour de ce sujet. Pour lui, le problème vient surtout du décalage entre ces statues et l’image qu’elles sont censées renvoyer : « Ces personnages touchent à une identité qu’on a construit avec le temps, on en fait des figures parfois exagérées, des mythes de l’Histoire du pays. Et il faut que le monumentaire, le statuaire, corresponde à cette image. »

Les pouvoirs publics ne doivent pas se substituer au culturel, mais l’assister

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Dans le contexte colonial, les pays du Maghreb ont vu arriver et disparaître un nombre important de statues et de monuments, souligne Ahmed Zaouche. Mais si autant de ces statues posent encore problème aujourd’hui, c’est l’approche des pouvoirs publics qui est le plus souvent pointée du doigt. « Le choix des œuvres et des faits à commémorer est une décision hautement politique, et devrait mobiliser toute la cité de façon démocratique, l’ensemble des citoyens, à travers de vastes consultations, et ce, notamment, en l’absence d’autorités municipales élues. »

Même constat pour Saïd Belguidoum, qui évoque la nécessité de créer une commission indépendante d’experts. « Les pouvoirs publics ne doivent pas se substituer au culturel, mais l’assister », a-t-il dit. « En déboulonnant des statues installées à peine quelques jours plus tôt, ils confirment leur incompétence dans ce domaine et ne se rendent pas compte de l’enjeu. » Un enjeu plus important qu’il n’y paraît, dans des environnements urbains qui se développent « très vite ». Trop vite ?

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