Bourse : coup de chaud sur Somocer

La probable OPA de Moez Zouari fait flamber le cours du fabricant de céramiques. En jeu : le redressement de l’entreprise tunisienne, bien positionnée mais peu rentable, et sa transformation en leader maghrébin.

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 18 octobre 2011 Lecture : 4 minutes.

Depuis, la place tunisienne est en effervescence : Somocer concentre certains jours un tiers des volumes échangés. En jeu : les ambitions capitalistiques des frères Zouari et leurs intentions quant à la gestion future de l’entreprise. « Le consortium mené par Moez Zouari a précisé que sur les douze prochains mois il comptait demander sa nomination en tant qu’administrateur », résume Ranya Gnaba, analyste financière chez AlphaMena.

À la tête de 27 % des parts le 11 octobre (en association avec le fonds d’investissement Duet Mena), le groupe Zouari entend jouer un rôle actif dans la gestion de la société. S’il poursuit sa montée au capital, il a deux choix : acquérir des titres sur le marché, le flottant étant suffisamment important (environ 45 % du capital) pour atteindre cet objectif, ou traiter directement avec Lotfi Abdennadher et sa famille, qui détiennent un quart des parts environ. Toutes les options restent ouvertes. « Y compris celle de ne pas continuer la progression au capital », souligne Hedi Ben Mlouka, qui gère le fonds Duet Mena et ses 235 millions d’euros.

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Somocer, un cas particulier

Commercialement, ce fabricant et vendeur de céramiques (38,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010) fonctionne plutôt correctement : ses ventes ont progressé de 20,2 % en 2009 et de 16,8 % en 2010, notamment grâce à ses activités en Libye. Mieux : au premier semestre 2011, alors que l’économie du pays ralentissait, Somocer affichait des revenus en hausse de 14,6 %. « Cela s’explique par la prolifération de la construction anarchique en Tunisie, profitant de l’absence de l’administration », explique Yousr Ben Salah Ouerghi, responsable du département analyses chez BNA Capitaux. L’arrêt du marché parallèle, largement tenu par la famille Trabelsi, aurait également donné un coup de fouet aux ventes « légales » de céramiques.

Poids de la dette. Mais en matière de marges et de profits (1,7 million d’euros de bénéfice net en 2010), la situation de la société est bien moins reluisante. Aujourd’hui, « sa rentabilité est faible », souligne Ranya Gnaba. « La branche fabrication des carreaux en céramique de Poulina dépasse les 20 % d’Ebitda [indicateur proche de la marge brute d’exploitation, NDLR], contre 14,9 % pour Somocer. En outre, la société souffre d’une faible capacité de génération de cash, d’où le recours permanent à l’endettement. Sa structure bilantielle est fragilisée. »

Moez Zouari (lire son interview) entend remettre la société sur de bons rails. Son track record parle pour lui : avec son frère, il a redressé Bonprix, vendu en 2006 au groupe Chaïbi, et lancé en 2009 Leader des biscuits méditerranéens (LBM), devenu depuis le numéro trois du marché tunisien des biscuits. Il possède également un grand nombre de supermarchés en France. Le Tunisien ne devrait pas avoir trop de difficultés à soustraire Somocer du poids de la dette qui pèse sur elle. « Cet endettement est sain, car il est lié aux investissements de Somocer dans ses extensions et à ceux de ses filiales », souligne Moez Zouari.

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« La société possède de nombreux actifs immobiliers valorisés dans les comptes au coût historique, alors qu’ils en valent 20 fois plus sans être utiles à la société », complète Hedi Ben Mlouka, de Duet Mena, qui n’interviendra pas dans la gestion mais adhère totalement au plan de développement de Moez Zouari. Ce dernier entend donner un nouveau souffle à Somocer : « Il y a beaucoup de flottements en termes de direction, une absence de vision et de leadership, souligne le jeune patron tunisien. La preuve de cela, c’est que Carthago Ceramics [du groupe Poulina] a rattrapé Somocer alors que cette société s’est lancée beaucoup plus tard. » Leurs parts de marché en Tunisie seraient à peu près similaires : entre 27 % et 28 %.

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Fleuron national

« Somocer est un fleuron de l’industrie nationale, avec un potentiel énorme : de bons produits, des manageurs très bien formés, s’enthousiasme Moez Zouari. Il doit devenir un leader maghrébin. » Parmi les cibles du nouvel actionnaire, l’Algérie figure en bonne place, le pays étant lancé dans un vaste chantier de construction de logements. La Libye, seul réel marché de Somocer en dehors de la Tunisie, est également prometteuse, en raison de la reconstruction qui s’y dessine. « L’Europe et la Russie sont aussi des marchés à conquérir », ajoute Moez Zouari. Parviendra-t-il à influencer la gestion de Somocer ? L’absence de réaction de Lotfi Abdennadher à l’offensive du groupe Zouari est-elle le signe que cet homme d’affaires ne s’y opposera pas ? Les mois qui viennent donneront la réponse. 

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