Maroc : chronique d’une agression homophobe ordinaire – verdict reporté au 11 avril

La justice marocaine a reporté au 11 avril son verdict dans l’affaire des agressions homophobes qu’a connues la ville de Béni Mellal début mars. Sous pression, les autorités ont expulsé une équipe française du « Petit journal » qui s’était déplacé dans le petite ville du centre du Maroc.

Au Maroc, même quand on se cache pour s’aimer, on n’est pas à l’abri des attaques. © Alik Keplicz/AP/SIPA

Au Maroc, même quand on se cache pour s’aimer, on n’est pas à l’abri des attaques. © Alik Keplicz/AP/SIPA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 4 avril 2016 Lecture : 2 minutes.

Le tribunal de première instance de la ville de Béni Mellal, dans le centre du Maroc, a reporté au 11 avril son verdict dans l’affaire d’une des deux victimes d’agressions homophobes qui ont eu lieu début mars.

Abdelaziz R. comparaissait ce 4 avril pour homosexualité en vertu de l’article 489 du Code pénal qui « punit de 6 mois à 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 120 à 1 200 dirhams tout acte licencieux ou contre nature avec un individu du même sexe. »

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La première victime de cette agression homophobe, Abdellah B., est, lui, en prison depuis le 15 mars, date à laquelle il a été condamné à 4 mois de prison ferme et à 500 dirhams d’amende dans des circonstances très floues. « La justice l’a considéré comme coupable alors qu’il a été torturé chez lui et traîné par la suite dans la rue », dénonce un membre de l’association Aswat qui lutte contre la discrimination et les persécutions basées sur l’orientation sexuelle. 

Les agresseurs aussi derrière la barre

Lors de l’audience du 4 avril, les quatre agresseurs des deux hommes ont également comparu. Ils sont poursuivis pour « violation de domicile, ivresse, coups et blessures, détention d’armes blanches et diffusion sur Internet d’une vidéo contraire à la morale ». Ils encourent plusieurs mois de prison. 

Postée le 25 mars, cette vidéo a fait le tour de la toile, suscitant l’indignation de l’opinion publique. On peut y voir les deux hommes, nus et couverts de sang, se faire brutaliser et insulter dans leur propre domicile par une horde de jeunes qui semblent furieux.

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Suite à cette vidéo, un collectif de 19 associations de défense des droits de l’homme et des libertés individuelles a été constitué afin de dénoncer ces actes de violence et demander l’abrogation de l’article 489 du Code pénal. Ce 4 avril, les associations étaient présentes en force afin de soutenir la victime.

Manif pour tous

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En face du tribunal, les habitants du quartier où a eu lieu l’agression avaient organisé un sit-in. Estimant avoir été souillés par « ces actes homosexuels », ils ont demandé que les deux victimes soient sévèrement punies et que leurs agresseurs soient relâchés. « Pour eux, les agresseurs ont accompli un acte héroïque. Une scène kafkaïenne qui montre la grande déchirure existant entre le microcosme des droits de l’homme et la réalité sociale au Maroc », témoigne Lhoucine El Harchi, représentant de l’Association marocaine des droits de l’homme à Béni Mellal (AMDH). Pour lui, « tant que la population ne sera pas éduquée, l’homosexualité restera un sujet tabou au Maroc. »

Le « Petit journal » refoulé

Comme à chaque fois qu’éclate ce genre d’affaires attentatoires aux libertés individuelles, le message envoyé à la communauté internationaleest négatif. Selon un militant, une équipe de l’émission le « Petit journal » de Canal+, qui voulait enquêter sur l’agression, a été interpellé le 3 avril et refoulée par les autorités marocaines, sous prétexte qu’elle ne disposait pas d’autorisations nécessaires.

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