« Panama Papers » : le ministre algérien de l’Industrie cité dans les fichiers de Mossack Fonseca

Abdeslam Bouchouareb, le ministre algérien de l’Industrie et des Mines, a détenu une structure offshore dénommée Royal Arrival Corp, selon le consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) cité par le quotidien « Le Monde ».

De g. à dr. : Abdeslam Bouchouareb, Ramdane Lamamra, Laurent Fabius et Emmanuel Macron. © B. Chapiron/MAEDI

De g. à dr. : Abdeslam Bouchouareb, Ramdane Lamamra, Laurent Fabius et Emmanuel Macron. © B. Chapiron/MAEDI

Publié le 5 avril 2016 Lecture : 4 minutes.

Le scandale mondial d’évasion fiscale révélé dimanche 3 avril par l’ICIJ mentionne plusieurs personnalités africaines, notamment Abdeslam Bouchouareb, le ministre de l’Industrie et des Mines de l’Algérie, qui occupe cette fonction depuis avril 2014.

De fait, selon les documents de l’ICIJ consultés par Le Monde, Abdeslam Bouchouareb a détenu la société Royal Arrival Corp. Celle-ci a été constituée par l’intermédiaire d’un cabinet de conseil luxembourgeois qui s’est chargé d’effectuer les démarches auprès de la société de domiciliation panaméenne Mossack Fonseca, selon le quotidien Le Monde, qui cite les documents obtenus par l’ICIJ.

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La structure offshore a ainsi été créée en avril 2015 par l’intermédiaire de la Compagnie d’Étude et de Conseil, une société basée au Luxembourg et présidée par le français Guy Feite. Ce dernier a été inculpé à Metz en France dans une affaire d’escroquerie auprès de petits porteurs dans le cadre de son activité d’agent de change au milieu des années 1980, avant d’émigrer au Luxembourg au début de l’année 1990.

Au cours de son existence, la Royal Arrival Corp a détenu un compte bancaire contenant 700 000 euros sous la forme d’un portefeuille de titres immobiliers à la NBAD Genève, la filiale suisse spécialisée dans la gestion de fortune de la National Bank of Abu Dhabi.

Une mise en point qui suscite des interrogations

« Ces fonds avaient pour objectif de financer des biens immobiliers pour les enfants de Monsieur Bouchouareb », a déclaré à Jeune Afrique, Guy Feite joint par téléphone le 4 avril , avant de nous faire parvenir par courriel une mise au point qui a été rédigée d’un commun accord avec Abdeslam Bouchouareb (elle a été également diffusée par l’APS, l’agence de presse officielle du pays) et dont voici quelques extraits :

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« La Compagnie d’Etudes et de Conseil (CEC) mandatée pour agir pour le compte de Monsieur Abdesselam Bouchouareb confirme qu’elle est à l’initiative de la création de la société Royal Arrival Corp dont la constitution s’est faite en toute transparence et toutes les informations ont été communiquées y compris ses fonctions actuelles. La société avait pour objet de reprendre et gérer des biens patrimoniaux existants avant l’entrée en fonction de monsieur Bouchouareb ».

Abdelslam Bouchouareb a fait fortune en tant qu’industriel dans l’agroalimentaire dans les années 1980, avant d’occuper sa fonction actuelle. Mais, la réglementation algérienne des changes interdit à tout algérien résidant sur le territoire de détenir des avoirs à l’étranger qui ont été générés grâce à une activité en Algérie.

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En outre, la date de création (avril 2015) de Royal Arrival Corp domiciliée au Panama — en raison de « la flexibilité et de la faiblesse des coûts de ce type de structure », a ajouté Guy Feite — suscite des interrogations. Abdelslam Bouchouareb  a pris ses fonctions ministérielles en avril 2014.

Or, dans la mise au point qui nous est parvenue, il est indiqué que : « compte tenu de sa situation ministérielle, monsieur Bouchouareb, en apprenant nos démarches, a immédiatement demandé de geler toute utilisation de cette société et l’ouverture du compte bancaire à la NBAD Genève n’a, de ce fait, pas été concrétisée (…)

À ce jour, nous vous confirmons que cette société n’a eu aucune activité et ne possède aucun compte bancaire. Nous vous confirmons que monsieur Bouchouareb nous a demandé de geler cette société pendant l’exercice de mandats publics ».

Un ministre au courant des investigations

Les explications évoquées plus haut sont loin d’être convaincantes eu égard à la réglementation algérienne : comment les fonds ont-ils quitté l’Algérie ? D’où proviennent-ils exactement ? Ont-ils été déclarés dans la déclaration de patrimoine du ministre censée être obligatoire avant une prise de fonction ministérielle ?

Autant d’interrogations qui subsistent en l’absence d’une réaction officielle. « Les journalistes américains ont envoyé un courriel à son cabinet le 4 mars pour poser des questions sur cette affaire. J’ai ensuite envoyé la même mise au point que je vous ai transmise », a affirmé Guy Feite.

Quoi qu’il en soit, Abdeslam Bouchouareb, réputé proche du clan présidentiel et ancien directeur de campagne d’Abdelaziz Bouteflika lors de la campagne présidentielle de 2014, est plus que jamais dans la tourmente.

« Il a clairement des choses à se reprocher. Il y a quelques temps, il m’a envoyé un intermédiaire pour discuter d’une affaire de corruption le concernant que nous envisagions de médiatiser », a confié à Jeune Afrique Djilali Hadjadj, porte-parole de l’Association algérienne de lutte contre la corruption qui s’était préalablement exprimé sur ce sujet sur le site électronique TSA.

Vers un remplacement?

Pour l’heure, l’exécutif algérien n’a pas encore réagi aux accusations d’évasion fiscale touchant Abdeslam Bouchouareb.

Cependant en coulisse, le malaise doit être palpable, alors qu’Alger s’apprête à recevoir le premier ministre français Manuel Valls les 9 et 10 avril prochains.

L’objectif annoncé est de renforcer la coopération bilatérale entre les deux pays. Plusieurs accords industriels franco-algériens sont en négociation avec notamment la possible arrivée du constructeur Peugeot. Des discussions auxquelles Abdeslam Bouchouareb a directement participé.

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