Albert Nsengiyumva : « Kigali ouvre la porte à tous les investisseurs »

En marge de la visite du président Paul Kagamé à Paris, Jeune Afrique a rencontré le ministre chargé des Infrastructures. Son message est clair : toutes les bonnes volontés sont les bienvenues au Rwanda, et les groupes hexagonaux ne sont pas exclus.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 22 septembre 2011 Lecture : 5 minutes.

Du 11 au 14 septembre, le Rwanda était de passage à Paris. Une première depuis 1994. La visite du président Paul Kagamé, accompagné de trois ministres et d’une délégation d’une vingtaine d’hommes d’affaires, était résolument tournée vers le monde économique. Chargé depuis mai dernier du portefeuille sensible des Infrastructures, Albert Nsengiyumva, ingénieur de 46 ans formé en Belgique puis aux États-Unis, avait pour mission de présenter aux entreprises françaises l’ambition du pays de devenir un hub pour l’Afrique de l’Est. Objectif : trouver des partenaires pour financer et réaliser les projets rwandais dans les domaines de la production électrique et des infrastructures ferroviaires et routières.

Jeune Afrique : Quel bilan tirez-vous de votre séjour parisien ?

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Albert Nsengiyumva : Avec cette visite, nous voulions tourner une page dans nos relations avec la France, en nous focalisant sur l’avenir et les questions économiques. Au terme de notre séjour, je peux dire que cet objectif a été atteint. Je suis particulièrement satisfait de la rencontre que nous avons eue avec le Medef [la principale organisation patronale française, NDLR], le 13 septembre [lire encadré]. Nous avons pu reprendre contact avec des entreprises comme le spécialiste des travaux publics Sogea-Satom, du groupe Vinci, qui a mené par le passé des projets routiers au Rwanda, et qui pourrait revenir. J’ai dialogué avec Thales, qui a déjà un contrat de service aéroportuaire chez nous, et qui étudie d’autres opportunités. Mais surtout, nous avons pu rencontrer de nouveaux partenaires industriels potentiels, comme Alstom, pour nos projets ferroviaires et électriques, Bolloré, qui nous intéresse pour ses compétences logistiques, ou encore Airbus, dont les avions pourraient équiper notre compagnie Rwandair.

Revenez-vous à Kigali avec des contrats signés ?

Nous avons signé une convention de prêt [de 10 millions d’euros] avec l’AFD [Agence française de développement]. Elle va, à l’avenir, accroître son implication au Rwanda, notamment dans le secteur de l’énergie. En ce qui concerne le secteur privé, après cette prise ou reprise de contact, il faut maintenant que les partenaires potentiels viennent à Kigali et que nous discutions plus en profondeur avec eux.

Après avoir ouvert la porte aux investisseurs asiatiques dans les infrastructures, cherchez-vous à diversifier vos partenaires avec cette visite en France ?

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Il n’y a pas de barrière à l’entrée ou de favoritisme envers qui que ce soit. Nous ouvrons la porte à tous les investisseurs, et il y a des opportunités à prendre, à condition bien sûr que cela profite aux Rwandais.

Justement, seulement 15 % des Rwandais ont accès à l’électricité. Comment y remédier ?

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Notre objectif est de parvenir, en 2017 [à la fin du mandat du président Paul Kagamé], à un taux de couverture électrique de 50 % des foyers et à une production de 1 000 mégawatts. Nous travaillons à la fois à l’échelle nationale et à l’échelle régionale pour y parvenir, avec des modalités de production variées, tant conventionnelles qu’alternatives. Face aux prix élevés du carburant, nos ressources hydrauliques et gazières doivent être mieux utilisées. Nous comptons notamment beaucoup sur la centrale hydroélectrique de Ruzizi [développée conjointement avec la RDC et le Burundi], qui doit passer à une capacité de 145 MW.

Notre projet pilote de production électrique avec le méthane du lac Kivu produit aujourd’hui 1,9 MW. Forts de cette première expérience réussie, nous appuyons deux autres projets de plus grande envergure, avec le concours d’investisseurs privés : le premier mené par l’américain ContourGlobal, le second par des Rwandais. À terme, nous escomptons 700 MW grâce au lac Kivu. Enfin, nous disposons d’une petite centrale solaire de 250 kilowatts, la première d’Afrique subsaharienne [hors Afrique du Sud], et nous réfléchissons à un projet solaire plus ambitieux de 10 MW.

Où en est le projet de rail entre Dar es-Salaam et Kigali, qui doit contribuer à faire baisser les frais de transport, qui représentent en moyenne 40 % du prix des biens importés ?

Le Rwanda est à 1 500 km des côtes. Il nous faut baisser les coûts d’acheminement, et ce projet ferroviaire est pour cela essentiel. Au départ, nous le menions avec la Tanzanie, qui dispose déjà d’un réseau ferroviaire, mais délabré. Le Burundi s’est ensuite greffé sur le projet, ce qui renforce sa viabilité économique. L’étude réalisée par la Deutsche Bahn a prouvé la faisabilité de la liaison et dimensionné les investissements à 5 milliards de dollars [environ 3,65 milliards d’euros]. On s’oriente vers une société unique gérant à la fois le rail et le terminal portuaire de Dar es-Salaam, ainsi que les gares de fret. Nous fonctionnerons avec un partenaire en BOT [build, operate and trade] : il construira puis exploitera la voie, avant de nous la transférer.

Pourtant, le modèle de mise en concession est en perte de vitesse sur le continent. Les conflits contractuels entre États africains et sociétés privées se multiplient. Quelle est la position du Rwanda à ce sujet ?

Nous sommes favorables aux projets de partenariats public-privé, mais pas dans tout ! Pour l’eau et l’électricité, nous avons opté pour une délégation de la production à des acteurs privés, mais pas de la distribution. Nous évitons ainsi les conflits contractuels portant sur la responsabilité des investissements dans les réseaux électriques, d’eau et d’assainissement, qui peuvent beaucoup évoluer en fonction des politiques urbaines de l’État et des municipalités. Cela nous oblige à une gestion rigoureuse et transparente devant les citoyens, mais il est normal qu’elle relève du secteur public.

Kagamé courtise les entreprises françaises

« We invite investors to travel to Rwanda and see. » C’est en anglais que le président rwandais, Paul Kagamé, a invité, le 13 septembre, les représentants d’une cinquantaine d’entreprises françaises, conviés à un petit-déjeuner à l’hôtel Ritz à Paris, à venir investir dans son pays. Aujourd’hui, seules six entreprises hexagonales y sont présentes. Elles ont investi 3,5 millions d’euros, créant 150 emplois. Et 150 millions d’euros d’investissements français seraient dans les tuyaux. C’est mince.

Paul Kagamé a tenté de convaincre son auditoire d’investir dans l’agriculture, les services financiers, les infrastructures, l’immobilier, les mines, les nouvelles technologies… Le holding financier privé Rwanda Investment Group (RIG) a ainsi présenté son projet d’extraction du méthane du lac Kivu, pour produire 100 mégawatts d’ici à 2018. Un projet à 200 millions d’euros. « Nous avons besoin de fonds, de technologies et de savoir-faire », a résumé Liliane Igihozo Uwera, directrice générale de RIG. Jean-Michel Meyer

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