Moez Zouari : « Une nouvelle génération de patrons émerge en Tunisie »
Encore peu connu du grand public, l’entrepreneur tunisien Moez Zouari fait un retour fracassant dans l’actualité économique en achetant plus d’un quart du capital de la société cotée Somocer, jusqu’ici contrôlée par la famille Abdennadher.
Moez Zouari : Somocer est un fleuron de l’industrie nationale tunisienne avec un potentiel énorme. Elle peut et elle doit jouer un rôle de leader au niveau maghrébin. C’est une société de renom qui a su s’imposer dans son domaine en prenant toujours une longueur d’ avance sur ses concurrents.
Quelle part du capital détenez-vous aujourd’hui ?
Plus de 27% du capital [de concert avec le fonds Duet, NDLR].
C’est plus que la famille Abdennadher, actionnaire de référence de Somocer. Votre intention est-elle de prendre le contrôle de la société à la place de cette famille ?
Notre rôle d’actionnaire est d’avoir un rôle actif et de contribuer au développement de cette société. Somocer a besoin de leadership, de vision stratégique, de plans ambitieux de développement. Nous souhaitons que Somocer gagne de nouvelles parts de marché en Tunisie, qu’elle renforce sa position en Algérie et en Libye où il y aura un rôle important a jouer au niveau de la reconstruction. L’Europe et la Russie sont aussi des marchés a conquérir.
Votre objectif est donc de gérer directement Somocer ?
Notre stratégie à court terme se définit en trois axes : assainir l’ entreprise, optimiser l’outil de travail et améliorer l’offre pour l’adapter au marché émergent.
Non, pas nécessairement. Nous souhaitons collaborer avec le directeur général actuel et son équipe et nous appuyer sur leurs expériences et savoir-faire. Notre stratégie à court terme se définit en trois axes : assainir l’ entreprise, optimiser l’outil de travail et améliorer l’offre pour l’adapter au marché émergent. Je veux simplement aider l’entreprise à grandir et à avoir un rôle actif.
Allez-vous forcément continuer votre montée au capital ? Le marché le croit et le cours de Somocer s’emballe littéralement…
Nous avons mentionné au CMF notre intention de monter dans le capital. Mais ceci se fera dans les conditions qui nous paraîtrons optimales. Le fait que le marché réagisse positivement veut dire que notre projet est bien accepté par les actionnaires, et nous nous en réjouissons. Cependant, nous prendrons le temps de la réflexion et attendrons que le marché sorte de la spéculation et revienne à une valeur d’entreprise plus rationnelle.
Vous avez déjà investi en Tunisie. Vous avez ainsi repris Bonprix, ancienne filiale de Batam…
Oui et l’expérience fut excellente. Nous avons redressé cette entreprise malgré une structure capitalistique qui n’était pas très pratique : nous détenions un tiers du capital aux côtés notamment de banques qui avaient converti une partie de leurs créances en part de capital. Mais nous avions la gestion opérationnelle et avons relancé la machine. J’aurais aimé continué l’aventure.
Vous avez vendu ?
Oui, en 2006, au groupe Chaïbi (Utic), exploitant de Carrefour en Tunisie et qui a transformé les Bonprix en Carrefour Market. Ce fut une très belle opération malgré tout.
Malgré quoi ?
À l’époque [sous Ben Ali, NDLR], il fallait raser les murs et ne pas devenir trop gros. Donc, nous avons renforcé nos positions en France où nous avions déjà l’essentiel de notre activité, dans la distribution. Nous avons notamment acquis tous les Leader Price de la région Bretagne.
« Notre objectif n’est pas de prendre le contrôle de Somocer et surtout pas d’une manière hostile. »
Sans jamais revenir en Tunisie ?
Nous sommes revenus en 2009 mais nous l’avons fait discrètement. Nous avons créé Les Biscuits Méditerranée – LBM avec des anciens de BN. Nous en avons fait le 3e acteur du secteur de la biscuiterie en Tunisie, avec un chiffre d’affaires de près de 18 millions de dinars.
Votre investissement dans Somocer est moins discret…
Évidemment, il y a un changement radical en Tunisie. Une nouvelle génération émerge et beaucoup de jeunes Tunisiens vont maintenant saisir les opportunités qui se présenteront. Ce changement en Tunisie ne peut qu’encourager notre stratégie et notre ambition de développement. La Tunisie a besoin de toutes ses forces vives.
Votre association avec le fonds d’investissement Duet peut faire peur. Êtes-vous dans une stratégie de prise de contrôle hostile de Somocer ?
Duet est un fond d’investissement puissant qui, au contraire, est là pour rassurer par sa capacité financière d’investissement et non pour faire peur. D’autre part, notre objectif n’est pas de prendre le contrôle et surtout pas d’une manière hostile. Notre but est de jouer un rôle actif pour le bien de Somocer.
La société est très endettée. Pouvez-vous rapidement la sortir de cette difficulté financière et comment ?
Il s’agit surtout d’un bon endettement, lié aux investissements de Somocer dans ses extensions et ceux de ses filiales. Cet endettement est sain et devrait être remboursé selon le business plan prévu. Pour le reste, nous devrions affiner notre analyse, et s’il faut procéder à des injections de capitaux, nous hésiterons pas.
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