Kako Nubukpo : « Le Togo devrait s’inspirer des réponses du G20 »
À 43 ans, ce Togolais natif de Lomé dirige le pôle analyse économique et recherche de la Commission de l’UEMOA. Expert en politique monétaire, il était chef de service à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest
Jeune Afrique : Le pays renoue avec la croissance depuis quelques années, mais pas assez pour que la vie quotidienne des Togolais s’en ressente.
Kako Nubukpo : Une importante étude menée par la faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université de Lomé vient de mettre en évidence le fait que le niveau de vie des ménages n’a connu qu’une faible amélioration sur la période 2005-2010. Cette situation a été en partie entretenue par un niveau élevé des prix des biens de première nécessité. Si les actions du gouvernement en faveur du bien-être des populations sont manifestes dans les domaines sociaux, notamment la santé et l’éducation, les attentes restent nombreuses et ont trait principalement à la création d’emplois, à la facilitation de l’accès au crédit et à la revalorisation des salaires.
Que faudrait-il pour atteindre les 7 % de croissance (contre 3,7 % en 2010) nécessaires pour réduire la pauvreté ?
Pour atteindre durablement un tel taux, le Togo aurait besoin d’importants investissements structurants, d’une gouvernance économique irréprochable, d’une répartition équitable des fruits de la croissance et d’une mobilisation des populations autour d’un projet commun et d’une vision partagée de l’avenir. L’étude prospective Vision Togo 2030, en phase de démarrage, devrait y contribuer.
L’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) a permis de réduire fortement la dette extérieure. Quelles opportunités cela crée-t-il ?
Cela permet de retrouver des marges de manœuvre budgétaires. Dans ce contexte, les dirigeants du Togo et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine [UEMOA, NDLR] devraient s’inspirer des réponses apportées à la crise mondiale par les dirigeants du G20. Le pragmatisme est de rigueur, les plans de relance budgétaire se fondent sur la règle des « trois T » [timely, temporary, targeted : au bon moment, avec un horizon temporel bien défini et de manière ciblée], et les banques centrales adoptent des mesures dites non conventionnelles, comme le financement monétaire du déficit budgétaire, car l’impératif est le retour de la croissance. Or les critères de convergence en vigueur dans la zone UEMOA interdisent tout déficit budgétaire des États membres. Ceux-ci sont donc dans l’impossibilité de financer la croissance de leurs économies à l’aide des dépenses publiques.
Êtes-vous favorable à une réforme du franc CFA ?
Depuis quelques années, cette réforme fait l’objet d’importants travaux pour élaborer un système de change flexible fondé sur un index calculé à partir d’un panier de monnaies. Un tel système est évidemment nécessaire et légitime pour maintenir la compétitivité en cas de choc externe. Il serait en outre plus conforme aux caractéristiques structurelles des pays de la zone franc qui ont des économies spécialisées de façon primaire au sein du commerce international, et donc fortement dépendantes de l’évolution du taux de change euro/dollar. Enfin, il permettrait aux banques centrales de la zone de ne plus accumuler des réserves de change excessives auprès du Trésor français [plus de 100 % de couverture de l’émission monétaire à l’heure actuelle] à la seule fin de garantir la parité franc CFA/euro. Le Togo, comme les autres États de la zone franc, pourrait en bénéficier par le truchement d’un financement plus conséquent de son économie.
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