« Panama Papers » : quelle est la législation sur les sorties de capitaux en Afrique ?

Les documents révélés par les « Panama Papers », sur les avoirs domiciliés dans des paradis fiscaux, a mis en cause des responsables politiques et économiques au Maghreb et en Afrique subsaharienne, qui auraient eu recours à de telles domiciliations, parfois pour contourner les restrictions concernant la circulation de capitaux. « Jeune Afrique » fait le point sur la législation entourant les sorties de capitaux dans les pays africains.

Luis Hincapie, ministre panaméen adjoint aux affaires étrangères, annonce que le président Juan Carlos Varela rencontrera différents ambassadeurs étrangers après la publication des « Panama Papers », mercredi 6 mars. © Arnulfo Franco/AP/SIPA

Luis Hincapie, ministre panaméen adjoint aux affaires étrangères, annonce que le président Juan Carlos Varela rencontrera différents ambassadeurs étrangers après la publication des « Panama Papers », mercredi 6 mars. © Arnulfo Franco/AP/SIPA

Publié le 12 avril 2016 Lecture : 4 minutes.

Jeune Afrique a posé la question à plusieurs avocats et fiscalistes en Afrique : que prévoit la loi en matière de domiciliation d’avoirs personnels ou commerciaux à l’étranger ? Et dans le cas de placement de capitaux dans une juridiction étrangère, parfois dans un paradis fiscal ?

Afrique du Nord

Algérie

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Interdiction des comptes bancaires à l’étranger

La détention d’un compte bancaire à l’étranger est interdite pour les entreprises et les particuliers basés en Algérie. Pour ouvrir un compte en devises étrangères – le dinar n’étant pas librement convertible – les personnes physiques et morales doivent s’adresser à leur banque commerciale. Cette dernière se charge ensuite de domicilier les avoirs en devises auprès de la Banque d’Algérie.

Quant aux investissements des entreprises algériennes à l’étranger, ils sont soumis à une autorisation de la Banque d’Algérie qui les accorde au compte-gouttes.

En ce qui concerne les particuliers, les règles sont également rigides. Les résidents ont la possibilité de sortir du territoire un montant maximum de 7 600 euros qui doit être justifié par un avis de débit bancaire. Pour des montants supérieurs, c’est la Banque d’Algérie qui délivre directement les autorisations.

Maroc

Des transferts vers l’étranger strictement encadrés

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Le contrôle des changes est en vigueur. Les transferts vers l’étranger sont strictement encadrés. L’Office des changes délègue le contrôle aux banques du pays. « Ces dernières ne font pas de virement vers l’étranger – hormis quelques exceptions très clairement encadrées comme le transfert de dividendes vers un investisseur à l’international – , sous peine de sanctions à leur encontre qui peuvent aller jusqu’au retrait de l’agrément bancaire. La Banque centrale peut aussi exercer des contrôles pour des gros montants. Le transfert illicite de fonds vers l’étranger est quasi impossible », confie un avocat français basé au Maroc.

Tunisie

Tous les mouvements de devises étrangères doivent faire l’objet d’une déclaration

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Les mouvements de change sont contrôlés par la Banque centrale, explique l’avocat Mehdi Bouaouaja, basé à Tunis. Une procédure administrative doit être obligatoirement suivie sous peine de voir le transfert de fonds bloqués.

Toutes les sommes en devises qui entrent ou qui sortent du pays doivent faire l’objet d’une déclaration.

Une entreprise résidente ne peut pas détenir de compte en devises étrangères. Il existe toutefois des dérogations pour les entreprises exportatrices. Le non-respect de la réglementation peut entraîner des poursuites pénales.

Afrique subsaharienne

« Dans les 17 pays membres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (Ohada)*, c’est l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique qui prévaut. Ce dernier a été révisé le 30 janvier 2014 avec l’objectif de limiter le recours des titres au porteur dans l’actionnariat des sociétés, pour avoir une meilleure visibilité sur les détenteurs d’actions. Les titres aux porteurs sont désormais limités aux sociétés cotées, les autres sociétés ne pouvant émettre que des titres nominatifs. Ce qui n’empêche pas des personnes morales – potentiellement des sociétés écrans – de se rendre actionnaire de sociétés non cotées », rappelle Saliou Camara, conseil fiscal de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES).

La domiciliation à l’étranger est légale à condition d’être déclarée

Des règles qui n’empêchent pas la constitution d’une société à l’étranger, selon Seydou Diagne, l’avocat de Karim Wade, ancien ministre et fils de l’ex-président sénégalais Abdoulaye Wade, dont l’un des proches Pape Mamadou Pouye condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) —  est mentionné dans les « Panama Papers« .

« L’enregistrement d’une société dans une autre juridiction à fiscalité réduite, ou dans un paradis fiscal est entièrement légal. […] Mais ne pas en déclarer l’existence aux autorités fiscales du pays de résidence pourrait constituer un délit dans la plupart des juridictions offshore », explique Seydou Diagne.

Mali

Une loi votée en 2015 sur les transferts avant impôts

En 2015, le gouvernement a instauré des dispositions par rapport au transfert vers l’étranger des bénéfices des succursales basées au Mali. « En décembre 2015, l’Assemblée nationale a voté une loi interdisant le transfert de bénéfices des sociétés ou des personnes travaillant au Mali vers l’étranger avant que les impôts et les droits ne soient versés au Trésor », explique Mathias Konaté, directeur adjoint à la direction des impôts.

La loi stipule que les sociétés étrangères doivent verser les impôts et taxes sur les bénéfices avant transfert. La pénalité en cas de non-respect de cette règle est à hauteur de la fiscalité appliquée. « Si par exemple, le bénéfice est d’un million de dollars et que l’impôt est de 30 % de cette somme, la pénalité en cas de non-paiement de cet impôt est de 30 % aussi. Ce sont 60 % de la somme qui sont retirés du bénéfice en cas d’infraction », conclut Mathias Konaté.

Sénégal

Au Sénégal, il existe une déclaration obligatoire de détention de devises ou de comptes à l’étranger. De plus, un droit de mutation sur le changement d’actionnariat des sociétés a été mis en œuvre à partir de 2004. Il s’applique à la plus-value réalisée par la personne qui cède ses actions. Enfin, c’est la Cellule nationale de traitement des informations financières du Sénégal (Centif) qui se charge des avoirs litigieux détenus à l’étranger. Et le pays a signé en février 2016 la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale élaborée par l’OCDE en 1988, et mise à jour en 2010. C’était le 11e pays africain à la signer.

* Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Mali, Niger, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo.

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