#BringBackOurGirls : « Boko Haram a compris que ces filles représentaient une monnaie d’échange »
Deux ans jour pour jour après leur enlèvement, on est toujours sans nouvelles des deux cents lycéennes kidnappées par Boko Haram dans le nord-est du Nigeria. Pourtant, cet événement avait ébranlé la communauté internationale, et suscité une très grande mobilisation sur les réseaux sociaux. Docteur Jibrin Ibrahim, chercheur et activiste, revient sur les raisons de cet échec.
Selon la chaîne américaine CNN, qui a rapporté l’information jeudi 14 avril, Boko Haram a envoyé une « preuve de vie » des 219 captives, enlevées le 14 avril 2014 dans leur lycée de Chibok, à travers une vidéo montrant une quinzaine d’entre elles. Deux ans après leur enlèvement, elles sont toujours introuvables.
À l’époque, le hashtag #BringBackOurGirls [« Ramenez nous nos filles »], lancée par un avocat nigérian une semaine après leur enlèvement, avait été partagé plus de 4 millions de fois sur les réseaux sociaux sociaux. L’adhésion de personnalités comme la première dame américaine Michelle Obama avait donné à cette campagne une dimension internationale. Les États-Unis avaient alors déboursé 400 millions de dollars pour la lutte contre Boko Haram.
Que s’est-il passé depuis ? Retour sur cet événement avec Dr Jibrin Ibrahim, membre du comité exécutif BringBackOurGirls et chercheur au centre pour la démocratie et le développement, un think-tank basé à Abuja, joint jeudi par téléphone par Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Comment expliquer que la mobilisation internationale soit restée lettre morte ?
Jibrin Ibrahim : C’est la question que tout le monde se pose. Dès le départ, Boko Haram a compris que ces jeunes filles, érigées en symbole, représentaient d’un point de vue stratégique une monnaie d’échange importante et l’ex-président Goodluck Jonathan n’a rien fait pour les retrouver.
Lui et son gouvernement ont préféré nier les faits plutôt que de reconnaître une réalité peu flatteuse, ne voyant dans la mobilisation #BringBackOurGirls qu’un complot des politiciens nordistes ou une campagne de propagande de la communauté internationale à son encontre.
Cet événement a-t-il été décisif dans l’élection de Muhammadu Buhari ?
Non, même si ça a joué un rôle. Cela s’est ajouté à une liste déjà longue de griefs contre l’ancien gouvernement, perçu comme incapable et comme le plus corrompu de l’histoire du pays. Devant la passivité de Goodluck Jonathan, la communauté internationale a trouvé en Muhammadu Buhari un partenaire plus sérieux.
Après 11 mois au pouvoir, quel jugement portent les Nigérians sur son action ?
Dans l’ensemble, ils considèrent qu’il a pris trop de retard. Il a mis presque six mois à démarrer et commencer à gouverner. Par contre, sur le plan sécuritaire, l’armée nigériane a réussi à contrer Boko Haram, avec des réussites incontestables.
Le président Buhari a dit qu’il avait « techniquement » gagné la guerre contre Boko Haram, mais les attentats-suicides se multiplient…
Le président a eu des propos très clairs. Boko Haram ne contrôle plus de territoires et n’arrive plus à attaquer des villes en masse. Pour autant, la guerre contre Boko Haram n’est pas gagnée puisqu’il continue à tuer et à faire des dégâts. Avant, Boko Haram disposait de toute une armée. Aujourd’hui, il envoie des fillettes se faire exploser. Cela montre qu’il est affaibli, mais que sa détermination reste intacte.
Pour la libération des lycéennes de Chibok, le gouvernement se dirige vers une voie négociée ?
On sait que certaines sont vivantes mais on ne sait pas combien et on ne sait toujours pas où elles se trouvent. Le ministre de la Communication a réitéré les propos du président Buhari qui s’était dit prêt à négocier avec Boko Haram, indiquant que les discussion étaient en cours. Il est évident que l’on va dans la voie de la négociation.
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