Katanga, le réveil d’un géant

L’année 2010 a été marquée par la relance du secteur minier, dont la production doit quadrupler d’ici à 2015. Une dynamique qui permet à la province de moderniser ses infrastructures et de diversifier son économie. Un vaste chantier.

Publié le 8 février 2011 Lecture : 4 minutes.

Depuis quelques mois, la plus méridionale des provinces congolaises – qui doit son nom à Katanga, un chef local du milieu du XIXe siècle – est régulièrement sous les feux de la rampe.

L’an dernier, alors que son chef-lieu, Lubumbashi, fêtait ses 100 ans et abritait la seconde édition de la biennale Picha – « image », en swahili -, son équipe de football, le Tout-Puissant Mazembe, remportait, mi-novembre, la Ligue des champions de la Confédération africaine de football (CAF), avant de se classer deuxième de la Coupe du monde des Clubs. Et de s’imposer en finale de la Super Coupe Orange, le 29 janvier dernier, devant les officiels de la CAF réunis à Lubumbashi, où ils ont dévoilé la liste des futurs hôtes de la Coupe d’Afrique des nations – le Maroc en 2015 et l’Afrique du Sud en 2017.

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L’année 2010 a surtout été marquée par la reprise du secteur minier. Les gisements de cuivre et de cobalt bruissent à nouveau du brouhaha des pelleteuses et autres engins chargés d’extraire de leurs entrailles puis de transformer les minerais que s’arrache le monde entier.

40 % à 60 % du PIB du pays

De tout temps, sa richesse minière a fait de ce plateau, presque aussi grand que la France et dont l’altitude moyenne dépasse les 1 000 m, une province convoitée. Dès la conquête coloniale s’y sont affrontés Britanniques et Belges. Ces derniers, qui l’emporteront, y établiront l’Union minière du Haut-Katanga (UMHK), dont la nationalisation fin 1966 donnera naissance en 1967 à la Générale des carrières et des mines (Gécamines). Jusqu’à l’indépendance, le 30 juin 1960, la province – dont la capitale est Élisabethville (l’actuelle Lubumbashi) – aura un statut particulier, ses gouverneurs et vice-gouverneurs traitant directement avec Bruxelles et non Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa).

Le 11 juillet 1960, aidés des Américains, les Belges, qui ne voulaient pas renoncer à un si riche filon, soutiendront la sécession de Moïse Tshombé, à laquelle l’intervention des Nations unies mettra un terme en 1963. En 1971, le président Mobutu Sese Seko rebaptisera la province Shaba (« cuivre », en swahili), un nom qu’elle gardera jusqu’à la chute du Léopard, en 1997. Aujourd’hui, le Katanga est une zone d’affrontement géopolitique et économique entre Occidentaux et Asiatiques.

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Grâce à son secteur minier, qui a bénéficié d’environ 9 milliards d’euros d’investissements ces dernières années, la province représente entre 40 % et 60 % du PIB de la RD Congo. Après des décennies de monopole – de l’UMHK puis de la Gécamines -, ce sont désormais des dizaines de sociétés privées, dominées par des étrangers, qui tiennent le haut du pavé.

Un caractère bien trempé

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Malgré sa taille, le Katanga ne compte que 10 millions d’habitants, en partie concentrés dans les villes de son Sud minier. Les groupes dominants y sont les Balubakat, les Arunds (Lundas et Tchokwes) et les Bembas. Plus quelques tribus, dont les Sangas. Si chaque communauté a son idiome, le swahili s’est imposé à tous. Outre le français – langue officielle de la RD Congo -, l’anglais a fait une percée remarquée, liée à la présence de sociétés anglo-saxonnes et asiatiques et à la proximité de pays anglophones.

Les mines katangaises attirent aussi des étrangers et des ressortissants d’autres régions congolaises, en particulier des deux Kasaïs. Une présence que les politiciens locaux ne se privent pas de fustiger, surtout en période de crise économique. Dans les années 1990, des milliers de Kasaïens ont ainsi été chassés du Katanga. Un terrible épisode, qui a laissé des traces.

Kinshasa a longtemps été accusé de profiter trop largement des fruits de la riche province. L’arrivée, en mai 1997, à la tête du pays du Katangais Laurent-Désiré Kabila, remplacé en janvier 2001 par son fils Joseph, a changé la donne. Cependant, alors que l’économie provinciale semble repartir, des tensions existent entre Katangais du Nord (Balubakat), dont Kabila père reste la référence et qui se sentent délaissés, et Katangais du Sud minier. 

Des échanges tournés vers le Sud et l’Est

Porte d’entrée en Afrique australe, la province semble tourner le dos à l’Atlantique et à Kinshasa. Il n’en fut pas toujours ainsi.

Quand la ligne angolaise du chemin de fer de Benguela (CFB) fonctionnait encore et que les infrastructures de transport – ferroviaires, fluviales et routières – de la RD Congo étaient en bon état, c’est par la façade atlantique, via les ports de Lobito (Angola) et Matadi (RD Congo), que transitaient nombre de produits importés destinés au Katanga et qu’était évacué l’essentiel des produits miniers.

À partir des années 1980, avec le délabrement des transports nationaux et l’arrêt du CFB, les flux commerciaux et économiques se sont déplacés vers l’Afrique australe et orientale et l’océan Indien. Un basculement favorisé par le bon réseau routier de ces régions ainsi que par l’interconnexion du réseau sud de la Société nationale des chemins de fer du Congo avec ceux des pays voisins. Et conforté par la place grandissante prise par l’Asie dans le commerce avec la RD Congo. La réouverture du CFB pourrait réactiver l’axe angolais. Le géant sud-africain en prendra-t-il ombrage ?

Car, de tous les pays du continent, c’est l’Afrique du Sud qui domine dans les échanges extérieurs du Katanga et qui investit le plus dans la province. Une importance qui s’explique par sa puissance économique et les liens politiques qu’elle entretient avec la RD Congo, ainsi que par la présence d’un grand nombre de Congolais en Afrique du Sud.

Fort de ses mines, le Katanga n’en reste pas moins une province à l’économie fragile. Malgré ses potentialités, le secteur rural – agriculture, élevage et pêche – y tient une place marginale, et l’expertise minière n’a guère été valorisée à l’extérieur. L’actuel gouvernement provincial s’emploie à diversifier l’économie et à mettre sur pied un réseau d’instituts supérieurs chargés de former des ingénieurs et des spécialistes miniers. Il est temps.

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