En RD Congo, Edem Kodjo fait fausse route

En avalisant le « dialogue » voulu par le président Kabila, le facilitateur de l’Union africaine affaiblit la Constitution et des institutions dans lesquelles la communauté internationale a beaucoup investi.

Edem Kodjo, ex-Premier ministre togolais, à Paris, le 16 avril 2009. © Camille Millerand pour JA

Edem Kodjo, ex-Premier ministre togolais, à Paris, le 16 avril 2009. © Camille Millerand pour JA

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  • Samy Badibanga

    Sénateur, premier vice-président du Sénat et ancien Premier ministre de la République démocratique du Congo

Publié le 14 avril 2016 Lecture : 3 minutes.

« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre », disait Winston Churchill. À Kinshasa, c’est dix ans de consolidation de la démocratie que l’on veut faire oublier au peuple Congolais. Nos compatriotes attendent des élections dans les délais prévus par la Constitution. Or, alors que l’on fête le dixième anniversaire de ces institutions mises en place grâce à l’appui de la communauté internationale, certains tentent de les abattre.

Un coup d’État contre les institutions

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Le respect de la Constitution est en effet indissociable de celui des institutions. Le dialogue voulu par le président Joseph Kabila les court-circuite au profit d’un « régime des partis ». Il est donc à l’opposé de la primauté du droit. Cette entreprise périlleuse est donc en réalité un coup d’État contre les institutions et la légalité constitutionnelle.

Edem Kodjo engage donc la marche-arrière plutôt que d’œuvrer au renforcement des institutions

En participant à ce jeu, le facilitateur de l’Union africaine (UA), Edem Kodjo, engage donc la marche-arrière plutôt que d’œuvrer au renforcement des institutions pour parvenir à l’alternance démocratique.

Dès lors, le respect de la Constitution n’est plus qu’un slogan. De plus, la méthode du facilitateur de l’UA, viole la résolution 2277 qui vient d’être votée par le Conseil de sécurité des Nations unies. Celle-ci stipule en effet qu’il « est crucial que le prochain cycle électoral se déroule de façon pacifique et crédible, comme prévu par la Constitution, pour que la démocratie constitutionnelle puisse être stabilisée et consolidée ». Il n’y a pas de Constitution à la carte : cette recommandation ne peut être respectée que si l’on place les institutions légales et légitimes du pays, au centre du processus de dialogue.

Le Conseil de sécurité demande en outre « la mise en place d’institutions étatiques opérationnelles, professionnelles et responsables » et « la création de conditions propices à la tenue d’élections pacifiques et crédibles dans les délais prévus ». Ce sont les conditions, estime-t-il avec sagesse, à « la protection des civils et la stabilisation de la situation » dans le pays.

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Le Conseil de sécurité veut en outre « un espace politique ouvert » et assurer « la promotion et la protection des droits de l’homme ». L’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que « la volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes ». Or la majorité des Congolais est opposée à ce dialogue, synonyme de glissement du calendrier électoral. L’encre de la résolution 2277 n’est pas encore sèche que Kinshasa s’empresse d’ignorer ses points fondamentaux.

Impossibilité de tout consensus véritable

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Enfin, comment ce dialogue conduit sans les institutions légitimes pourrait-il être validé par ces dernières ? L’absence de franges entière de l’opposition, comme la Dynamique de l’opposition, le G7, l’Union pour la nation congolaise (UNC) ou encore le Mouvement de libération du Congo (MLC), rend impossible tout consensus véritable.

En janvier 2015, le groupe parlementaire que je préside, « UDPS et alliés », avait été le premier à contester une loi électorale qui aurait abouti au glissement du calendrier électoral. Cette contestation avait été prolongée par des troubles qui ont eu raison de cette loi.

Aujourd’hui, pourtant, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) fait le choix de participer à ce dialogue et prend le risque de le légitimer. Cette option mériterait, a minima, un débat démocratique interne.

Pour qu’un dialogue politique fasse véritablement progresser le pays vers les élections et l’alternance démocratique, il doit être fondé sur le respect intégral de la Constitution et des institutions, de la résolution 2277 et sur un consensus reflétant la volonté populaire.

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