Tunisie : face au laisser-aller général, égouts et décharges débordent

Sacs en plastique qui bourgeonnent dans les arbres, bouteilles vides qui bouchent les égouts et décharges qui débordent : face à la dégradation de l’environnement en Tunisie, les autorités affirment vouloir agir, mais sans convaincre.

Des bénévoles à la déchetterie à Tunis, le 2 avril 2016. © Fethi Belaid/AFP

Des bénévoles à la déchetterie à Tunis, le 2 avril 2016. © Fethi Belaid/AFP

Publié le 15 avril 2016 Lecture : 3 minutes.

Le Premier ministre Habib Essid l’a admis devant le Parlement : la situation environnementale s’est fortement détériorée ces dernières années, avec « des conséquences négatives sur la qualité de vie » des Tunisiens.

Pour certains, cette dégradation s’explique surtout par la désorganisation des administrations à la suite du soulèvement populaire qui a mis fin en 2011 aux 23 années de dictature de Zine El Abidine Ben Ali.

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« L’environnement est la première victime de la révolution », affirme à l’AFP le militant écologiste Abdelmajid Dabbar.

Ainsi, dans les municipalités, le ramassage des déchets ne se fait plus de façon efficiente. De simples « délégations spéciales » ont été constituées après la révolution pour gérer les affaires courantes. Aucune date n’a encore été fixée pour la tenue d’élections locales, qui pourrait se tenir au printemps 2017.

Cette situation provisoire favorise un laisser-aller général et le dépôt anarchique des déchets s’est généralisé, comme dans le centre de Tunis, où il est rare de déambuler sans tomber sur des amoncellements de détritus faisant le festin de chats errants.

A Tunis, le 11 avril 2011. © Fethi Belaid/AFP

A Tunis, le 11 avril 2011. © Fethi Belaid/AFP

Un milliard de sacs plastique

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Si les administrations portent une part de responsabilité, « le citoyen est le premier responsable de la détérioration de la situation environnementale », accuse M. Dabbar, rencontré au parc du Belvédère, principal poumon de la capitale.

En mars, des photos d’une pelouse de ce parc jonchée de détritus au soir d’un dimanche printanier ont circulé sur les réseaux sociaux, suscitant l’émoi.

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Chaque année, les 11 millions de Tunisiens produisent quelque 2,3 millions de tonnes de déchets ménagers et utilisent près d’un milliard de sacs en plastique non recyclables, selon des chiffres officiels.

Les autorités enfouissent 80% de ces déchets sur une quinzaine de sites répertoriés, le reste finissant dans des « décharges anarchiques », selon le ministère de l’Environnement.

Les décharges arrivent en outre à leur capacité maximale d’absorption, et il est difficile de trouver de nouveaux terrains, ajoute-t-il.

En mars, le Parlement a amendé la loi pour durcir les sanctions contre le dépôt anarchique de déchets, désormais passible d’une peine de prison allant de 16 jours à trois mois et/ou d’une amende de 300 à 1 000 dinars (130 à 440 euros).

Il y a peu, le ministre Néjib Derouiche a annoncé qu’un projet de loi interdisant la fabrication et la distribution des sacs plastique non recyclables serait présenté au Parlement, promettant « de lourdes amendes » aux contrevenants. Ces sacs menacent la vie de plusieurs espèces terrestres et marines, argue son ministère.

« Folklore » ?

Mais ces annonces sont accueillies avec scepticisme car « des mesures similaires ont déjà été annoncées par le passé et sont restées lettre morte », relève Abdelmajid Dabbar, qui parle de « folklore ».

Fondateur de l’association « Tunisie Recyclage », Houssem Hamdi se dit lui aussi préoccupé. « Est-ce qu’on a fourni les moyens nécessaires à la bonne application de la loi (sur les sacs plastique) ? Est-on sûr qu’il ne va pas y avoir de corruption dans son application? », s’inquiète-t-il.

Les doutes sur la détermination des autorités s’expriment jusque dans la fonction publique. « Avec la succession d’attaques (jihadistes), la lutte antiterroriste est devenue la priorité de l’État. Les autres questions ne viennent qu’après », déplore une source ministérielle sous couvert de l’anonymat.

Face au scepticisme ambiant, Abdelmajid Hamouda, directeur général de l’Agence nationale de gestion des déchets (Anged), qui dépend du ministère de l’Environnement, appelle à « appliquer sévèrement la loi ». Mais il reconnaît que cela doit s’accompagner « d’une grande opération de sensibilisation » auprès des citoyens.

« Tout le monde est convaincu qu’il faut changer (…) le mode et l’esprit de la gestion des déchets d’une façon générale. Il faut aller vers la gestion intégrée » avec un suivi de l’ensemble du processus de prise en charge des ordures, du dépôt au recyclage en passant par la collecte, poursuit-il.

En attendant, les autorités ont lancé un appel d’offres international pour la mise en place d’une unité de valorisation des déchets ménagers sur l’île touristique de Djerba, un projet pilote qui devrait voir le jour en 2018.

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