En France, diversité ne rime pas avec République
La diversité est l’état de ce qui est divers, varié, différent, disent les dictionnaires ; qui ajoutent que c’est l’ensemble formé par les minorités visibles issues de l’immigration ou de l’Outre-mer.
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Marcel Zang
Marcel Zang est né au Cameroun. Écrivain, poète et auteur dramatique, il a fait paraître nombre de ses textes dans des journaux, magazines, revues. Sa dernière publication : « Pure vierge » (Ed. Actes Sud-papiers).
Publié le 15 avril 2016 Lecture : 3 minutes.
On y apprend également qu’au Moyen-Âge le terme désignait plutôt ce qui est « bizarre » ; emprunté au latin « diversitas » (divergence), il exprimait une notion de méchanceté…
En janvier 2008, en France, il a été envisagé d’inscrire « le respect de la diversité » dans le Préambule de la Constitution. On en est toujours à ce vœu pieux. On comprendra mieux pourquoi par ce qui suit :
L’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 stipule que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».
L’article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 proclame que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Sans cependant considérer explicitement la distinction établie en fonction du sexe.
Le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ajoute que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».
Il apparaît donc que la valeur constitutionnelle du principe d’égalité entre les sexes est reconnue par le Conseil constitutionnel – en dépit du silence sur ce point de l’article premier de la Constitution de 1958.
L’indivisibilité de la République induit l’unicité du peuple français ; il est l’un des fondements du principe d’égalité qui interdit de distinguer les individus en fonction de leur origine, de leur race ou de leur religion, tel qu’il est aussi consacré par l’alinéa 1 de l’article premier de la Constitution.
Mais contrairement aux caractéristiques raciales, ethniques ou religieuses qui participent de la « diversité », la République fait une distinction entre les citoyens en fonction de leur sexe
Mais contrairement aux caractéristiques raciales, ethniques ou religieuses qui participent de la « diversité », la République fait une distinction entre les citoyens en fonction de leur sexe. C’est une dérogation aux principes républicains. Et une dérogation de taille. Rappelons-le, la tradition constitutionnelle française est assimilationniste depuis la 3ème République et ne connaît que « le peuple français, composé de tous les citoyens français, sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
La différenciation sexuelle retirée ainsi du champ de la « diversité », le droit français admet l’existence de discriminations positives dans les domaines du sexe, quand l’universalisme républicain ne permettrait aucune discrimination même « positive ». En poussant à la limite ses principes, il ne permettrait même pas de reconnaître juridiquement le sexe des citoyens. Mais tel est pourtant le cas.
Et voilà les femmes en possession du pouvoir de s’exprimer légitimement en tant que femmes ; au nom de leur identité sexuelle, elles peuvent réclamer des droits, « la parité », bénéficier des politiques de discriminations « positives », à l’image des minorités aux États-Unis qui peuvent s’affirmer pour obtenir un traitement tendant à l’égalité de fait. En République – et seule l’indifférenciation sexuelle pourrait y mettre un terme – les femmes ont droit de cité et droit à la parole en tant que femmes, au regard des textes constitutionnels ; aussi sont-elles audibles. Ce qui n’est que juste et normal, pour le moins.
En revanche, les singularités raciales, ethniques ou religieuses qui constituent la « diversité » ne sont pas prises en compte et ne peuvent l’être en République
En revanche, les singularités raciales, ethniques ou religieuses qui constituent la « diversité » ne sont pas prises en compte et ne peuvent l’être en République ; n’ayant pas d’existence constitutionnelle, elles ne peuvent prétendre à rien, sinon à la cosmétique ; elles n’ont pas voix au chapitre et ne peuvent donc être entendues en tant que « diversité ».
On comprend donc que la « diversité » et ses minorités visibles auront beau s’agiter, manifester, réclamer, ils trouveront toujours porte close – sauf si elles s’expriment au nom d’une identité autre que « raciale, ethnique ou religieuse » ; comme par exemple en tant que femme, homosexuel ou handicapé.
Pour que la « diversité » puisse être réellement entendue, il faudrait que la France cesse d’être universaliste et assimilationniste ; qu’elle rompe avec ses principes républicains et modifie sa Constitution.
« Diversité » ne rime pas avec République.
« Diversitas »
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