Mines : à chacun sa part du gâteau ?

Au Niger, en attendant l’entrée en production du gisement uranifère d’Imouraren, prévue en 2013, la diversification des partenaires, engagée sous le régime Tandja, porte ses premiers fruits.

Publié le 7 avril 2011 Lecture : 4 minutes.

Depuis près d’un demi-siècle, le Niger vit principalement de ses ressources en uranium, dont les exportations – plus de 3 000 tonnes par an – représentent 5 % des recettes fiscales et contribuent pour 5 % au produit intérieur brut (PIB). En 2013, ces revenus devraient doubler avec l’entrée en production de l’immense site d’Imouraren.

Avec une production estimée à 5 000 t par an, il sera le deuxième plus grand gisement d’uranium à ciel ouvert au monde et le premier en Afrique. Il devrait permettre au pays, passé du troisième (à la fin des années 1990) au sixième rang (actuellement) des producteurs mondiaux d’uranium, de prendre la seconde place du classement international, derrière le Canada et devant le Kazakhstan, l’Australie et la Namibie. 

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« L’Areva-dépendance »

L’exploitation de l’uranium au Niger a, de tout temps, été une affaire française. De la prospection à la production, puis à l’exportation, l’activité est largement dominée par des groupes de l’Hexagone. La carte minière du Niger a été élaborée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), basé à Paris, et la production actuelle du pays – légèrement supérieure à 3 000 t par an – tient exclusivement aux activités du groupe français Areva sur les deux sites qu’il exploite : le gisement à ciel ouvert d’Arlit et celui, en sous-sol, d’Akokan. Quant à Imouraren, dont l’entrée en production est prévue en 2013, et qui a nécessité un investissement supérieur à 1,2 milliard d’euros de la part du leader mondial du nucléaire, il va, à lui seul, doubler la production annuelle d’uranium du Niger.

Cependant, l’exclusivité française dans l’exploitation de ce minerai a été mise à mal par la politique de l’ex-président Mamadou Tandja, qui avait érigé en priorité nationale la diversification des partenaires miniers. Permis d’exploration et concessions ont été négociés avec des groupes chinois, canadiens, australiens et indiens. Les Canadiens de GoviEx opèrent dans la zone de Madaouela, à proximité du gisement d’Arlit. Indiens et Australiens sont en phase d’études géologiques sur d’autres sites de l’Aïr. Mais la   (CNNC), qui a décroché le contrat de la mine la plus prometteuse, celle d’Azelik, est la première à concrétiser le souhait des Nigériens de sortir de l’« Areva-dépendance ».

Yellow cake chinois

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Le 15 mars – lendemain de la proclamation par la Commission électorale nationale indépendante des résultats provisoires du second tour du scrutin présidentiel, marquant la fin de la transition et le retour du Niger à la vie démocratique -, le général Salou Djibo reçoit Qiu Jangang, le vice-président de la CNNC. Deux jours plus tard, le site d’Azelik est inauguré en grande pompe et produit son premier fût de yellow cake.

Exploité par la Société des mines d’Azelik (Somina), une entreprise de droit nigérien dont le capital est réparti entre la CNNC, l’État du Niger (33 %, donc une minorité de blocage en cas de conflit), le fonds d’investissement chinois ZXJOY Invest et Korea Resources Corporation, Azelik est l’un des sites uranifères les plus anciennement connus. Il a été découvert par les Français du BRGM en 1957, puis boudé pour de mystérieuses raisons. Les Chinois y ont cru et y ont arraché une concession contre la modique somme de 123 milliards de F CFA (près de 188 millions d’euros).

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Comme pour tout investissement de l’empire du Milieu, l’effort financier de CNNC à Azelik n’est pas complètement transparent. « Cela nous importe peu, assure Garba Adamou, expert financier. L’apport au Trésor public en termes de fiscalité minière est considérable. En outre, le tiers des 700 t de production annuelle d’uranium reviendra au Niger. » Ce qui ne sera pas de trop pour le nouveau président, Mahamadou Issoufou, qui envisage de mobiliser quelque 1 200 milliards de F CFA sur cinq ans pour financer les infrastructures rurales et hydrauliques et autant pour financer le développement humain. 

Gestion citoyenne

L’euphorie de l’inauguration du site d’Azelik a cependant été quelque peu entamée par les mauvaises nouvelles venant du Japon. Effet collatéral du tsunami du 11 mars, les malheurs de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi n’ont pas été sans conséquences sur les cours de l’uranium. Entre le 7 et le 14 mars, le prix de la livre de yellow cake a dégringolé de 9,8 % (de 66,50 à 60 dollars), mettant fin au cycle haussier provoqué par l’envolée des cours pétroliers. « Cet indéniable manque à gagner devrait être absorbé par une meilleure rationalisation des revenus générés par nos ressources naturelles, assure Ali Idrissa, directeur général adjoint de la télévision privée Dounia. Notre admission en qualité de “pays conforme” à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), le 2 mars à Paris, confirme le bien-fondé de nos nouvelles dispositions législatives. »

Outre les mesures inscrites dans la Constitution promulguée le 25 novembre, qui dispose que les revenus miniers doivent être prioritairement affectés aux opérations de développement et en partie épargnés au profit des générations futures, le dispositif de contrôle mis en place comprend la création d’un observatoire des ressources naturelles et l’élaboration d’une charte de gouvernance des revenus miniers. « Près de 15 % des revenus des industries extractives, assure Salamatou Gourouza, la ministre des Mines et de l’Énergie du gouvernement de transition, sont d’ores et déjà reversés, au titre du développement local, aux communes sur lesquelles sont implantés les sites de production. » Les citoyens nigériens devraient donc, enfin, voir la couleur de l’uranium.

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