Algérie : une photo d’Abdelaziz Bouteflika relance le débat sur sa succession
La récente diffusion d’une photo d’Abdelaziz Bouteflika, tweetée le 10 avril par le Premier ministre français Manuel Valls, a relancé les débats concernant l’état de santé et la succession du président algérien.
Il n’a fallu qu’un tweet pour relancer la polémique. Diffusé le 10 avril par Manuel Valls, le Premier ministre français, reçu le jour même par Abdelaziz Bouteflika, le cliché présente un chef d’État algérien visiblement très affaibli, le visage livide, les yeux hagards et la bouche ouverte.
https://twitter.com/manuelvalls/status/719232121869623297
À tel point que, toute la semaine, la presse et les réseaux sociaux se sont émus de sa diffusion. « La visite de Valls a mis fin à un mensonge » et « les Algériens découvrent un président qui n’est pas en mesure de conduire le pays jusqu’à la fin de son mandat en 2019 », a jugé jeudi 14 avril le quotidien francophone El Watan.
Le quatrième mandat, remporté le 17 avril 2014 après un amendement de la Constitution ayant fait sauter le verrou de la limitation des mandats, est « de trop », renchérit Liberté. Le quotidien francophone juge « sage » de mettre en œuvre la procédure d’empêchement réclamée aussi par l’opposition contre le président, qui vit dans sa résidence médicalisée de Zéralda, où il reçoit notamment les dirigeants étrangers en visite à Alger.
« Acte désobligeant »
Ce tweet a été qualifié d’ « acte désobligeant » par le chef de cabinet d’Abdelaziz Bouteflika, Ahmed Ouyahia, cité dimanche par la presse. « Le tweet de Valls a eu un retentissement international qui ne restera pas sans suite. Bouteflika va se hâter de proposer un successeur parmi ses proches », estime quant à lui Rachid Tlemçani, professeur de sciences politiques.
Les images diffusées « sont un nouveau révélateur du paradoxe algérien », note de son côté le politologue Hasni Abidi. « Il y a un président qui a des pouvoirs exorbitants qu’aucun autre avant lui n’avait eus mais on ne sait pas qui les exerce », dit-il, en rappelant qu’Abdelaziz Bouteflika « a anéanti le contre-pouvoir » des tout-puissants services de renseignement.
Jamais la vie politique nationale n’a été autant dominée par un seul homme.
Le chef de l’État a en effet dissous fin 2015 le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) après avoir limogé le général Mohamed Mediene, dit Toufik, qui a dirigé cet appareil pendant 25 ans. Son éviction a fait du président Bouteflika un dirigeant à la signature duquel est suspendue la carrière de tout haut fonctionnaire ou gradé.
« Jamais la vie politique nationale n’a été autant dominée par un seul homme », remarque encore Hasni Abidi. Mais sa maladie lui permet-elle d’exercer réellement les pouvoirs conférés par la Constitution? « On gouverne en son nom », estime le politologue.
« Tout le monde sait »
Pour autant, objecte un diplomate occidental, « il n’y a rien de surprenant » aux dernières images du président. « Tout le monde sait qu’il a des difficultés d’élocution et de mobilité » depuis un AVC qui l’avait conduit en 2013 à un séjour suivi d’une convalescence de près de trois mois à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris.
Le président Bouteflika a cependant gardé « intactes ses capacités d’analyse », insiste le diplomate occidental qui ne croit pas au scénario d’une succession dans le désordre, ni à celui d’une prise de pouvoir par Said Bouteflika, le frère et conseiller spécial du chef de l’État que certains appellent le « vice-président ». « Derrière Bouteflika, il y a la machine des institutions qui fonctionne. Le système trouvera son candidat et le fera élire après une élection plus ou moins pluraliste », ajoute-t-il.
« Une succession sécurisée »
« L’Algérie est habituée à sortir des candidats surprise », rappelle Hasni Abidi. À la mort de Houari Boumediene en 1978, on attendait son ministre des Affaires étrangères Abdelaziz Bouteflika. Mais l’armée lui avait préféré l’inattendu colonel Chadli Bendjedid sur le critère de l’ « officier le plus ancien au grade le plus élevé ».
Quand ce dernier fut contraint de démissionner sous la pression islamiste en 1992, c’est un vétéran de la guerre d’indépendance, Mohamed Boudiaf, opposant irréductible et exilé au Maroc qui lui succéda. Il fut assassiné au bout de six mois. Et l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika en 1999 fut aussi une surprise. Le président « veut une succession sécurisée pour ses proches (…) son successeur aura sa bénédiction », parie Hasni Abidi.
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