Brésil : les députés ouvrent la voie à la destitution de Dilma Rousseff

À une écrasante majorité, les députés brésiliens ont ouvert dimanche la voie à la possible destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff, lors d’un vote historique qui s’est déroulé dans une ambiance survoltée.

La présidente brésilienne Dilma Roussef le 15 avril 2016 à Brasilia © Evaristo Sa /AFP

La présidente brésilienne Dilma Roussef le 15 avril 2016 à Brasilia © Evaristo Sa /AFP

Publié le 18 avril 2016 Lecture : 3 minutes.

Seuls 137 députés, de gauche et d’extrême gauche pour l’essentiel, ont voté contre la destitution. Sept députés uniquement se sont abstenus et trois étaient absents. Le camp de la destitution l’a emporté par 367 voix, 25 de plus que les 342 requises (2/3) pour autoriser le sénat à mettre en accusation Mme Rousseff.

Vote sous tension

Empoignades, insultes : cette session extraordinaire s’est déroulée dans un lourd climat d’affrontement dès son ouverture par le président du Congrès Eduardo Cunha, ennemi juré de la présidente, inculpé pour corruption dans le scandale des détournements de fonds du géant pétrolier étatique Petrobras, sous les huées des élus de gauche.

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Après de longues minutes de confusion où les députés ont failli en venir aux mains, le calme est ensuite à peu près revenu. Après les interventions des chefs des groupes parlementaires, chaque élu a eu dix secondes pour annoncer son vote au micro.

Le privilège de monter le premier à la tribune est revenu au député centriste souffrant, Washington Reis, qui a voté pour.

Pendant ces longues heures de suspense, l’opposition creusait l’écart irrémédiablement sur le camp présidentiel de la gauche. Les élus conservateurs ceints d’écharpes jaune et vert parlaient de « nettoyer le pays de la corruption ». « Ciao Dilma ! », lançaient certains députés.

Le député d’extrême gauche (PSOL) Jean Wyllys s’est montré le plus éloquent : « Je veux dire que j’ai honte de participer à la farce de cette élection indirecte, conduite par un voleur et ourdie par un traître conspirateur », a-t-il lancé à l’adresse d’Eduardo Cunha et de Michel Temer.

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« Au nom des communautés homosexuelles, du peuple noir exterminé dans les quartiers périphériques, des sans-toit, des sans-terre, je vote non à ce coup d’État », a-t-il martelé. Avant de conclure en regardant les pro-destitution : « Canailles ! »

Liesse dans le camp adverse

Les députés de l’opposition de droite ont exulté, chantant l’hymne des supporters de l’équipe de foot au Mondial-2014: « Je suis brésilien, avec beaucoup de fierté et beaucoup d’amour ».

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Un peu plus tôt, le leader du Parti des Travailleurs (PT, gauche) au Congrès des députés José Guimaraes avait reconnu par avance cette « défaite ». »Les putschistes ont gagné ici à la chambre » mais « cette défaite provisoire ne signifie pas que la guerre est perdue », a déclaré M. Guimaraes.

« Nous allons maintenant dialoguer avec le Sénat pour qu’il corrige l’action des putschistes dirigés par des gens sans autorité morale », a-t-il ajouté.

Accusée de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015 pour masquer l’ampleur de la crise économique, Mme Rousseff nie avoir commis un crime dit « de responsabilité » et dénonce une tentative de « coup d’État » institutionnel. Elle avait annoncé qu’elle « lutterait jusqu’à la dernière minute de la seconde mi-temps ».

Le mandat de la présidente ne tient qu’à un fil

D’ici le 11 mai, il suffira d’un vote à la majorité simple des sénateurs pour qu’elle soit formellement mise en accusation pour « crime de responsabilité » et écartée du pouvoir pendant 180 jours au maximum, en attendant un verdict final.

Le vice-président Michel Temer, son ex-allié centriste et désormais rival, assumerait alors ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.

Plus de 200 millions de Brésiliens, divisés par des mois d’âpre dispute, étaient suspendus au dénouement crucial de la première manche de la lutte de pouvoir qui paralyse le géant émergent d’Amérique latine, au milieu d’un énorme scandale de corruption et de la pire récession économique depuis des décennies.

A Brasilia, environ 53 000 manifestants en vert et jaune favorables à la destitution et 26 000 sympathisants de gauche habillés en rouge ont suivi les débats sur des écrans géants devant l’assemblée, de part et d’autre d’une grande barrière métallique.

Les partisans de la présidente, abattus, ont commencé à évacuer les lieux avant le résultat final.

Sa popularité s’est effondrée en 2015 à un plancher historique de 10%, avec un sursaut à 13% en avril. Plus de 60% des Brésiliens souhaitent son départ.

L’analyste politique Sylvio Costa a quant à lui déclaré : « une bataille s’est déclenchée entre un gouvernement incompétent, soutenu par un parti qui a trahi ses idéaux (le PT), et une opposition hypocrite, dirigée par un législateur accusé de corruption, Eduardo Cunha ».

« Dans tous les cas de figure, les perdants continueront à protester dans les rues », a-t-il prédit.

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