Matières premières : un potentiel miné

Malgré ses énormes ressources en or, en fer et en platine, l’Afrique du Sud perd du terrain sur ses principaux rivaux internationaux. Elle pourrait même rater le coche de l’actuel boom minier.

Publié le 27 septembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Depuis la découverte de diamants dans la région de Kimberley en 1866, l’Afrique du Sud est devenue l’un des principaux producteurs miniers du monde. Un siècle plus tard, la nation Arc-en-Ciel détient toujours les réserves de fer et de platine les plus abondantes de la planète. Dopés par la demande asiatique, les prix des matières premières sont à des niveaux très élevés. L’once d’or atteint un record de 1 900 dollars (environ 1 435 euros). Le charbon pour les centrales thermiques s’échange à un prix jamais atteint de 130 dollars la tonne. Quant au chrome, il se vend à 15 500 dollars la tonne, soit le niveau le plus élevé en quinze ans.

Pourtant, malgré cette longue tradition minière, ces riches gisements et ces prix élevés, les professionnels sud-africains ont le moral en berne. Marchands de métaux, banques, consultants… Tous pensent que le pays est en train de passer à côté du boom, alors qu’il a déjà raté le coche du précédent : entre 2001 et 2008, les 20 principaux pays miniers du globe enregistraient une croissance moyenne annuelle de 5 % du secteur, quand l’activité en Afrique du Sud perdait 1 % par an. Une opportunité de perdue, alors que le pays continue d’afficher des taux de pauvreté et de chômage très élevés, dix-sept ans après la fin de l’apartheid.

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Cinquième place

« Nous n’avons pas réussi à investir suffisamment dans nos mines pour tirer bénéfice de la hausse des matières premières », regrette Martin Kingston, patron de la branche sud-africaine de la banque d’investissement Rothschild. Le sentiment de frustration à Johannesburg, qui abrite la moitié des 20 plus grosses compagnies minières du monde, est accentué par le succès de l’Australie, sa rivale de l’hémisphère Sud, aussi bien lotie en gisements. « L’Australie est en train de rafler la mise, améliorant sa productivité et ses investissements pendant que nous échouons », confie le dirigeant d’une société minière.

Au cours des dix dernières années, la production sud-africaine d’or a été réduite de moitié, passant à 192 tonnes en 2010, et avec des coûts d’exploitation plus élevés. Après plus d’un siècle de domination sans partage, la nation Arc-en-Ciel a dégringolé à la cinquième place mondiale des producteurs du précieux métal jaune, détrônée en 2008 par la Chine, puis par l’Australie, les États-Unis et la Russie.

Dans le même temps, le pays doit faire face à de gros problèmes d’infrastructures, qui n’affectent pas seulement la filière aurifère. Eskom, la société publique d’électricité, lutte pour satisfaire, avec des infrastructures vieillissantes, une demande en constante hausse. Quant au rail, exploité par Transnet, sa capacité est nettement insuffisante pour répondre aux besoins des mines de charbon.

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Incertitude

Le débat houleux sur la nationalisation des mines, promue par Julius Malema, leader radical de la Ligue de la jeunesse du Congrès national africain (ANC), pèse aussi fortement sur le secteur. Les compagnies, qui ont exploité les travailleurs noirs pendant l’apartheid, restent sous le feu de la critique, alors que les résultats du Black Economic Empowerment (qui vise à donner aux Noirs l’accès aux leviers économiques) ont beaucoup déçu.

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Même si la majorité des miniers ont le sentiment que la nationalisation ne se fera pas, en raison notamment de l’opposition des principales figures de l’ANC, le simple fait que la discussion ait lieu nuit au climat d’investissement. « Les gens doivent comprendre que, si nous avons ce débat, il y aura des conséquences », déclare David Brown, patron d’Impala Platinum, numéro deux du secteur. « Nous courons le risque de perdre à nouveau [après le premier boom minier, NDLR], parce que nous créons nous-mêmes de l’incertitude. »

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Andrew England et Javier Blas. © Financial Times et Jeune Afrique 2011.

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