Tunisie : des prérogatives élargies pour la banque centrale
L’assemblée des représentants du peuple a voté la semaine dernière les nouveaux statuts de la Banque centrale de Tunisie (BCT).
Le premier changement majeur concerne l’indépendance de l’institution. La précédente loi datant de 1958 faisait de la BCT un simple outil d’ « appui à la politique économique de l’État » (voir l’article 34 de la loi de 1958). Aujourd’hui, l’indépendance de la banque centrale est élargie : « Dans l’accomplissement des missions et dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la présente loi, la Banque Centrale ne peut ni solliciter, ni accepter des instructions du Gouvernement ou de tout organisme public ou privé », est-il noté à l’article 2 de la loi portant statuts de la BCT votée le 12 avril.
En cela, la BCT rejoint les standards internationaux consacrés par la Fed, la banque centrale américaine, et son homologue européen, la Banque centrale européenne (BCE). À l’échelle régionale, « le statut de la banque centrale est plus avancé qu’en Algérie et comparable au Maroc », estime Moez Labidi, professeur d’économie à l’université Mahdia de Tunis, membre du think tank Nabes International et ancien membre du conseil d’administration de la BCT.
Des débats houleux à l’assemblée
Les débats ont été houleux à l’assemblée où les opposants ont considéré cette indépendance comme un moyen d’ingérence des institutions internationales. « La calendrier a été accéléré pour que le vote arrive avant la rencontre avec le FMI (qui a accordé le 15 avril 2,8 milliards dollars à la Tunisie sur quatre ans sous conditions de réformes comme celle de la BCT, ndlr) » analyse Moez Hassayoun, membre du think tank Joussour sur les politiques publiques.
La nouvelle loi prévoit cependant que le gouverneur de la BCT se justifie devant le Parlement lorsque ce dernier décide de l’auditionner. « La banque centrale n’est donc pas totalement hors du contrôle politique », précise Moez Hassayoun.
Élargissement du périmètre de la BCT
Si la BCT doit toujours veiller à la stabilité des prix et donc à maîtriser l’inflation, ses nouveaux statuts précisent que l’institution doit également contribuer à la stabilité financière. Une nouveauté qui est censée empêcher les crises bancaires.
« En cela, la création d’un comité de surveillance macroprudentielle et de gestion des crises financières est une avancée très importante, souligne Moez Labidi. Couplée à sa nouvelle indépendance, la politique macroprudentielle renforcera la crédibilité de la banque centrale auprès des banques mais également auprès des bailleurs internationaux. »
Cependant, l’économiste déplore le manque de « courage » des politiques qui n’ont pas voulu chiffrer l’inflation, contrairement à la Fed ou à la BCE qui l’ont plafonnée à 2%.
Finance islamique
Dernier apport de ces statuts : l’affirmation de la finance islamique (l’article 32 prévoit que le ministre chargé des Finances peut mandater la BCT en vue d’émettre au nom de l’État des sukuks sur les marchés financiers internationaux). Là encore, la consécration d’une finance « charia-compatible » dans les statuts de la BCT a provoqué de nombreux débats. Les élus « laïques » y ont vu la main d’Ennahdha, parti islamique et première formation politique à l’assemblée. Un faux débat pour Moez Labidi : « La finance islamique est présente partout dans le monde. Si on peut attirer les capitaux du Golfe, c’est une bonne chose. Le régulateur se doit cependant d’être ferme sur la provenance de ces fonds. »
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