Guinée : des passeports diplomatiques pour les familles des députés ? La proposition fait scandale

L’article 64 du nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale de Guinée, pour l’instant à l’état de proposition de loi, a du mal à passer auprès de l’opinion publique guinéenne, qui critique une accumulation de privilèges entre les mains de ses représentants.

Un passeport guinéen. © DR

Un passeport guinéen. © DR

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Publié le 18 avril 2016 Lecture : 2 minutes.

« Les députés, leurs conjoints et leurs enfants à charge (maximum quatre) ont droit au passeport diplomatique. » C’est cet article 64 de la proposition de loi portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale sur « les droits et avantages du député » qui a fait rugir la société civile guinéenne, même si le document prévoit d’autres avantages pour les députés : risques maladie, décès, vieillesse, maternité, risque lié à l’exercice du mandat parlementaire. Le texte doit être soumis au vote des parlementaires « lors de la session de loi en cours ».

La rémunération des députés rehaussée de 111, 6%

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Des avantages de trop qui, « outre leur caractère abusif, posent un problème moral. Ils pourraient avoir d’importantes incidences financières sur le budget de l’État et susciter des charges supplémentaires pour les travailleurs, les populations et les entreprises déjà éprouvés par la crise actuelle », s’indigne dans un communiqué la Plateforme des citoyens unis pour le développement (PCUD). Celle-ci souhaite « le retrait pur et simple de la proposition de loi » et rappelle que la rémunération des députés a déjà été rehaussée de « 111, 6% dans la Loi de finances 2016, pendant que près de 60 % des citoyens qu’ils représentent croupissent dans la misère. »

Des citoyens privés de cartes d’identité

L’idée que quelques personnes puissent obtenir des passeports diplomatiques aussi aisément passe d’autant plus mal auprès de la population que depuis plus d’un an les autorités guinéennes ne fournissent plus de cartes d’identité en raison des fraudes liées à leur délivrance dans les commissariats et postes de police du pays. Abdoulaye Oumou Sow, directeur de la campagne numérique « droit à l’identité » lancée le 10 mars par l’Association des blogueurs de Guinée, Ablogui, estime pour cette raison que « les députés doivent mettre en avant l’intérêt du peuple et presser le gouvernement pour résoudre définitivement ce problème. »

« Nous sommes les représentants du peuple, quand même ! »

C’est l’ensemble de l’Assemblée nationale, majorité et opposition confondues, qui est pointé du doigt. Celle-ci se défend comme elle peut : la confection d’un passeport diplomatique ne nécessite pas une fortune, répond notamment un député de l’opposition. « Nous sommes les représentants du peuple, quand même ! » renchérit un autre, qui rappelle que les ministres jouissent des mêmes privilèges, tout comme leurs homologues sénégalais ou béninois.

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À en croire la presse sénégalaise, les députés sénégalais sont logés à bonne enseigne : 1000 litres de bons de carburant par mois, 500 000 FCFA (762,25 euros) de crédits téléphoniques, des émoluments de 1,3 à 2 millions FCFA (de 1980 à 3050 euros)… « Si les députés se comparent à leurs homologues sénégalais en termes d’avantages, ils doivent en faire de même en termes de travail abattu », estime le juriste Mohamed Camara, qui s’interroge sur le bilan de l’Assemblée nationale guinéenne, deux ans après son installation.

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