Tunisie : face à la pression sociale, le pétrolier britannique Petrofac calme le jeu
Interrogée par « Jeune Afrique », la société pétrolière Petrofac réfute son retrait d’un champ gazier dans l’archipel de Kerkennah au large de Sfax et prône le retour à la normale après de violentes manifestations .
L’extraction de gaz depuis l’archipel de Kerkennah, à 30 kilomètres au large des côtes tunisiennes, et son transport vers Sfax (est de la Tunisie), sont retournés à la normale, a assuré un représentant de la filiale tunisienne de la société pétrolière britannique Petrofac interrogé au téléphone par Jeune Afrique ce mardi 19 avril.
Pourtant, rapporte l’AFP le même jour, la petite île tunisienne de Kerkennah est le théâtre d’une contestation inédite. C’est un conflit social qui a enflammé la situation, au point de donner lieu à trois mois de sit-in, à une interruption de la production pendant 78 jours et aux rumeurs d’un retrait de la compagnie du champ gazier de Chergui.
Des rumeurs démentis par le siège londonien du groupe dans une déclaration transmise à Jeune Afrique : « Notre première priorité est de nous assurer que nous puissions poursuivre nos opérations de manière sûre et efficace, et que toute notre équipe tunisienne puisse s’y consacrer. Tant que cette situation est hors de notre contrôle, nous continuons à travailler en lien étroit avec les autorités dont l’objectif est de dégager une solution de long terme à la situation actuelle », indique ce porte-parole.
La fin du « programme environnemental » en question
Déclencheur des crispations : l’incertitude autour du futur d’un système temporaire baptisé « programme environnemental » financé par Petrofac depuis 2011.
Dans le cadre de ce « programme », des diplômés chômeurs dont les salaires sont payés par la société pétrolière — mais par le biais de l’État — travaillent dans des institutions publiques comme la Poste, sans toutefois disposer de contrat, d’assurance ou de retraite.
Un simple « calmant » visant à acheter la paix sociale selon Ismahan Samet, 35 ans, l’une des 266 bénéficiaires, citée par l’AFP.
La pérennité de ce système a été remise en cause dès 2015. Un accord trouvé l’an dernier pour une pérennisation de ces emplois par l’État est resté lettre morte. Interrogé par le site d’information Nawaat, le directeur général de Petrofac en Tunisie, Imed Derouiche, a expliqué ne plus pouvoir continuer à financer le programme et a appelé « l’État à faire son travail », rapporte l’AFP.
Dans la soirée du 14 avril, des affrontements ont éclaté devant le port de Sidi Youssef et sur la route menant à la localité de Mellita entre des policiers et des dizaines de résidents qui s’opposaient à l’entrée de camions de l’entreprise britannique Petrofac sur l’île. Le 04 avril, le ministère de l’Intérieur tunisien avait déjà recensé un blessé, ainsi que deux bus et deux voitures de la police vandalisés.
Dans une interview vidéo à L’Économiste le 19 mars, Imed Darouich a rappelé que « la société [Petrofac] peut décider à n’importe quel moment de remettre en cause sa présence », rappelant que le groupe d’hydrocarbures avait « prévu en 2016 de forer deux puits dont le coût total avoisine 30 millions de dollars. »
Ce dernier a fait d’une perte de 30 millions de dinars (13 millions d’euros) par jour pendant cette période de crise pour l’entreprise, mettant également dans la balance son incapacité à honorer la paie de ses salariés qu’il s’apprêterait à mettre au chômage technique. Au total, 37 jours de fermeture avaient déjà été comptabilisés par la société en Tunisie en 2015, ainsi que le rapporte Petrofac dans son rapport annuel 2015.
Champ gazier de Chergui
Le champ gazier de Chergui produit jusqu’à 30 millions de pieds cubes de gaz par jour, soit 12 % de la consommation totale de gaz en Tunisie, selon des chiffres communiqués par Petrofac.
Le britannique est l’opérateur du champ gazier ainsi que son actionnaire à 45 %, aux côtés de l’Enterprise tunisienne d’activitiés pétrolières (ETAP), la compagnie pétrolière nationale tunisienne.
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