Hydrocarbures : vers la naissance d’un géant nigérian ?

Le groupe pétrolier Seplat réfléchit au rachat d’Afren, un important producteur en grande difficulté. Mais le mariage reste incertain.

Bryant Orjiako, le président de Seplat, est l’ancien directeur de Maurel et Prom. DR

Bryant Orjiako, le président de Seplat, est l’ancien directeur de Maurel et Prom. DR

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 1 février 2015 Lecture : 4 minutes.

Le petit monde pétrolier nigérian est en ébullition. Début janvier, le groupe Seplat, coté à Lagos et à Londres, a confirmé qu’il était en « discussion préliminaire » pour le rachat d’Afren, également coté à la City. Si elle aboutissait, la fusion-acquisition envisagée par Bryant Orjiako, le président de Seplat, serait la plus importante jamais réalisée entre deux compagnies privées au Nigeria. Et l’opération, estimée à 1 milliard de dollars (891 millions d’euros) par Renaissance Capital, donnerait ainsi naissance à un géant africain pesant 2,8 milliards de dollars de capital, avec une production d’environ 100 000 barils par jour (b/j) et autour de 1,5 milliard de dollars de revenus attendus en 2015.

Exclusivement présent au Nigeria, Seplat avait réussi, en avril 2014, son entrée simultanée sur les Bourses de Londres et de Lagos, récoltant 500 millions de dollars au passage. Juste avant la chute des cours du baril de brut (de plus de 50 % depuis juin). Aujourd’hui, « le groupe est assis sur 434,8 millions de dollars d’argent frais qu’il n’a toujours pas utilisés. Il peut racheter Afren. Reste à savoir s’il s’agit vraiment d’une bonne opportunité », analyse une source proche du dossier travaillant pour une banque nigériane.

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Seplat et Afren Nigeria, la principale filiale d’Afren, se sont développés à la faveur du désengagement des majors pétrolières Shell, Total, BP et Chevron et des mesures gouvernementales favorisant « l’indigénisation » de l’exploitation des ressources naturelles nigérianes. Mais aujourd’hui, leurs situations sont radicalement différentes.

Afren, coté depuis 2008, s’est beaucoup internationalisé en Afrique de l’Ouest, en Afrique de l’Est et en Irak. Mais il est tombé de son piédestal fin 2014, à la suite d’une affaire de mauvaise gouvernance qui a terni sa réputation. En octobre, une enquête interne avait mis au jour le transfert illicite de 17,1 millions de dollars provenant de partenaires d’Afren à destination des comptes d’Osman Shahenshah et de Shahid Ullah, respectivement directeur général et directeur des opérations. Le limogeage immédiat de ces derniers n’a pas rassuré les marchés, et le prix de l’action Afren a chuté de 50 % à Londres pendant les trois derniers mois de l’année 2014.

Mauvaise passe

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La mariée pourrait donc ne pas être un aussi bon parti qu’elle semblait l’être. D’autant qu’au-delà de cette affaire de versements illicites – réglée le 2 janvier par un accord entre les parties prévoyant le remboursement de 20 millions de dollars par les anciens directeurs -, Afren est aussi dans une mauvaise passe opérationnelle et financière. Tout d’abord, la suspension de ses projets dans le Kurdistan irakien risque de se prolonger.

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Ensuite, la production de ses puits nigérians diminue, notamment sur le bloc d’Ebok, son principal site offshore. Au total, Afren extrait 27 200 b/j, soit 20 % de pétrole brut en moins qu’un an auparavant. Aggravée par la chute des cours, la baisse de ses revenus a atteint 57 % au troisième trimestre 2014, et ce avec des coûts de revient en hausse ayant dépassé 60,80 dollars le baril, alors qu’ils étaient à 58 dollars le baril en 2013, selon Renaissance Capital.

De plus, alors qu’il lui faudrait investir pour relancer sa production, le groupe, très endetté, a dû revoir ses budgets à la baisse. En dehors de ses développements au Nigeria, sa principale base, ce manque d’argent risque de geler ses projets d’exploration à Madagascar, aux Seychelles, au Congo (avec Maurel et Prom), en Côte d’Ivoire, en Éthiopie, au Kenya, au Ghana, en Afrique du Sud et en Tanzanie. Inquiète de cette situation, l’agence Fitch a formulé des réserves sur la situation d’Afren.

Réticences

« Seplat a la capacité managériale et financière de remettre Afren à flot, mais le contexte pétrolier actuel et la situation difficile d’Afren pourraient dissuader le groupe de poursuivre en ce sens », estime l’analyste nigériane Temilade Esho, de Renaissance Capital. Certains actionnaires importants de Seplat, dont l’assureur Standard Life et le fonds BlackRock, seraient très réticents.

« Dans sa stratégie d’acquisition, Seplat serait sans doute mieux inspiré de s’intéresser à des actifs pétroliers plutôt qu’à des entreprises cotées à Londres comme Afren », indique une note de Renaissance Capital sur le sujet. « Le portefeuille d’Afren a du potentiel, mais il est très diversifié et demandera beaucoup plus d’efforts et d’argent qu’un rachat de bloc », estime Temilade Esho, pour qui Seplat ne devrait pas s’éparpiller s’il veut profiter de son statut d’entreprise nigériane.

Fin janvier, son conseil d’administration était toujours partagé sur la suite à donner à ses discussions avec Afren. Les autorités boursières lui ont accordé jusqu’au 19 janvier pour confirmer ou non une offre, avant d’étendre ce délai jusqu’au 30. Un signe perçu comme négatif ayant entraîné le 19 janvier une baisse de 8,9 % de l’action d’Afren à Londres. Le 27 janvier, sans nouvelles de l’offre éventuelle de Seplat, le cours d’Afren a plongé de 70 % en une journée, notamment après la dégradation de sa note par l’agence Standard & Poor’s, qui juge la société « hautement vulnérable » en raison de la poursuite de la chute des cours du baril, de son besoin d’argent frais à court terme et de son lourd endettement.

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