Kadré Désiré Ouédraogo : « La mise en place du marché commun de la Cedeao est en bonne voie »

À la tête de la Cedeao depuis près de trois ans, le Burkinabè dresse un bilan positif des avancées de l’organisation, sans omettre les objectifs restant à atteindre. Rencontre avec un homme de convictions.

Premier ministre du Burkina Faso entre 1996 et 2000, Kadré Désiré Ouédraogo est le président de la Commission de la Cedeao depuis 2012. © Vincent Fournier/JA

Premier ministre du Burkina Faso entre 1996 et 2000, Kadré Désiré Ouédraogo est le président de la Commission de la Cedeao depuis 2012. © Vincent Fournier/JA

OLIVIER-CASLIN_2024

Publié le 12 février 2015 Lecture : 4 minutes.

Après une carrière bien remplie au sein d’institutions régionales, Kadré Désiré Ouédraogo est nommé à la présidence de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) en 2012. À quelques mois de la fin de son mandat, celui dont le nom circule comme potentiel candidat à la présidentielle burkinabè revient sur les avancées de l’organisation et rappelle son attachement au processus d’intégration en marche.

Propos recueillis par Olivier Caslin

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Jeune afrique : La Cedeao va fêter ses 40 ans dans quelques mois. L’Afrique de l’Ouest est-elle en voie d’intégration ?

Kadré Désiré Ouédraogo : Absolument ! Amener quinze pays aussi différents à agir comme un seul bloc était une gageure, nous pouvons nous féliciter du chemin parcouru et du sentiment d’appartenance communautaire que nous avons su créer. Le socle de l’intégration est bien en place. Plus personne n’a besoin de visa pour voyager d’un pays à l’autre et chaque citoyen peut résider et travailler où il le souhaite au sein de l’espace commun.

En quoi l’Union douanière, en place depuis le 1er janvier, pourrait-elle accélérer ce processus ?

L’entrée en vigueur du tarif extérieur commun [TEC] est un grand pas vers la mise en place d’un marché commun qui reste, sur le plan économique, l’objectif définitif de la Cedeao. Le TEC souligne la volonté des États de constituer un espace unifié et économiquement homogène.

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En nous adossant au marché européen, nous accroissons notre compétitivité.

Quelle sera la prochaine étape ?

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Après avoir favorisé la mobilité des personnes et des capitaux, le but est de faire de la Cedeao une zone monétaire unique. Un programme a été lancé en 1987 pour créer une monnaie commune d’ici à 2020. Cela suppose des politiques de convergence. Plusieurs critères ont été acceptés par tous et les banques centrales vont tenter de les respecter. Les chefs d’État et de gouvernement se sont personnellement engagés, désignant les présidents du Niger et du Ghana pour superviser le processus. Nous avons de bonnes chances d’être au rendez-vous de 2020.

Le bilan économique de la Communauté reste mitigé, notamment en matière d’échanges entre ses membres. Comment les doper ?

Notre bilan ne se limite pas aux volumes d’échanges, même si nous sommes très loin de nos objectifs. L’harmonisation des normes et des politiques sectorielles, la réalisation d’infrastructures sont des acquis importants. Il reste à éliminer certaines difficultés. À commencer par la nature même de nos échanges, constitués, dans leur grande majorité, d’exportations de produits de base destinés à des marchés situés à l’extérieur de notre espace. Ensuite, nos infrastructures régionales demeurent insuffisantes. Il faut des moyens de communication efficaces entre les pays. Notre jeunesse doit également être mieux formée, pour pouvoir entreprendre et lancer les PME qui permettront de créer un tissu industriel intrarégional. Voilà comment doper nos échanges, encore caractérisés par le poids énorme du secteur informel.

Lorsqu’on parle d’intégration réussie en Afrique, on cite l’EAC [Communauté de l’Afrique de l’Est]. Pourquoi pas la Cedeao ?

L’EAC a réalisé des progrès importants dans la mise en place de son marché régional. Elle est très performante dans certains domaines tels que la libéralisation des échanges ou l’intégration politique dans la mesure où elle dispose d’un Parlement qui légifère. Mais la Cedeao inspire elle aussi les autres communautés, en matière de maintien de la paix et de la sécurité, ou de libre circulation des personnes par exemple. Le dynamisme de l’EAC est louable, mais le contexte est différent : ses membres sont moins nombreux [cinq contre quinze] et surtout bien plus homogènes.

Le poids et l’influence du Nigeria ne risquent-ils pas à terme de déséquilibrer cet ensemble ?

Je ne crois pas. Le principe fondateur de la Cedeao reste « un pays : une voix ». Le Nigeria possède un potentiel énorme, qui va beaucoup contribuer à l’essor de l’Afrique de l’Ouest, mais il n’est pas le seul.


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Son refus a pourtant failli faire échouer les négociations des APE [accords de partenariat économique] avec l’Union européenne. En quoi ceux-ci contribueront-ils au développement de la sous-région ?

Notre intérêt est d’obtenir un accès préférentiel et illimité au marché européen. En retour, nous offrons à l’Europe un accès graduel à nos marchés pendant vingt ans. Cette asymétrie donne son caractère de développement à l’accord. En nous adossant à un marché important, nous accroissons notre compétitivité. À nous d’accompagner cette ouverture par la mise à niveau de nos économies et le renforcement de nos infrastructures pour rendre nos entreprises compétitives au niveau régional puis mondial.

Comment les exportations européennes vont-elles favoriser l’industrialisation ouest-africaine ?

Nous n’importons pas que des biens de consommation, nous importons aussi et surtout des intrants et des biens d’équipement afin de développer notre industrie. Il nous faut des capacités de production pour profiter du marché européen. Les APE constituent un ensemble équilibré et, comme nous sommes appelés à nous ouvrir davantage au monde, mieux vaut maîtriser ce processus que le subir.

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La Cedeao a-t-elle vocation à devenir une union ouest-africaine ?

Le processus a déjà commencé : sur le plan économique avec l’harmonisation des politiques sectorielles et la coopération monétaire, sur le plan politique avec la mise en commun de nos forces de défense et la définition d’une politique de lutte contre le terrorisme. Avec le renforcement des prérogatives du Parlement de la Cedeao, nous pouvons tout à fait imaginer la création de cette union politique, et c’est la voie que nous entendons suivre. Par ailleurs, l’Union africaine passe par l’union de l’Afrique de l’Ouest.

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