Tunisie : violences à Kerkennah, les raisons de la colère

Le 18 avril, dans l’archipel de Kerkennah, l’emploi de la force contre le blocage de la société pétrolière Petrofac a dégénéré en émeute. Quelles sont les causes de ce mouvement de contestation sociale ?

Afrfontements entre habitants et forces de l’ordre sur l’île tunisienne de Kerkennah, dans la nuit du 14 avril 2016. © AFP

Afrfontements entre habitants et forces de l’ordre sur l’île tunisienne de Kerkennah, dans la nuit du 14 avril 2016. © AFP

Publié le 20 avril 2016 Lecture : 2 minutes.

Depuis le 19 janvier, la société pétrolière Petrofac, qui exploite un site sur les îles de Kerkennah, est bloquée par des protestataires qui réclament au gouvernement de tenir ses promesses d’embauche. Au fil des mois, et malgré les cris d’alerte de Imed Derouiche, patron de Petrofac Tunisie, la situation s’est dégradée sans qu’aucun dialogue ne soit établi entre les autorités et les employés mécontents. Seule réaction de l’État : l’emploi de la force, qui a dégénéré en émeutes le 18 avril. Depuis, le calme est revenu sur l’île sans pour autant faire naître des solutions au problème.

Les raisons de la contestation

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Pour résorber le chômage, l’État a fait bénéficier 266 chômeurs, dont des diplômés du supérieur, d’un « programme de travail environnemental » financé par Petrofac depuis 2011 par le biais du Conseil régional de Sfax. Ils ont ainsi obtenu des emplois dans les administrations de l’île sans toutefois avoir de contrat ni de couverture sociale. Ils exigent aujourd’hui la régularisation de leur situation, prévue par des accords passés avec le gouvernement en avril 2015, alors que Petrofac, faute de transparence dans la gestion des fonds, a suspendu son financement au programme fin 2015. « L’État est hors la loi en aménageant du travail au noir », assure Fehmi, un protestataire.

Des marges de manœuvre limitées pour le gouvernement

Dans les faits, les marges de manœuvre du gouvernement sont limitées : le déficit des finances publiques contraint l’État à réduire l’embauche. Bottant en touche, Khaled Chouket, porte-parole de l’exécutif, évoque quant à lui des problèmes de procédures : « les recrutements dans la fonction publique se font sur concours », rappelle-t-il .

Mais Chouket a aussi mis de l’huile sur le feu en soulignant que les protestataires étaient « mieux payés que les ouvriers ;  parce qu’ils sont diplômés du supérieur, ils ne veulent pas occuper des postes à caractère environnemental et refusent d’attendre » la mise en place d’un plan quinquennal comportant d’importants projets d’infrastructures à Kerkennah. Il prône une solution par le dialogue mais les insulaires s’insurgent contre l’emploi de la force, à l’origine des affrontements du 18 avril.

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Les syndicats en porte-à-faux

L’Union générale tunisienne du travail  (UGTT) et l’Union des diplômés chômeurs (UDC) tentent d’encadrer les protestataires qu’ils soutiennent sans toutefois approuver le blocage de l’île et de Petrofac, dont une majorité d’employés est syndiquée auprès de l’UGTT. Position d’autant plus délicate que des sources sécuritaires ajoutent à la confusion en désignant les partis du Front populaire (extrême gauche) et de Hizb Ettahrir (parti salafiste interdit) comme à l’origine des heurts avec la police.

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Hizb Ettahrir réplique que les sociétés étrangères en Tunisie, « sont une forme de colonisation » tandis que le Front populaire dément toute implication.

L’immobilisme des autorités en question

L’immobilisme de l’exécutif pendant trois mois sur cette crise suscite des critiques. « Le pourrissement n’est jamais une solution », fustige Mohamed Ben Amor, un membre de l’UDC qui dénonce l’usage de la force et l’absence de représentants du gouvernement pour régler le problème. Et comme lui, ils sont encore 266 a attendre d’autres réponses qu’une simple répression sécuritaire.

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