Anniversaire du Printemps berbère : la chanson kabyle demeure l’arme de tous les combats
Le 20 avril marque le 36ème anniversaire du Printemps berbère, célébré cette année dans un contexte particulier. Malgré l’officialisation de la langue Tamazight dans la Constitution algérienne et les appels au calme du gouvernement, la verve des artistes kabyles ne faiblit pas.
Célébré chaque année depuis le 20 avril 1980, le Printemps berbère marque les premières manifestations publiques de la revendication berbériste en Afrique du Nord, suite à l’interdiction d’une conférence de l’écrivain Mouloud Mammeri. Et avec elles, un élan d’expressions artistiques animées par la cause.
La musique berbère, en particulier, s’est dressée au fil des années et des événements comme un véritable porte-drapeau des revendications identitaires. « Depuis l’indépendance de l’Algérie, la chanson kabyle est devenue l’arme de tous les combats », explique le chanteur kabyle Oulahlou.
La chanson en porte-voix
Plus difficile à contrôler, la musique « est le meilleur et le seul vecteur d’expression, puisque nous n’avons pas d’autres moyens de revendication. Tous les autres espaces nous ont été fermés », affirme Oulahlou, de son vrai nom Abderrahmane Lahlou, connu pour ses chansons engagées comme « Pouvoir assassin », « Afus i buteflika » (« Applaudissez Bouteflika »), ou encore « Ulac smaḥ ulac » (« Pas de pardon »). Il représente aujourd’hui une des figures de proue du mouvement artistique pour la reconnaissance de l’identité et de la langue berbères en Algérie, dans les traces d’autres grands chanteurs kabyles tels que Ferhat Mheni, Idir, et Aït Menguellet. L’assassinat du chanteur Lounès Matoub en 1998, et la violente répression du « Printemps noir » en Kabylie en 2001 (qui ont fait 126 morts) n’ont fait qu’amplifier le son de ces voix qui portent.
Cet engouement pour la musique berbère et pour ses chanteurs, érigés en symboles de la révolte, s’explique notamment par la tradition orale de la communauté et les thèmes abordés. En l’absence d’une importante littérature écrite en langue berbère, ce sont les orateurs qui transmettent le flambeau, qui pérennisent la langue. La musique, la poésie et les contes populaires représentent donc les principales formes d’expression en Kabylie, ainsi que le moyen le plus efficace de toucher le plus grand nombre. L’oppression, le ras-le-bol de la société et la frustration de la jeunesse, l’injustice, l’autoritarisme et surtout la liberté font partie des thèmes les plus récurrents dans les chansons engagées kabyles.
Les gens se reconnaissent dans ces chansons, ils s’identifient aux textes, selon Oulahlou, qui tient aussi à rappeler que les siennes ne relèvent pas du discours politique mais d’un « engagement culturel et artistique au service de la liberté des peuples. »
Le combat est encore long
« Historique » est le mot utilisé pour décrire la célébration du Printemps berbère cette année, après la consécration en février 2016 du Tamazight comme langue nationale et officielle. Une avancée qui se fête au sein de la communauté amazighe, mais qui ne doit pas pour autant occulter les efforts qu’il reste encore à faire, clame Oulahlou.
« C’est historique, certes, mais la langue n’est qu’un aspect de l’identité. Il ne s’agit là que d’un texte, il faut voir comment il va se traduire dans la réalité. (…) Ce n’est qu’une première étape, et le combat est encore très très long. »
Pour preuve, les intimidations, annulations injustifiées de concerts et harcèlements qu’il affirme subir encore aujourd’hui de la part d’un régime qui lui ferme de plus en plus les portes. Ou encore l’absence d’artistes kabyles sur les plateaux de télévision et les radios nationales. « Dans la pratique, ce sujet est toujours un tabou ». Mais quoi qu’il arrive et comme on a pu le voir au cours des années, « l’art est là et il fait bouger les lignes », conclut le chanteur.
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