Une crise, et ça repart
Malgré une baisse des ventes l’an dernier, les constructeurs restent optimistes. Porté par l’offre low cost et le secteur du luxe, le renouvellement du parc automobile africain laisse augurer de belles perspectives.
La nouvelle diversité du parc automobile africain peut frapper les visiteurs qui ne se sont pas rendus sur le continent depuis longtemps et qui sont habitués à n’y voir que des voitures d’occasion et de solides 4×4. Bien sûr, les véhicules de seconde main, souvent importés et « tropicalisés » dans des ports (comme celui de Lomé pour l’Afrique de l’Ouest), représentent toujours la majorité des voitures. Et les tout-terrain japonais (Toyota, Nissan) et anglo-saxons (Land-Rover, Range-Rover), nécessaires pour la piste, restent également nombreux.
Jusqu’en 2008, la croissance des ventes automobiles était alléchante : entre 2006 et 2008, elle était de 18 % en Afrique subsaharienne francophone, 21 % au Maghreb et même 28 % en Afrique subsaharienne anglophone. On estimait à environ 1,4 million le nombre de véhicules neufs vendus sur le continent en 2008, soit seulement 2 % des 69 millions vendus dans le monde, alors que les Africains représentent 14,4 % de la population du globe.
La crise économique a cependant obligé les vendeurs à marquer une pause en 2009. Au sud du Sahara, le nombre de véhicules neufs vendus (hors Afrique du Sud) a baissé d’environ 20 % par rapport à 2008 et de 6 % au Maroc et en Algérie. L’Afrique du Sud, marché jusqu’alors florissant (73 % de hausse des ventes entre 2003 et 2006), a souffert plus que les autres en 2009, avec 24 % de baisse des ventes. En volume, il s’est vendu en 2009 autour de 400 000 voitures neuves au Maghreb francophone, près de 300 000 en Afrique du Sud, mais seulement 35 000 en Afrique de l’Ouest francophone. Le renouvellement du parc automobile est donc plus lent à Conakry et à Bamako qu’à Alger ou à Johannesburg, même si certains gouvernements ont restreint l’importation de véhicules d’occasion trop anciens (comme le Sénégal en 2009).
Amélioration des routes
Mais c’est finalement une belle résistance quand on compare ces chiffres à la baisse de 20 % aux États-Unis et à la stabilité en Europe obtenue in extremis grâce aux primes à la casse. Au final, malgré une demande 2009 chahutée, tous les acteurs consultés sont optimistes pour l’Afrique et parient sur une belle année 2010, notamment parce que l’offre comme la demande se sont adaptées aux nouvelles réalités. Aux côtés des véhicules traditionnels apparaissent dorénavant de nombreuses petites voitures neuves, devenues accessibles grâce à l’essor de l’offre low cost et dont le développement doit beaucoup à l’amélioration des routes. Au Maghreb et dans les grandes villes subsahariennes, le 4×4 ou la berline d’occasion inusable ne sont plus indispensables, une petite voiture neuve peut satisfaire les besoins de déplacement de beaucoup. En parallèle, il n’est plus rare de croiser dans les capitales africaines des voitures de luxe comme des BMW X5, des Audi Q5 ou même des Porsche Cayenne, exhibées par la classe aisée comme un symbole de réussite sociale.
Les petites voitures peu chères et les véhicules de luxe ont donc le vent en poupe partout en Afrique, mais les volumes varient considérablement selon les zones. D’un côté le Maghreb, qui bénéficie de réseaux routiers de bonne qualité (déjà près de 1 000 km d’autoroutes au Maroc) et d’une population au pouvoir d’achat suffisant pour se payer une voiture (20 % des foyers tunisiens en ont une). De l’autre l’Afrique subsaharienne, sous-équipée (seulement 11 véhicules pour 1 000 habitants en Afrique centrale), avec un faible pouvoir d’achat et qui peine à entretenir ses routes en dehors des grandes métropoles. L’Afrique du Sud, avec une grande diversité de véhicules et un taux d’équipement élevé, fait figure d’exception, son marché étant semblable à celui de l’Europe.
En Afrique du Nord, le marché est porté par le low cost. La Dacia Logan (groupe Renault), assemblée à l’usine de Somaca, à Casablanca, arrive en tête des ventes au Maroc et en Algérie, avec respectivement 14 200 et 4 400 exemplaires vendus. En Tunisie, où elle vient seulement d’être commercialisée grâce aux accords d’Agadir permettant le libre-échange avec le Maroc, la Logan démarre également sous de bons auspices. La berline Sandero, autre low cost Dacia, fait elle aussi un malheur. En Afrique du Sud, le modèle a permis à Renault de doubler ses ventes. Les voitures à petits prix du chinois Chery (dont le modèle QQ) font également de bonnes performances en Égypte, où le constructeur a installé une usine d’assemblage.
« S’il est de bonne qualité, le petit low cost est un produit adapté aux grandes villes subsahariennes qui ont amélioré leurs routes », estime Dale Reid, responsable des ventes pour Ford, qui se dit impatient de voir arriver en Afrique la Figo, présentée fin 2009 par le constructeur américain dans son usine indienne de Chennai. Sur ce créneau, les Indiens du groupe Tata sont en embuscade avec leur fameuse Nano, dont la commercialisation a tardé en raison des problèmes de rodage de la production. Le géant a prévu d’exporter la petite indienne à 1 800 euros (bien moins qu’une Logan à 8 000 euros) en 2011 au Nigeria et au Kenya et en 2012 en Afrique du Sud. Un véhicule d’un nouveau genre qui viendra concurrencer les « ultra-low cost », triporteurs ou mini-voitures à moins de 2 000 euros, des marques chinoises BYD, Motochima et Skygo, d’une qualité médiocre mais déjà présentes au Maghreb.
Petits prix, design agressif
L’Afrique subsaharienne était jusqu’à présent peu touchée par la « folie low cost ». « En Afrique subsaharienne francophone, 70 % des véhicules neufs vendus étaient des 4×4. Chez Renault, nous avons la Logan mais nous manquions d’une offre adaptée à ce segment tout-terrain qui représente la plus grosse partie du marché », explique Éric Rousseau, responsable des ventes du groupe français dans la région. Le lancement du 4×4 low cost Duster vient donc à point nommé pour la marque au losange : « Il a les mêmes caractéristiques que la Logan, à savoir un équipement de moindre coût, basique et solide, une électronique simplifiée et des pièces détachées simples et réparables », indique Éric Rousseau, enthousiaste, qui espère écouler 2 000 Duster sur sa zone.
Mais le constructeur français aura fort à faire. Car l’année 2009 a vu la progression spectaculaire des ventes des coréens Hyundai et Kia, positionnés à la fois sur des petits véhicules pour la ville comme les modèles Kia Cerato et Picanto, mais aussi et surtout sur des petits ou moyens 4×4 comme le Hyundai Tucson ou le Kia Sportage, qui se sont très bien vendus au sud du Sahara grâce à leurs petits prix et à un design plus agressif que celui de leurs concurrents européens. « En 2003, nous vendions seulement 13 000 véhicules en Afrique. En 2009, nous avons écoulé 70 000 voitures », affirme non sans fierté Tae-Jin Park, directeur Afrique de Kia. Une réussite due selon lui à un effort sur la qualité. « Notre réputation s’est accrue considérablement depuis cinq ans. Alors que prospecter était difficile au début des années 2000, aujourd’hui les revendeurs africains nous sollicitent d’eux-mêmes », se félicite M. Park, très optimiste pour l’avenir de ses véhicules sur le continent.
Crise ou pas, pour tous les constructeurs automobiles, l’Afrique demeure une destination rentable. « Les marchés européens et américains sont saturés, nous allons chercher la croissance ailleurs. On parle beaucoup des pays Bric [Brésil, Russie, Inde et Chine, NDLR] mais, pour nous, le continent africain recèle autant, voire plus, d’opportunités », relève Jean-Michel Juchet, porte-parole de BMW pour les pays émergents.
Construites localement
Signe de l’attraction du marché africain, malgré une baisse majeure de la production en 2009 (voir tableau), les constructeurs renforcent leurs capacités de production et installent désormais des usines automobiles complètes sur le continent (et pas simplement d’assemblage). Renault investit ainsi 600 millions d’euros dans sa future usine de Tanger, qui servira de plate-forme d’exportation vers l’Europe et les pays du Maghreb dès 2012. En Afrique du Sud, où l’industrie automobile est ancienne et développée, des grands constructeurs comme BMW, Volkswagen et Toyota augmentent les volumes de leurs usines. D’autres investissements, notamment asiatiques, suivront. Ce sont les pays qui offrent une demande intérieure dynamique et des accords de libre-échange avantageux pour l’export qui en profiteront. Un bel avenir en perspective pour l’automobile en Afrique.
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