L’Afrique du Sud passe à la vitesse supérieure

L’objectif affiché par Pretoria est ambitieux : doubler sa production d’ici à 2020, pour atteindre les 1,2 million de véhicules par an. Les principaux constructeurs mondiaux jouent le jeu.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 21 novembre 2011 Lecture : 5 minutes.

Et Ford n’est pas le seul à parier sur le pays, qui compte deux pôles automobiles, l’un à Port Elizabeth, l’autre à Pretoria. L’allemand Daimler va ainsi augmenter de 20 000 véhicules la production annuelle de ses installations d’East London, qui assemblent notamment la Mercedes Classe C. De son côté, Toyota produit toute sa gamme Hilux dans la plus grande usine du continent, à Durban, avec une capacité dopée en 2009 à 220 000 véhicules par an.

 

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Depuis 2009, Renault fabrique à Rosslyn (près de Pretoria) son modèle Sandero, aux côtés du pick-up NP200 de Nissan, tous deux conçus sur la base d’une Logan. Les deux groupes alliés comptent dépasser les 50 000 véhicules produits en 2012 en Afrique du Sud. Quant à BMW, Volkswagen et General Motors, qui y assemblent respectivement leurs séries 3, Polo Vivo et Chevrolet Spark, ils ont confirmé leur intention de se servir du pays comme base d’exportation vers l’Afrique, l’Europe et l’Asie.

Volontarisme

D’après la Naamsa, la puissante fédération des professionnels sud-africains de l’automobile, l’année 2011 aura été bonne. Fin décembre, les investissements dans le secteur auront atteint plus de 400 millions d’euros, et la production devrait avoisiner les 566 000 véhicules assemblés. Les usines sud-africaines ont fonctionné à 88 % de leurs capacités au troisième trimestre 2011, contre 77 % en 2010.

« C’est la politique volontariste du gouvernement qui a permis d’atteindre ces résultats, grâce à des plans coordonnés d’aide à l’investissement sans équivalent », estime Xavier Gobille, directeur général de Renault Afrique du Sud. Dès 1995 en effet, le programme de développement de l’industrie automobile (MIDP) a su relever, à coups de subventions à l’exportation, un secteur implanté depuis les années 1920 mais affaibli par le blocus économique pendant l’apartheid.

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« Ils ont compris au bon moment qu’ils ne pouvaient abandonner l’automobile, essentielle pour décoller industriellement. S’appuyant sur la Naamsa, organisation professionnelle bien structurée depuis cinquante ans, le gouvernement a su se mettre à l’écoute et adopter des mesures intelligentes », ajoute le patron de Renault dans le pays, admiratif de la concertation public-privé.

 Après le MIDP (1995-2009), Pretoria a lancé un second plan, le programme de production et de développement automobiles (APDP), qui doit être adopté d’ici à la fin de décembre par le Parlement. Joggie Mentz, directeur export de Nissan Afrique du Sud, participe aux discussions avec le gouvernement depuis 1997 : « Nous avons dû revoir notre copie, car le MIDP n’était pas en conformité avec les réglementations de l’Organisation mondiale du commerce. L’Australie, où nous exportions beaucoup, menaçait de porter plainte pour concurrence déloyale du fait de nos subventions. Entre 2007 et 2009, le gouvernement nous a sollicités pour élaborer une seconde mouture. Nous avons voulu favoriser la hausse des volumes de production et l’intégration de composants locaux, deux voies essentielles pour améliorer notre compétitivité. »

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« Carottes »

Objectif annoncé par les autorités : passer la barre des 1,2 million de véhicules produits dans le pays à l’horizon 2020. Avec l’APDP, les constructeurs ayant des usines d’une capacité de plus de 50 000 véhicules par an recevront une subvention annuelle, payée comptant, représentant 20 % de leurs investissements industriels, et une autre de 10 % supplémentaires si la production est certifiée conforme aux standards internationaux. Autre « carotte » pour les industriels : une aide étatique équivalente à 55 % de la valeur ajoutée localement pendant cinq ans.

 

« Avec l’APDP, le pays évite l’écueil des petites usines “tournevis”, effectuant juste un assemblage final de pièces importées et permettant à des industriels de récupérer des subventions du MIDP à peu de frais », estime Xavier Gobille. « Même si ces mesures n’entreront en vigueur qu’en 2013, elles donnent une vision à long terme rassurante. Grâce à elles, BMW et Volkswagen ont déjà amené leur équipementier Faurecia à investir. Ford a fait venir ses fournisseurs indiens pour le nouveau Ranger. Et, chez Nissan, nous prospectons pour élargir notre panel de fournisseurs locaux », complète Joggie Mentz. Selon lui, l’APDP aura, contrairement au MIDP, un vrai effet sur l’emploi : « Le MIDP nous a aidés à sauver notre industrie en dopant notre productivité : nous avons augmenté nos volumes [de 357 000 à 591 109 véhicules entre 2000 et 2010, NDLR], mais l’industrie a gardé à peu près le même nombre de salariés [environ 36 000]. Avec une plus grande intégration locale, nous devrions avancer de ce côté-là. »

Reste un point critique : la logistique interne. « Transnet et Portnet, opérateurs du rail et des ports, doivent faire des efforts importants pour fluidifier l’acheminement de marchandises et, surtout, diminuer leurs tarifs. Il nous coûte plus cher d’envoyer un véhicule de l’usine au port que du port jusqu’en Europe ! » s’insurge Joggie Mentz, qui trouve que les négociations avec ces deux entreprises publiques s’enlisent, du fait de leur position de monopole. De son côté, Xavier Gobille note que la fourniture d’électricité s’est améliorée : « La compagnie Eskom a beaucoup investi, nous n’avons pas connu de coupures depuis 2008. Même si les tarifs ont augmenté, l’électricité sud-africaine est encore l’une des moins chères au monde. »

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Pas encore low cost

Les coûts de production ont baissé, mais pas assez : « En 2010, ils étaient 10 % plus élevés qu’en Europe de l’Ouest ! » a regretté David Powels, président de la Naamsa, lors de la convention d’octobre dernier, inquiet après la hausse générale des salaires de 9 % enregistrée en 2011. « L’Afrique du Sud n’est pas low cost. Éloignée des grands pays consommateurs, elle ne fait pas encore le poids face à un pays comme le Mexique », juge Xavier Gobille, pour qui le gouvernement, encore peu endetté, doit continuer ses efforts dans les domaines des infrastructures et de la formation, mais aussi nouer de nouveaux accords de libre-échange, notamment en Afrique.

Il sera en effet impossible à l’Afrique du Sud d’atteindre les objectifs de l’APDP sans augmenter fortement les volumes exportés vers le continent, qui représentent aujourd’hui moins de 20 000 véhicules (principalement vers l’Algérie, la Zambie et le Zimbabwe). De fait, les industriels cherchent à mettre en place une logistique commune vers le Nigeria, la RD Congo et le Kenya pour baisser les coûts d’acheminement. Objectif : faire de la nation Arc-en-Ciel la base de la production automobile pour toute l’Afrique subsaharienne.

Le Maroc reste dans la course

Si les volumes sud-africains représentaient 80 % de la production automobile du continent en 2010, ses challengeurs égyptien (12 %) et – surtout marocain (8 %) mettent les bouchées doubles pour lui damer le pion. Dans son plan Émergence, le royaume chérifien aligne les mesures incitatives pour attirer constructeurs et équipementiers. En s’installant dans les zones franches dévolues à l’automobile de Tanger, Kenitra et Casablanca, les entreprises peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt pendant cinq ans et d’aides à l’installation à hauteur de 10 % de leurs investissements. Si le Maroc n’a pas encore le savoir-faire sud-africain, il bénéficie en revanche d’une main-d’œuvre moins chère et d’une proximité avec les marchés européen et maghrébin. Le démarrage de la grande usine de Renault Tanger, début 2012, sera scruté à la loupe. S’il se passe bien, d’autres industriels pourraient être tentés.
 

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