Salon du livre de Genève : les éditeurs tunisiens en colère contre leur gouvernement
Dans une lettre ouverte adressée vendredi à la ministre de la Culture tunisienne, une douzaine d’éditeurs dénoncent la gestion de la participation de leur pays au Salon du livre et de la presse de Genève qui aura lieu du 27 au 1er mai. Pour eux, cette participation ne reflète pas le thème de la révolution, retenue pour cette participation.
Du 27 au 1er mai, la Tunisie sera l’invitée d’honneur du Salon du livre et de la presse de Genève avec comme thème « les révélations de la révolution ». L’intention est louable et ce n’est pas l’événement en soi qui provoque une mini-polémique en Tunisie. En fait, tout est parti de la découverte, à la mi-avril, du programme officiel de la participation tunisienne à l’événement, dans lequel les thèmes du salon – à savoir le livre et le journalisme -, sont pratiquement absents au profit d’interventions centrées sur les arts plastiques, le cinéma et l’histoire.
Une « révélation » qui a secoué le petit monde des éditeurs privés, lesquels n’ont pas été invités par le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine à réfléchir à la préparation des contenus de l’événement ou à y participer, sauf s’ils déboursaient de leur poche les frais de voyage – alors même que la délégation tunisienne se composerait de près de 75 personnes : personnel du ministère, conférenciers, artistes, journalistes…
Il n’y a de révolution que le nom !
En réaction, une douzaine d’éditeurs ont adressé, vendredi 22 avril, une lettre ouverte à Sonia M’Barek, la ministre de la Culture, déplorant que « la Tunisie se présente au Salon du livre de Genève avec un profil étatiste, fait d’une suite d’institutions dépendantes du ministère qui ne représentent pas notre secteur ». Ils se demandent en quoi des interventions autour de la Constitution, du prix Nobel de la paix accordé au quartet tunisien, du centenaire du leader du mouvement féministe, Tahar Haddad, ou encore de l’abolition de l’esclavage, servent-ils le thème des « révélations de la révolution ».
« Mélange étonnant qui laisse croire que nous n’avons rien à présenter de pertinent, de nouveau et d’intelligent dans le secteur où l’on nous invite, celui justement du livre. Quel est en effet, le rapport au livre du film de Mohamed Ben Attia ? En quoi le projet ‘Sfax, capitale culturelle arabe 2016’ est-il en rapport avec le thème de cette invitation ? », déplorent les éditeurs dans leur lettre ouverte.
L’autre Tunisie
Sur 650 m², le stand mis à la disposition de la Tunisie par les organisateurs aurait pourtant été une opportunité pour présenter la mutation de la production éditoriale depuis la chute du régime de Ben Ali en 2011. Les éditeurs sont d’autant plus en colère qu’ils estiment que « ce salon n’est pas dédié au tourisme et qu’il revient aux auteurs et aux éditeurs de révéler cette autre Tunisie ». Une revendication légitime d’autant que les derniers ouvrages parus, pour ne citer que Promesse d’un printemps d’Aziz Krichen ou Ces nouveaux mots qui font la Tunisie d’Olfa Belhassine et Hédia Baraket, sont au cœur de la thématique promue par la Tunisie mais ne figurent pas au programme de la manifestation.
L’incident peut paraître minime au regard des difficultés que traverse la Tunisie, confrontée aux défis de sa transition démocratique. Mais il confirme que certaines mauvaises pratiques, en perdurant, nuisent à l’image du pays à l’étranger.
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