Nigeria : Amnesty accuse l’armée d’avoir tué plus de 350 militants chiites

Amnesty International soupçonne l’armée d’avoir tué délibérément 350 musulmans chiites à Zaria, mi-décembre, dans l’État de Kaduna (nord) et d’avoir tenté de dissimuler les preuves du carnage.

Le général Tukur Yusuf Buratai, chef d’état-major des armées nigérianes et Netsanet Belay, directeur d’Amnesty International pour la recherche et le plaidoyer en Afrique, au siège de l’armée à Abuja, le 18 février 2016. © AFP

Le général Tukur Yusuf Buratai, chef d’état-major des armées nigérianes et Netsanet Belay, directeur d’Amnesty International pour la recherche et le plaidoyer en Afrique, au siège de l’armée à Abuja, le 18 février 2016. © AFP

Publié le 22 avril 2016 Lecture : 3 minutes.

Dans un rapport publié le 22 avril et intitulé « Révélons la vérité sur les assassinats illégaux et la dissimulation de masse à Zaria », Amnesty International accuse l’armée nigériane d’avoir tué plus de 350 personnes entre le 12 et le 14 décembre 2015, à Zaria, à 270 km au nord de la capitale Abuja. L’ONG fonde ses révélations sur les témoignages de 92 personnes, dont des victimes, leurs proches et des témoins, recueillis sur place au mois de février 2016.

Que s’est-il passé à Zaria en décembre ?

Les 12 et 13 décembre, des affrontements ont éclaté entre des membres du Mouvement islamique du Nigeria (IMN) et l’armée nigériane à Zaria, fief du mouvement chiite. Le chef de l’IMN avait été grièvement blessé et beaucoup de militants tués, avait annoncé l’IMN le 14 décembre.

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L’armée nigériane maintient que des sympathisants du IMN avaient attaqué un convoi militaire dans le but d’assassiner le chef d’état-major, ce que nient les militants chiites. Des accusations sans fondements, estime Amnesty International et démenties par le groupe chiite. Selon l’ONG, des sympathisants de l’IMN, armés de matraques, de couteaux et de machettes, avaient refusé de lever un barrage routier à proximité de leur base, la Hussainiyya, pour laisser passer un convoi militaire.

Après un premier affrontement, l’armée aurait encerclé d’autres zones où des sympathisants du IMN s’étaient rassemblés, notamment le complexe où résidait le cheikh Ibrahim Zakzaky. Des centaines de personnes auraient alors été tuées par des tirs aveugles, d’autres délibérément prises pour cibles, rapporte Amnesty International.

Des blessés par balle brûlés vifs

« Nous portions nos uniformes scolaires. Mon amie Nusaiba Abdullahi a pris une balle dans le front. Nous l’avons emmenée dans une maison où ils soignaient les blessés mais elle est morte avant même notre arrivée », raconte Zainab, une écolière de seize ans. Un garçon de dix ans, blessé par balle à la jambe, raconte que son frère aîné a reçu une balle dans la tête alors qu’ils essayaient de fuir la zone.

Deux bâtiments du complexe d’Ibrahim Zakzaky ont été réquisitionnés pour y installer un centre médical et une morgue de fortune, avant d’être attaqués par des soldats. « Ceux qui étaient grièvement blessés et ne pouvaient pas fuir ont été brûlés vifs », a renchérit Yusuf, qui est arrivé à s’échapper malgré de graves blessures par balles.

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D’après le mouvement chiite, outre les morts, 350 personnes disparues manquent encore à l’appel

Dissimulation grossière des faits

Amnesty International accuse l’armée nigériane d’avoir tenté de façon grossière de détruire et de dissimuler les preuves du massacre, notamment en bouclant durant deux jours la zone qui entoure la morgue de l’hôpital universitaire d’Ahmadu Bello, situé à une quinzaine de kilomètre de Zaria, indique son personnel soignant. « Les corps ont été emmenés, le site rasé, les gravats déblayés, les traces de sang nettoyées, les balles et les douilles ôtées des rues », ajoute le rapport.

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Amnesty International a identifié et examiné les lieux d’un possible charnier près de Mando, dans l’État de Kaduna, à partir d’images satellites.

Une enquête a été ouverte

En janvier 2016, une commission d’enquête judiciaire a été établie par le gouvernement de l’État de Kaduna.

La semaine dernière, les déclarations de Muhammad Namadi Musa, directeur régional du Bureau interconfessionel de l’État de Kaduna,  ont corroboré ces informations. D’après ce haut responsable régional, les 347 corps avaient été récupérés à la morgue de l’hôpital et à un dépôt d’armes à Zaria, puis secrètement enterrés dans un charnier près de Manda, à quelques 200 kilomètres à l’ouest de Zaria, dans la nuit du 14 au 15 décembre.

Mais, d’après le mouvement chiite, 350 personnes disparues manquent encore à l’appel.

Poursuites engagés contre une cinquantaine de militants chiites

Selon la presse nigériane, le parquet a requis la peine de mort contre 50 des membres de l’IMN, accusés d’avoir tué un soldat lors du premier affrontement.

Leur cheikh Ibrahim Zakzaky avaient déjà été incarcéré à plusieurs reprises à cause de son combat pour créer un État islamique à l’iranienne. Au Nigeria, les chiites forment une petite minorité au sein de la communauté musulmane, essentiellement sunnite, qui y constitue la moitié de la population.

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