Enfin des routes

Longtemps stockés dans des cartons, les projets de construction et de rénovation des réseaux de communication prennent enfin corps. Le Congo retrouvera-t-il pour autant sa vocation de transit ?

Publié le 31 août 2011 Lecture : 7 minutes.

Redevenir la voie de transit privilégiée entre ses voisins enclavés d’Afrique centrale et le golfe de Guinée… Ce vieux rêve du Congo devrait enfin se concrétiser avec les chantiers d’infrastructures en cours. Avec, d’abord, sur l’océan, des infrastructures portuaires de qualité. À cet égard, le parc à conteneurs du port en eau profonde de Pointe-Noire, porte d’entrée du pays par la mer, est en cours d’extension et de modernisation.

En revanche, malgré des travaux de rénovation de son matériel roulant et de quelques-unes de ses voies, le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) ne sera pas performant de sitôt. Les 510 km de rail qui relient Brazzaville, la capitale, à Pointe-Noire, poumon économique du pays, sur l’Atlantique, sont pourtant la seule voie terrestre existante, pour le moment, entre les deux plus grandes villes du Congo.

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Faute d’avoir trouvé un acquéreur pour reprendre la concession, l’État s’est résolu, en attendant, à engager lui-même le programme de modernisation. Depuis 2007, il a investi quelque 40 milliards de F CFA (près de 61 millions d’euros) dans l’entreprise pour sa réhabilitation et son équipement.

Train d’enfer

Actuellement, la ligne n’est plus desservie que par un seul train, qui fait le trajet aller, puis retour. Aussi, le CFCO a privilégié le trafic de marchandises et réduit celui des passagers. Il a cependant commandé vingt-trois voitures de voyageurs à la Corée du Sud, afin de rééquiper deux rames, qui seront mises en exploitation avant la fin de l’année. Par ailleurs, des trains spéciaux vont être mis en circulation : l’un entre Brazzaville et la région du Pool, l’autre entre Pointe-Noire et le Mayombe.

Le CFCO prévoit d’assurer le transport de 1,3 million de voyageurs en 2012 et, compte tenu de la demande croissante des industriels et du développement des projets miniers, table sur un trafic de 1,65 million de tonnes de marchandises l’an prochain.

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Chemin de fer ou pas, le Congo a aussi besoin d’un bon réseau routier. L’accent a donc été mis sur ce dossier. « L’objectif est de relier le sud et le nord du pays par deux grands axes, l’un situé à l’est et l’autre à l’ouest, explique Michel Niama, conseiller du ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire. De part et d’autre de ces axes, des transversales feront la jonction avec les pays voisins. C’est ce que prévoit le plan national des transports. »

Activité à plein régime pour les acteurs de la construction

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Les chantiers (bitumage et aménagement de routes) mobilisent divers acteurs. À commencer par les entreprises de BTP, de toutes nationalités, dont la China National Machinery and Equipment Import and Export Corporation (CMEC), la China Road and Bridge Corporation (CRBC), ou encore, le brésilien Andrade Gutierrez. Ils impliquent également des forestiers et des miniers, qui y participent en termes de financements mais aussi, pour certains, de conception et de réalisation, ces voies de communication étant indispensables à leurs activités.

Formée des routes nationales 1 et 2, la dorsale est, la plus avancée, reliera Pointe-Noire à Ouesso (chef-lieu du département de la Sangha) via Brazzaville. Pour l’heure, seule la RN 2, qui va de la capitale à Ouesso, en passant par Oyo et Owando, est praticable. Ou presque. La réhabilitation, en cours, des tronçons dégradés, en particulier Ouesso-Yengo et Gamboma-Ollombo, et la construction du pont sur la rivière Mambili permettront de fluidifier le trafic le long de cette nationale qui s’étend sur plus de plus de 1 000 km.

Vecteur de l’intégration sous-régionale, la jonction d’Ouesso avec la ville camerounaise de Sangmélima, un projet du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), n’est plus qu’une question de mois, la rénovation de la route Ketta-Sembé-Souanké ayant été lancée. Un soulagement pour les forestiers et les miniers qui opèrent dans ces zones. Et l’opportunité pour Ouesso, porte d’entrée vers le Cameroun et la Centrafrique, de redynamiser ses activités.

La jonction nord-sud via la dorsale est ne sera quant à elle effective que lorsque la RN 1, entre Pointe-Noire et Brazzaville, sera réalisée. Un pari en voie d’être gagné puisque le tronçon de 190 km entre Pointe-Noire et Dolisie (lire p. 97), confié à la CMEC, devrait être achevé fin 2011. C’est le plus complexe à réaliser, puisqu’il traverse le massif du Mayombe. Tout juste engagés, les travaux du tronçon Dolisie-Brazzaville, soit environ 300 km, devraient, pour leur part, être bouclés en 2013.

Far West

L’axe ouest est beaucoup moins avancé. Son tracé passe par Pointe-Noire, Dolisie, Loudima, Sibiti, Zanaga, Lékana, Oboyo, Ewo, Kéllé et Mbomo pour atteindre Sembé, dans la Sangha. Un axe d’autant plus important qu’il traverse des départements enclavés, dont la Cuvette-Ouest, où d’importants projets miniers sont en développement. Sa réalisation assurera la jonction entre le nord et le sud du pays, jamais réalisée dans la partie ouest du Congo. Au passage, il favorisera la connexion avec le Gabon.

Le premier jalon de cette jonction est déjà posé. « Le bitumage du tronçon Loudima-Sibiti est achevé et celui de la route Sibiti-Zanaga est en cours », indique Michel Niama. Également lancés, les travaux de l’axe Zanaga-Kébara-Lékana se poursuivront jusqu’à Okoyo.

Si la liaison Okoyo-Sembé n’est pas pour demain, en revanche, le bitumage, bien avancé, de la route Obouya-Boundji-Okoyo-Léketi, permettra de connecter la RN 2 à la frontière du Gabon et, de là, de gagner Franceville. De même, la réhabilitation des tronçons Boundji-Ewo et Makoua-Etoumbi dans la Cuvette-Ouest mettra le pays voisin à portée de main.

Divers autres chantiers ont été réalisés ou lancés. Notamment dans la Likouala, une région en partie occupée par la forêt inondée, mais traversée par la rivière Oubangui, qui se jette plus au sud dans le fleuve Congo : une voie royale pour les échanges avec l’hinterland congolais et les pays voisins, à condition de réhabiliter les ports fluviaux, en mauvais état.

Un pont sur le Fleuve

Pour mériter son titre de pays de transit, il reste au Congo à réaliser une connexion digne de ce nom avec le grand voisin qu’est la RD Congo. Les choses sont en bonne voie avec le projet de « route-pont-rail », dont Brazzaville assure la direction. Le volet routier est acquis avec la RN 1. Assuré par la Banque africaine de développement (BAD), le financement du pont sur le fleuve Congo est bouclé.

Où sera-t-il situé ? « Le lieu n’est pas encore défini avec précision, mais ce sera en aval de la capitale, à environ 30 km au sud de l’île du Diable, précise Michel Niama. Ce pont sera relié à la RN 1 par une bretelle. Un port sec de 1 000 à 2 000 ha, destiné à stocker des marchandises, sera construit à l’intersection de la RN 1 et du CFCO. De là on pourra se rendre à Pointe-Noire, Brazzaville ou directement à Ouesso. » Car, cerise sur le gâteau, un périphérique est prévu ; contournant la capitale par le nord, il rattrapera la RN 2 à hauteur de Kintélé.

Des chantiers prometteurs, et à réaliser au plus vite. Car les projets de hub portuaire (à Malabo, en Guinée équatoriale, à Kribi, au Cameroun, à Moanda-Banana, en RD Congo) et de plateformes routières et intermodales ne manquent pas dans la sous-région. 

Questions à Jean-Jacques Bouya,Ministre délégué, délégué général aux Grands Travaux

Jeune Afrique : La municipalisation accélérée n’est-elle pas un échec, quand on constate que nombre de chantiers engagés depuis plusieurs années restent inachevés ?

Jean-Jacques Bouya : Le phénomène que vous évoquez a été observé lors des premières expériences de municipalisation, même si c’était sous une forme bien différente. L’achèvement de quelques projets avait connu des lenteurs, car ces processus [de municipalisation et de modernisation des infrastructures, NDLR] ont été lancés presque simultanément.

La mise en œuvre de certains chantiers a été confrontée, au début, à l’insuffisance des crédits. Quant aux travaux inachevés du fait de l’entrepreneur, toutes les sociétés qui se sont retrouvées dans cette situation ont vu leurs contrats annulés. Les modalités de passation des marchés publics, à l’époque, profitaient à des opérateurs économiques peu fiables. Depuis, le code des marchés publics a été réformé avec l’appui de nos partenaires pour le développement, comme la Banque mondiale. Il y a plus de rigueur, l’appel d’offres est devenu systématique. Et, par exemple, aucun marché ne peut désormais être attribué à un adjudicataire sans qu’il ait versé une caution en guise de garantie. Heureusement, dans l’ensemble, plus de 80 % de l’investissement consenti a produit les effets escomptés.

Les entrepreneurs indélicats ont-ils été poursuivis en justice ?

La première sanction a été le retrait systématique des marchés aux opérateurs dont la défaillance a été dûment constatée. Ensuite, quand tous les éléments du dossier sont réunis et renseignent sur les facteurs qui ont généré les faits décriés, l’affaire est soumise aux services compétents.

Pourquoi avoir décidé de construire une route nationale entre Brazzaville et Pointe-Noire plutôt qu’une autoroute ?

Dans le cas de la route Pointe-Noire-Brazzaville, il s’agit d’une route lourde de quatre voies, c’est-à-dire deux fois deux voies. Ces quatre voies sont calibrées pour supporter un trafic de 3 000 véhicules par jour. Cette route nationale est classée dans la catégorie des voies rapides et ses dimensions peuvent être agrandies en fonction du trafic. Cela pourrait aller jusqu’à six voies.

Il faut aussi souligner que le premier tronçon, entre Pointe-Noire et Dolisie, sera achevé fin 2011-début 2012. Le deuxième tronçon, Dolisie-Brazzaville, a déjà démarré, au grand bonheur des Congolais, qui voient ce vieux projet passer enfin du rêve à la réalité.

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Propos receuillis par Tshitenge Lubabu M.K

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