Brésil : Embraer, l’avionneur qui mise sur l’Afrique
À la recherche de relais de croissance, le constructeur brésilien cible le marché africain. Pour ce spécialiste des appareils de petite et moyenne capacité, le lancement de nouvelles compagnies et l’essor du trafic de passagers sont autant d’opportunités.
Un potentiel unique
L’avionneur, qui organise déjà chaque année des événements de ce type (sept en tout) sur ses principaux marchés en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, entend par cette première sur le continent développer une « connaissance plus approfondie de ce marché », explique Mathieu Duquesnoy, le vice-président chargé de l’aviation civile pour l’Afrique et le Moyen-Orient.
« Il est clair, poursuit-il, que l’Afrique dispose aujourd’hui d’un potentiel inégalable dans le monde. » Selon les prévisions du groupe, la demande concernant le trafic passagers devrait augmenter de plus de 5,4 % par an sur le continent au cours des vingt prochaines années.
Le troisième avionneur mondial
Créé en août 1969, le constructeur brésilien a un an de plus que l’européen Airbus. Mais c’est vers la fin des années 1990, avec le succès de ses appareils régionaux en Amérique du Nord et en Europe, qu’il s’est réellement développé, pour devenir en 2006 le troisième groupe aéronautique mondial, derrière Airbus et Boeing.
Avec plus de 240 avions livrés en 2010 et 16 milliards de dollars (11 milliards d’euros) de commandes en cours, Embraer est aussi l’un des principaux exportateurs du Brésil. Le constructeur emploie plus de 17 000 salariés dans six pays pour un chiffre d’affaires de 5,35 milliards de dollars en 2010. Il compte six clients africains (Egyptair Express, South African Express, Kenya Airways, Air Nigeria, Air Namibia et le mozambicain LAM). Parmi les actionnaires du groupe, privatisé au milieu des années 1990 et coté sur les marchés de New York et de São Paulo, le fonds de pension brésilien Previ (plus de 80 milliards de dollars d’actifs gérés) détient 11,1 % du capital, et le sud-africain Oppenheimer Funds 8,7 %.
Suivant l’exemple des transporteurs et avionneurs occidentaux, Embraer se lance donc, à son tour, à la conquête du ciel africain, véritable relais de croissance pour l’ensemble de l’industrie, mais encore largement dominé par des groupes tels qu’Airbus, Boeing, ATR et Bombardier. Et pour mieux affiner sa stratégie commerciale dans cette région, le groupe s’est même réorganisé en dissociant, en 2010, la zone Afrique et Moyen-Orient de sa direction Europe.
Alors qu’environ 150 appareils Embraer sillonnent déjà le ciel du continent, le constructeur de biréacteurs régionaux compte doubler ce chiffre dans les vingt prochaines années – il estime qu’un peu plus de 200 avions régionaux pourraient être vendus durant cette période. Embraer fonde ses prévisions sur plusieurs facteurs. D’abord, la flotte opérée sur le continent est vieillissante, avec une moyenne d’âge supérieure à 14 ans, et nécessitera d’être renouvelée au cours des prochaines années.
200, c’est le nombre d’avions régionaux qui seront vendus sur le continent en vingt ans selon Embraer
Low-cost
Le brésilien, qui a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 5 milliards de dollars (3,5 milliards d’euros) en 2010, mise ensuite sur le développement du transport régional en Afrique. « Avec le développement d’une classe moyenne qui voyage de plus en plus, la demande va considérablement croître », confirme le représentant d’une compagnie occidentale en Afrique de l’Ouest. D’ailleurs, Kenya Airways – le premier client d’Embraer en Afrique subsaharienne, avec huit avions en activité et quinze en commande – vient d’annoncer la création d’une filiale low cost qui s’appellera Jambo Jet. De nouvelles compagnies aériennes régionales naissent également en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale (Asky Airlines, Sénégal Airlines, Air Cemac…) et pourront recourir à des appareils de plus petite taille pour développer leur réseau.
Enfin, une étude réalisée par le constructeur brésilien montre que les avions de 70 à 120 places, comme ceux qu’il propose, conviendraient à 38 % des liaisons continentales. Et que 86 % des vols reliant deux destinations africaines comptent moins de 110 passagers. Le taux de remplissage sur le continent figure parmi les plus faibles du monde (environ 60 %). Autant de facteurs favorables à Embraer, dont la clientèle est composée à 70 % de compagnies régionales et low cost.
Le brésilien voit ainsi poindre des opportunités pour ses avions régionaux (gamme ERJ, avec des capacités allant de 37 à 50 places), dont le succès notamment en Europe et en Amérique du Nord a favorisé l’essor dans les années 1990. « La pénétration de ce type d’appareils sur les marchés matures étant aujourd’hui limitée, on voit apparaître en Afrique un certain nombre d’opportunités qui émergent grâce à des appareils de seconde main, un petit peu moins chers. » Par l’intermédiaire du loueur ECC Leasing Company Limited (détenu à 100 % par Embraer), Air Namibia a par exemple racheté à la filiale d’Air France, Régional, trois ERJ 135 pour développer son réseau domestique et régional. Le transporteur envisagerait d’acquérir d’autres appareils du même type.
Avec le développement d’une classe moyenne qui voyage de plus en plus, la demande va croître fortement.
Outre les ERJ, l’avionneur a développé la famille des E-Jets, composée de quatre appareils de 70 à 120 places et qui représente aujourd’hui l’essentiel de son activité d’aviation civile, avec une soixantaine de compagnies aériennes clientes à travers le monde. Lancée en 1999 au salon du Bourget, cette gamme a l’avantage d’exiger pour tous ses avions les mêmes pièces détachées ainsi que la même qualification pour les pilotes et les ingénieurs. Les E-Jets ont, selon la direction du groupe brésilien, contribué à l’essor du transport régional dans les pays émergents du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud-Est. Un modèle qui pourrait être dupliqué en Afrique.
Diversifier ses activités
Reste qu’Embraer devra compter avec la concurrence, constituée, entre autres, du canadien Bombardier, de l’européen ATR mais aussi du russe Sukhoï. Bombardier, son concurrent direct, notamment sur les avions d’affaires et régionaux, a d’ailleurs annoncé pour 2013 un nouveau type d’appareils, les CSeries, dont la capacité ira de 100 à 149 places.
Mais pour avancer ses pions sur le continent, le brésilien compte sur la variété de ses activités. Ainsi, au-delà de l’aviation commerciale, qui représente 61 % de ses revenus, il souhaite aussi s’imposer dans les secteurs de la défense (12 %) et de l’aviation d’affaires (10 %)… Dans cette dernière catégorie, Embraer a signé en mai un accord de partenariat avec Barbedos Group, spécialiste nigérian de location d’avions d’affaires. Dans le domaine de la défense, il a récemment réussi à vendre trois de ses appareils au Ghana. Montant du contrat : plus de 105 millions de dollars pour les avions et leur système de logistique. Mais plus que sa stratégie commerciale, c’est probablement l’engouement des pays africains pour les produits fabriqués dans des pays émergents qui jouera en faveur de l’avionneur brésilien.
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