Ce pape est une bénédiction
Étonnant pontife que ce Jorge Bergoglio !
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 25 avril 2016 Lecture : 2 minutes.
Guide de 1,2 milliard de catholiques à travers le monde et chef d’un État confetti de moins de 1 km2, le pape François a visité le 16 avril un camp de réfugiés sur l’île de Lesbos, en Grèce, porte d’entrée de la forteresse Europe pour les hommes, femmes et enfants fuyant la Syrie ou l’Irak. En juillet 2013, il s’était déjà rendu à Lampedusa, où il avait fustigé la « mondialisation de l’indifférence » après la mort de centaines de naufragés. À Lesbos, il a jeté une couronne de fleurs dans la mer Égée, où ont péri d’innombrables migrants venus d’Afrique ou du Moyen-Orient.
À ses yeux, ces nouveaux damnés de la Terre ne sont pas seulement « des numéros », mais « des personnes, des visages, des noms, des histoires ». Mieux, il a pris avec lui dans l’A320 d’Alitalia qui le ramenait à Rome trois familles syriennes, soit douze personnes, dont six enfants. Musulmanes, précisons-le. Premier pape non européen de l’Histoire, François renvoie le Vieux Continent, qui préfère porter des œillères et ériger des murs que prendre le problème à bras-le-corps, à ses errements et à la perte de ses valeurs. Son geste a pris tout le monde de court. Ce n’est pas la première fois. Depuis son élection, il s’évertue à faire reculer les barrières, à faire sauter les digues de notre monde si mal en point. Sans relâche, il dénonce le capitalisme sauvage, le consumérisme effréné, l’exclusion des plus faibles et la montée de tous les égoïsmes.
Jamais il n’hésite à enfreindre les codes si cela sert une juste cause
Fils d’immigrés italiens qui quittèrent leur village du Piémont pour l’Argentine en 1929, le successeur de Benoît XVI est un homme rare et fascinant. Simple, humble, drôle, spontané et accessible. Un homme qui vit avec son temps – il consulte ses mails, twitte et utilise son portable pour joindre ses interlocuteurs -, regarde l’avenir avec gourmandise sans renier le passé. Jamais il n’hésite à enfreindre les codes si cela sert une juste cause. Il est capable, entre autres, d’inviter Mahmoud Abbas et Shimon Peres à prier ensemble au Vatican, de morigéner Donald Trump pour ses dérapages xénophobes, de se rendre à la grande mosquée du quartier PK5, à Bangui, pour exhorter chrétiens et musulmans à la paix, ou d’œuvrer à la réconciliation entre les États-Unis et Cuba. Ce pape est une bénédiction.
En ces temps troublés où, par peur, ignorance, réflexe ou bêtise, chacun est tenté par le repli sur soi, il montre qu’une autre voie est possible, il nous engage à rejeter la vision du monde étriquée que tentent d’imposer les nouveaux populistes qui essaiment sur tous les continents. Il révolutionne sa fonction et réveille une Église qu’on croyait en déclin, austère, rigide, engluée dans les scandales et peu en phase avec le monde. Mais ses paroles comme ses actes portent bien au-delà de la communauté catholique. Sur toutes les grandes questions du moment – richesse et pauvreté, mondialisation, modernité, dérives du pouvoir, équité, justice, rôle de la femme ou environnement -, il montre l’exemple et le chemin à tous. Bref, il est une source d’inspiration. Qu’il en soit remercié.
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