Pétrole : l’Ouganda privilégie le choix de Total pour son pipeline
C’est finalement par la Tanzanie que transitera le pétrole ougandais pour atteindre l’océan Indien. Ce tracé, privilégié par le géant français des hydrocarbures Total, était contesté par le britannique Tullow, qui préférait un transit via le Kenya, où il compte également des actifs pétroliers.
L’Ouganda a choisi de faire transiter sa future production de pétrole brut par un oléoduc traversant la Tanzanie, écartant ainsi un projet concurrent porté par le Kenya, ont annoncé les autorités de Kampala, le samedi 23 avril.
« Nous nous sommes mis d’accord sur le fait que l’oléoduc serait construit depuis Hoima en Ouganda jusqu’au port de Tanga », sur l’océan Indien, dans le nord de la Tanzanie, a annoncé samedi à l’AFP le ministre ougandais des Affaires étrangères Sam Kutesa, à l’issue d’un mini-sommet régional près de Kampala.
Cette décision vient clore plusieurs années de tractations et de rebondissements entre l’Ouganda, la Tanzanie, le Kenya et les sociétés pétrolières impliquées, notamment le français Total et le chinois CNOOC.
Tout commence en 2006 lorsque sont mises au jour d’importantes réserves pétrolières en Ouganda, sur les rives du lac Albert (ouest). À présent estimées à 1,7 milliard de barils au bas mot, ces réserves donnent lieu en 2009 à un accord par lequel le gouvernement ougandais attribue à Total, CNOOC et au britannique Tullow chacun un tiers des droits d’exploitation.
Rapidement se pose la question de l’exportation du brut ougandais via un port de la façade est du continent, sur l’océan Indien.
Ce sont les Kényans qui semblent d’abord tenir la corde : dans le cadre d’un vaste programme de développement du pays présenté en 2008, baptisé Kenya Vision 2030 et visant à faire entrer le Kenya d’ici 2030 dans la catégorie des pays « à revenu intermédiaire », Nairobi présente un important projet d’infrastructures dans le nord du pays, avec une dimension régionale.
Évalué à au moins 18 milliards d’euros – les estimations ont fluctué dans le temps – le projet « Lapsset » ambitionne de connecter des oléoducs pour transporter le brut éthiopien, sud-soudanais, kényan et ougandais jusqu’au port entièrement à construire à Lamu, dans le nord de la côte kényane. Le projet s’accompagne également d’importantes infrastructures de transport (aéroports, routes et lignes ferroviaires).
Mais les compagnies pétrolières impliquées dans le projet ougandais expriment leur préférence pour un deuxième tracé, toujours au Kenya mais plus au sud, avec pour destination finale le grand port de Mombasa (sud-est).
Ce tracé est moins cher, environ 4,3 milliards de dollars (4,1 milliards d’euros) contre 4,7 milliards de dollars pour l’option nord. Mais il ne rentre pas dans les plans du gouvernement kényan qui, avec son projet Lapsset, entend développer la partie nord du pays, historiquement marginalisée et sous-développée.
Menace terroriste
L’Ouganda semble aussi préférer la solution Mombasa, mais le Kenya insiste sur le tracé nord par Lamu et s’ensuit un blocage politique qui va contribuer à l’émergence d’une troisième option, tanzanienne cette fois.
C’est ce tracé qui a finalement été adopté samedi, faisant courir l’oléoduc sur 1 400 km au sud du lac Victoria puis à travers la Tanzanie jusqu’au port de Tanga.
Plusieurs raisons expliquent ce choix. « On a pris en compte le fait que l’oléoduc jusqu’à Tanga était, entre autres aspects, le moins coûteux », a expliqué samedi à l’AFP M. Kutesa.
En outre, selon un rapport d’experts ougandais en date du 11 avril et dont l’AFP a obtenu copie, « le port de Tanga en Tanzanie est pleinement opérationnel tandis que celui de Lamu au Kenya doit encore être construit ».
Les experts mettent également en avant le fait que le port de Tanga est protégé des vents par plusieurs îles au large, ce qui n’est pas le cas de Lamu, faisant craindre des risques pour la navigation de tankers pétroliers aux abords du futur port kényan.
Plusieurs autres obstacles majeurs ont semble-t-il plombé le projet kényan : le tracé envisagé de l’oléoduc traverse des régions proches de la frontière somalienne, exposant l’installation à de possibles attaques des islamistes shebab somaliens.
Les Ougandais se sont également inquiétés des risques bien réels de litiges fonciers au Kenya sur les terres empruntées par l’oléoduc.
De même, le tracé tanzanien offre l’avantage d’être relativement plat tandis que le projet kényan prévoyait un dénivelé en descente d’environ 1.000 mètres sur le parcours, imposant de lourdes contraintes techniques pour la construction et l’entretien de l’ouvrage.
De sources concordantes, l’exploitation du pétrole ougandais dans le bassin du lac Albert ne devrait pas débuter avant 2025.
Quant au Kenya, la présidence a annoncé samedi qu’elle poursuivra son projet Lapsset et construira tout de même un oléoduc pour son propre brut, malgré le revers de Kampala.
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