Tim O’Hanlon : « Tullow Oil investira 2,5 milliards de dollars sur le continent »

À 50 ans, le Monsieur Afrique de la « petite » compagnie pétrolière britannique est en quête de partenaires après une série de découvertes en Ouganda et au Ghana. Ambition affichée : tenir tête aux majors.

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Publié le 2 février 2010 Lecture : 4 minutes.

Tim O’Hanlon : Plusieurs facteurs sont à prendre en compte, notamment celui des ressources humaines. En effet, il n’y a pas eu d’afflux d’ingénieurs dans le secteur ces dernières années et la moyenne d’âge reste assez élevée. Et cela devrait durer encore quelque temps. Face à cette pénurie, les grandes compagnies, qui sont obligées d’alimenter les niveaux de leurs réserves par d’importantes découvertes tous les ans, sont contraintes de mobiliser leurs effectifs à cette fin. De fait, elles se concentrent sur des projets économiquement rentables. Elles ne prennent pas le risque de se lancer dans le type d’exploration menée par Tullow Oil en Ouganda et au Ghana. De plus, les technologies accessibles avec un diplôme de géophysicien permettent avec un peu d’argent d’être aussi bon en exploration qu’ExxonMobil. Tous ces facteurs rendent le marché très favorable pour des compagnies comme la nôtre. Il existe désormais pour elles de nombreuses niches devenues non rentables pour les majors, parce que trop risquées. Les grandes compagnies y reviennent une fois que les juniors ont fait d’importantes découvertes, qu’elles ont éliminé les risques ou les ont réduits.

Comme ce qui se passe en Ouganda, avec la tentative de l’italien ENI de racheter les parts de Heritage ?

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Tout à fait ! Quand j’ai eu connaissance du projet ougandais, il y a six ou sept ans, j’ai été immédiatement intéressé, parce que c’est ce que recherche Tullow Oil. Les compagnies et les investisseurs trouvaient cela démentiel. Comment arriverez-vous à sortir du pétrole d’un pays enclavé ? Les quantités commercialisables seront-elles suffisantes ? Et l’instabilité politique, en tenez-vous compte ? C’était la même chose au Ghana, lorsque le projet d’exploration de Mahogany avait été présenté à la direction de Tullow Oil ; il avait 12 % de chances de réussir pour un investissement de 40 millions de dollars. J’en connais plus d’un qui aurait dit : « Non merci ! » Pourtant, c’est la règle du jeu. Il faut prendre des risques pour parvenir à des découvertes. Aujourd’hui, ExxonMobil est candidat pour racheter les parts de Kosmos Energy au Ghana. Et comme vous l’avez remarqué, en Ouganda, l’italien ENI s’est positionné pour racheter les actifs de Heritage.

Dans cette période difficile, avez-vous pu lever les fonds suffisants ?

Nous n’avons pas eu de problème à ce sujet en 2009. Au plus fort de la récession, en janvier, nous avons obtenu une ligne de crédits de près de deux milliards de dollars auprès d’un consortium de banques. Nous avons aussi réussi à lever près de 600 millions de dollars sur les marchés de capitaux. Au total, nous disposons de plus de 2,5 milliards de dollars que nous allons investir dans nos projets sur le continent. Cela démontre que les marchés financiers ne sont jamais fermés pour les projets en Afrique, surtout pour les bons projets. Nous disposons donc de moyens financiers suffisants pour lancer la production. Et les prix du pétrole nous sont favorables…

Quand sortiront les premiers barils de pétrole au Ghana ?

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Avant la fin de l’année. La première phase de production atteindra rapidement son plus haut niveau, à 120 000 barils par jour. Plusieurs étapes doivent ensuite permettre au puits Jubilee d’atteindre son plateau à 250 000 barils par jour.

C’est un niveau de production très élevé pour ce pays…

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Oui ! C’est un gisement assez important, avec une réserve estimée, aujourd’hui, à 1,2 milliard de barils. Pour cette quantité, le niveau de production économiquement optimal est de 250 000 barils par jour, au moins. Autrement, le champ n’est pas rentable. La technologie que nous utilisons est par ailleurs assez répandue en Afrique de l’Ouest. Elle nous a permis de gagner un temps considérable. Nous avons ramené à trois ans le délai entre la date de la découverte et le début de la production. Au lieu de cinq à sept ans normalement.

Qui sont vos partenaires techniques dans cet investissement ?

Au Ghana, nous avons une coentreprise avec les juniors Anadarko et Kosmos Energy ainsi que la Ghana National Petroleum Company (GNPC). Il s’agit d’un joint-venture différent des modèles traditionnels, dans lesquels les plus grandes compagnies, ou les plus anciennes, prennent les devants des opérations et les autres restent dans l’ombre. Nous avons choisi les meilleurs talents de chacune de ces entreprises, nous les avons mis en équipe pour les travaux d’exploration, d’évaluation et enfin de développement. Tullow Oil est l’interface de cette coopération. Nous servons de lien entre les actionnaires et le gouvernement ghanéen.

Avez-vous l’impression que le gouvernement ghanéen veut s’impliquer davantage dans la production ?

La GNPC est la principale compagnie du Ghana. Elle a l’ambition de croître et elle le peut. Nous allons lui fournir toute l’aide possible pour qu’elle devienne une compagnie solide et moderne, avec tous les équipements nécessaires mais aussi un personnel bien qualifié. Les Ghanéens veulent plus de parts dans ce champ, c’est légitime. Le processus de cession des actifs de Kosmos les intéresse, notamment pour cette raison. Tullow n’a aucune objection à ce qu’ils augmentent leur participation. Au contraire, nous l’encourageons.

Et vous, envisagez-vous de céder vos actifs au Ghana et de quitter le pays ?

Absolument pas ! Depuis vingt-cinq ans, notre objectif est de grandir. La démarche qui consiste à revendre ses actifs une fois que les découvertes sont faites ne nous aurait pas permis d’atteindre notre taille actuelle. C’est pourquoi nous n’y pensons même pas. Nous avons une stratégie de défense vis-à-vis des majors et nous voulons faire, dans cinq, dix ou quinze ans, ce que nous faisons aujourd’hui, mais à une échelle beaucoup plus grande.

 

Rêvez-vous d’être une major ?

Évidemment ! Certaines juniors finissent toujours par revendre leurs actifs aux grandes compagnies. C’est souvent leur stratégie. Au Ghana, Kosmos Energy n’a jamais caché son intention et nous respectons cela. C’est une bonne solution, mais elle n’est pas la nôtre. Notre business plan est différent. Dans certains cas, comme en Ouganda, nous pouvons céder une partie de nos actifs mais pas la totalité.

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