Distribution : Shell sort du silence

Xavier Le Mintier, vice-président de Shell Oil Products Africa, explique à « Jeune Afrique » pourquoi et comment le pétrolier compte se séparer de 1 500 stations-service sur le continent.

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 23 juin 2010 Lecture : 3 minutes.

Le groupe anglo-néerlandais Shell a besoin de rassurer ses 2 661 salariés après l’annonce, le 1er avril, de sa décision de céder ses activités de distribution dans 21 pays d’Afrique*. Seule l’Afrique du Sud échappe – partiellement – à ce vaste désengagement. La rumeur enflait depuis des mois.

« Nous avons pourtant cherché à jouer la transparence », assure Xavier Le Mintier, vice-président de Shell Oil Products Africa (Sopaf), chargé du secteur de la distribution et du raffinage en Afrique. Depuis janvier dernier, et alors que « nous n’avions encore rien décidé », assure-t-il, le groupe vit au rythme des sit-in et des grèves, parfois coordonnées sur tout le continent grâce à internet et aux réseaux sociaux : Shell se trouve au centre du premier mouvement syndical panafricain. La dernière grève a eu lieu le 4 juin à Dakar, « parce qu’on ne connaît pas les conditions du départ de Shell », justifie un syndicaliste.

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Une estimation à deux milliards d’euros

C’est pour essayer de « rétablir un certain nombre de vérités » que le dirigeant a souhaité s’exprimer, même s’il affirme « ne pas avoir encore toutes les réponses ». Comme sur l’identité des repreneurs. Les candidats « ont été nombreux, et nous avons écarté ceux qui n’assuraient pas la continuité du business et de l’emploi. Nous sommes toujours en phase de négociations ».

Quant aux noms qui circulent, ceux d’Oil Libya ou du sud-africain Engen, « c’est parce que ces deux-là ont fait partie de la dernière opération, en 2007 [le groupe avait procédé à la vente d’actifs dans 13 pays, NDLR] », rappelle le dirigeant, sans être plus précis ni écarter la piste d’un candidat asiatique. « Nous cherchons un ou deux acheteurs intéressés par l’Afrique, qui connaissent le marché et sont capables d’acquérir l’ensemble ou quasiment l’ensemble du portefeuille. » Ce qui limite les prétendants, puisque Shell est le second acteur africain dans ce domaine derrière Total.

Discrétion identique sur le prix. « Cela donnerait trop d’indications aux postulants », se défausse Xavier Le Mintier. Des estimations parlent de 1,4 milliard à 2 milliards d’euros… Oil Libya en aurait d’ailleurs proposé 2 milliards. « Pure spéculation », se défend Shell. Alors patience. L’acquéreur sera connu fin 2010. Et « le deal pourrait être conclu au premier semestre 2011 », annonce le vice-président de Sopaf. C’est ce qu’il expliquait d’ailleurs dans un courrier envoyé au personnel en mai : « Nous procéderons à une transaction par la vente des actions détenues dans les sociétés locales. »

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Décision stratégique

Xavier Le Mintier précise que « contrairement à la vente par actifs, qui aurait automatiquement cassé tous les contrats [salariés, fournisseurs, etc., NDLR], il n’y a là qu’un changement d’actionnaires, les relations contractuelles ne bougent pas ». De cette manière, souligne-t-il, le personnel est assuré, par exemple, de conserver sa convention collective jusqu’à une nouvelle négociation avec le repreneur. Et pour faire passer un avenir qui s’annonce moins radieux et réduire le risque d’un dérapage social, Shell fait un geste. « D’ici à la fin de juillet, nous communiquerons le détail du bonus qui sera distribué à l’ensemble des salariés qui ne bloquent pas la transition », indique Xavier Le Mintier, qui dément que le montant en sera fixé sur des critères de rentabilité.

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Reste à comprendre les motivations du groupe à se séparer d’environ 1 500 stations-service, alors même que le dirigeant affirme que le portefeuille « a été optimisé, est bien géré, profitable et résilient, car il croît malgré la crise ». Alors ? « Il s’agit d’une décision stratégique, le groupe souhaite mobiliser ses capitaux dans l’amont [exploration et production, NDLR] et sur un nombre réduit de marchés aval [raffinage et distribution, NDLR]. » En 2009, le groupe a affiché un bénéfice considérable de 10,4 milliards d’euros, et en a investi 25,8 milliards… « Il faut bien trouver la différence », répond la major. Tout est dit. « Vous en savez autant que moi », assure l’intéressé. Ou presque…

* Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Ghana, Togo, Sénégal, Mali, Guinée, Cap Vert, Kenya, Ouganda, Tanzanie, Botswana, Namibie, Madagascar, Maurice et La Réunion, et les activités GPL en Afrique du Sud.

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