Burundi : la crise et les sanctions mettent l’économie à genoux
Après une année d’une crise profonde ponctuée de violences, l’économie du Burundi est aujourd’hui sinistrée sous les effets combinés du blocage politique en cours et des sanctions de la communauté internationale, qui font désormais de ce pays le plus pauvre du monde.
« L’économie commençait à se stabiliser, l’inflation était maîtrisée et avec une croissance moyenne de quelque 4,5 % depuis plusieurs années, le Burundi semblait sur la bonne voie. Mais la crise actuelle a eu des effets catastrophiques, notamment sur les finances publiques et le secteur formel », analyse un professeur d’économie de l’Université du Burundi, sous couvert d’anonymat.
Le Burundi s’efforçait de sortir d’une longue guerre civile (1993-2006) qui avait fait plus de 300 000 morts et ruiné son économie. Mais l’annonce de la candidature du président Pierre Nkurunziza, fin avril 2015, pour un troisième mandat jugé illégal par l’opposition, la société civile et une partie de son propre camp, a tout remis en cause.
La récession a fait son retour. L’économie burundaise a connu une croissance négative de 7,4 % en 2015, selon le FMI. La crise a eu un impact direct sur des secteurs clés.
« Le secteur de l’hôtellerie est totalement sinistré. Je n’ai gardé qu’un dixième de mon personnel parce que c’est impossible de mettre tout simplement la clé sous la porte, à cause de mon investissement et des crédits bancaires contractés », se lamente pour l’AFP et sous couvert d’anonymat le propriétaire d’un grand hôtel de Bujumbura.
Durant les quatre premiers mois de la crise, il n’a eu que deux clients pour plus de 50 chambres, assure-t-il. Aujourd’hui, la plupart des hôtels de Bujumbura ont fermé ou ont fortement réduit leur personnel.
« Cela a fortement impacté toutes les banques, qui ont financé la construction de dizaines d’hôtels car le secteur était porteur depuis plusieurs années et aujourd’hui, plus personne ne les rembourse », explique le professeur d’université.
Encore classé troisième pays le plus pauvre du monde en 2014, le Burundi est devenu le dernier de la classe en 2015 avec un PIB de 315,2 dollars par habitant, selon le FMI.
« La situation devient critique »
Après les pays occidentaux, principaux donateurs bilatéraux, l’Union européenne (UE) a officiellement suspendu le 14 mars son aide directe. Principal bailleur de fonds du pays, elle espérait ainsi faire pression sur le gouvernement pour qu’il entame un véritable dialogue avec l’opposition.
« Le coup a été très rude pour le pouvoir, même s’il a cherché à minimiser son impact », juge un diplomate européen sous couvert d’anonymat: « Le budget a été réduit de 25%, les recettes publiques sont en baisse… »
« Il est clair que la récession est là et on en voit les effets » même si, reconnaît-il, « il n’y a pas eu d’effondrement » du système.
Les infrastructures se dégradent et ne sont pas réparées. Des routes et ponts se sont effondrés pendant la saison des pluies, même au coeur de la capitale.
Pour la première fois depuis la création de l’Université du Burundi en 1964, le petit-déjeuner a été supprimé depuis février dans les restaurants universitaires. Les étudiants n’ont même plus droit à la viande.
Enfin, le gouvernement exige désormais des organisations burundaises et des ONG internationales de domicilier leurs comptes en devises auprès de la banque centrale, une mesure décriée par les Etats-Unis.
Toutefois, nuance Thierry Vircoulon, de l’International Crisis Group, il existe « deux économies parallèles au Burundi : l’économie formelle très concentrée à Bujumbura et l’économie rurale, peu monétisée, à la limite de la survie et qui concerne la majorité des Burundais », environ 90% de la population.
« Ce clivage signifie que l’économie (rurale) de subsistance ne souffre pas autant que l’économie formelle (de la capitale) en ce moment », souligne-t-il.
Bien que moins affecté, le monde rural, déjà en proie à une pauvreté extrême, est aussi touché en raison des coupes dans les programmes publics de santé, d’éducation et d’infrastructures.
« Jusqu’ici, le gouvernement burundais s’en est sorti en ayant recours à des expédients tels que des coupes dans les budgets sociaux, la main tendue vers certains pays amis ou le recours à la planche à billets, mais la situation est en train de devenir critique », remarque, sous couvert d’anonymat, un haut fonctionnaire de l’ONU en poste à Bujumbura.
« La question qui se pose aujourd’hui est de savoir jusqu’à quand le pouvoir de Nkurunziza va pouvoir tenir. Jusqu’à quand? », se demande-t-il.
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